R.M.I. - R.M.A.

Le mécontentement s’amplifie

Le projet de loi est passé au Sénat

30 mai 2003

À La Réunion, le Collectif Emplois en Danger (CED) et le Collectif de Lutte contre l’Exclusion (CLE) ont dénoncé la réforme du RMI et la création du RMA. En France, des dizaines d’associations se sont mobilisées contre ce projet du gouvernement. Les craintes sont les mêmes : collectifs et associations dénoncent un projet qui ne tient compte ni de la réalité, ni des besoins des exclus, et dont les conséquences négatives sont nombreuses (précarisation des emplois, risques de dérives...).

Le projet de loi gouvernemental « portant décentralisation du RMI et créant un revenu minimum d’activité (RMA) » n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les associations engagées sur le terrain. Il a même été publié avant que soit rendu public le rapport demandé par Matignon (rapport confié au sénateur Seillier. Et ce ne sont pas les amendements apportés à la marge de ce texte qui vont faire changer d’avis les associations.
À La Réunion, le Collectif Emplois en Danger, le Collectif de Lutte contre l’Exclusion (voir en page 4), notamment, se sont mobilisés pour dénoncer le contenu de cette loi. En France, la grogne est tout aussi importante, puisque des associations comme Emmaüs France, le Secours catholique, Médecins du monde, la FNARS et Solidarités nouvelles face au chômage se sont groupées au sein du collectif "Alerte" pour dénoncer, comme les collectifs réunionnais, cette loi.
Les principaux reprochent qui lui sont fait : « elle ne répond pas à une ambition sociale », « elle n’est pas à la hauteur des enjeux » (ni à La Réunion ni en France), « elle ne propose qu’une nouvelle forme d’emploi précaire », « il n’y a rien, dans cette loi, qui montre que le gouvernement veut faire un signal fort dans la lutte contre l’exclusion », « ce projet ne propose aucun véritable processus d’insertion menant vers un véritable emploi stable et non précaire ».

Quelle "avancée sociale" ?

Le projet de loi entraîne bon nombre de questions : « Après 18 mois de RMA, l’exclu ira-t-il aux ASSEDIC ou au RMI ? ». « Qui va définir les entreprises qui pourront prétendre embaucher un "RMAste ?" ». « Qui va contrôler qu’il n’y a pas de dérive politique ? ». « Où est la valorisation humaine de la personne ? ».
Et les critiques sont acerbes : « C’est de la manipulation, du mépris ». « C’est une nouvelle forme d’esclavage », « C’est un retour en arrière », « Ce projet ne sert à rien, puisque les moins de 25 ans sont encore exclus ». « Contrairement à ce que dit François Fillon, rien n’est prévu pour "donner un nouveau souffle à l’insertion" ». « C’est un CES au rabais »
. Et comme il est ouvert aux collectivités locales, « c’est un CIA bis ».
L’ensemble des associations réfutent l’idée exposée par le gouvernement, selon laquelle le RMA provoquera une augmentation des revenus du érémiste. « Le texte interdit tout cumul du RMA avec un autre revenu, contrairement au RMI actuel ». « C’est un contrat à durée déterminée et, en plus, à mi-temps, d’un maximum de 18 mois. Comment voulez-vous que ce contrat encourage à la reprise d’activité d’un érémiste ? ».
Malgré les protestations véhémentes des associations de lutte contre l’exclusion, malgré le rapport de Seillier, les sénateurs ont voté le projet. Il sera soumis dans quelques jours à l’Assemblée nationale.
Et les exclus réunionnais appellent à la mobilisation...

Le maire de Saint-André souligne le risque de clientélisme au Département
Les craintes les plus vives ont été exprimées en ce qui concerne le projet de décentralisation du RMI. Les collectifs de lutte contre le chômage (CED, CLE), les partis politiques (le PCR notamment) avaient souligné les risques que comporte une décentralisation non concertée, refusée même. En effet, le Conseil général n’a pas souhaité prendre cette compétence... que le gouvernement va néanmoins lui donner.
Toujours est-il que les risques de dérives à La Réunion sont soulignés par... Jean-Paul Virapoullé. Le sénateur, lors du débat le 26 mai, déclarait : « Les ayants-droit s’inquiètent de la sécurisation du dispositif. En métropole, il concerne 1% de la population mais 10% chez nous, que le président du Conseil général ne doit pas transformer en clientèle politique. Il faut mettre toutes les sécurités pour que les droits soient objectivement attribués ». Remarque qui a provoqué un « Eh oui ! » sur les bancs du CRC (groupe auquel est rattaché Paul Vergès).
Un transfert financier au minimum
François Fillon a estimé à « 4,5 millions d’euros » le coût de ce transfert du compétence du RMI au Département et il prévoit de compenser cette charge nouvelle par une quote-part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), qui reste encore à préciser. Et au vu de ce qui a pu transpirer jusque là, des montants des transferts prévus pour d’autres secteurs à décentraliser, on peut craindre le pire. C’est le minimum. Il est en francs constants, ne tient pas compte de l’évolution des coûts, ni de celle du nombre de personnes concernées (non en termes d’allocations aux érémistes mais en termes de personnels chargés de la gestion des dossiers). En France, les Départements ont fait part de leurs craintes de voir ces charges nouvelles ne pas s’accompagner du transfert de ressources correspondant.
La formation à la trappe...
Les sénateurs ont apporté quelques modifications au texte initial proposé par François Fillon. Et parmi ces amendements, il y a en a un qui indique clairement que cette réforme n’est pas faite pour permettre aux érémistes d’entrer dans un processus d’insertion. En effet, les sénateurs UMP notamment ont supprimé « l’obligation d’inscription dans le budget départemental de 17% des crédits consacrés par l’État au paiement du RMI dans l’année précédente prévue dans le texte initial du gouvernement ».

... Et un contrat à la tête du client

Le Sénat a également voulu donner « plus de souplesse » au RMA, en accord avec le gouvernement, en proposant de « moduler la durée du travail en fonction des capacités de la personne et de son projet professionnel ».
Reste à savoir qui va "moduler". Comme les associations françaises ont calculé que pour le prix d’un smicard, les entreprises pourraient embaucher trois érémastes, cette nouvelle disposition prise par les sénateurs - en accord avec le gouvernement - est bien une nouvelle preuve que c’est « encore un cadeau fait aux entreprises » pour reprendre l’expression des collectifs réunionnais.

Loi programme et projet Fillon : quelle articulation ?
Au Sénat, Jean-Paul Virapoullé lançait : « On ne peut donc traiter les D.O.M. comme la métropole ». C’est probablement pour cela qu’il a amendé la Constitution en demandant que La Réunion se situe dans le "droit commun" et que l’on ne puisse pas adapter les lois aux besoins des Réunionnais ou en fonction des intérêts de l’île...

Toujours est-il qu’il y a un problème qu’il va bien falloir résoudre : comment articuler d’un côté la loi programme pour l’outre-mer, et de l’autre la loi Fillon ?

Car Brigitte Girardin a été formelle : « Enfin, je tiens à préciser que le "revenu minimum d’activité" (RMA), proposé par mon collègue François Fillon, a vocation à s’appliquer dans les collectivités de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion et de Saint-Pierre et Miquelon. Ce nouvel outil d’insertion, dans les secteurs marchand et non marchand, des bénéficiaires du RMI qui ont plus de deux ans d’ancienneté dans ce dispositif, s’inscrit dans le cadre d’un contrat de travail de type particulier, d’une durée de 20 heures par semaine pour une période de 18 mois au plus. Ce RMA s’ajoutera par conséquent aux dispositifs particuliers pour l’outre-mer que sont, le CIA, pour le secteur non marchand, et le CAE, pour le secteur marchand, tous deux demeurant plus attractifs. Le CIA et le CAE, comme vous le savez, ont été créés par la loi Perben ».

Même Jean-Paul Virapoullé a soulevé la question : « Comme pour la décentralisation du RMI, le RMA appelle aussi un volet spécifique pour les D.O.M. car il faut harmoniser l’ensemble des dispositifs de retour à l’emploi, que nous avons encore complété la semaine dernière, afin que les érémistes ne croient pas qu’on les mène en bateau ».
N’est-ce pas un peu tard pour s’en préoccuper ?


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