Social

Le soutien des élus aux revendications des fonctionnaires

L’Intersyndicale de la fonction publique d’éducation reçue hier à la Région et au Conseil général

10 avril 2003

Avec la défense du droit à une retraite digne, le projet de décentralisation d’une partie du personnel de l’Éducation nationale, les IATOSS (ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, santé et sociaux) est dénoncé par les fonctionnaires comme « une attaque sans précédent du gouvernement contre le service public ». Tous craignent la disparition des infirmières, de médecins, de conseillers d’orientation, d’assistantes sociales et de psychologues rattachés aux établissements scolaires. Alors que le mouvement de grève touchait la plupart des collèges et des lycées de l’île, l’Intersyndicale (UNSA-CGTR-SGEN CFDT-FSU-FO) s’est rendue hier matin au Conseil régional où elle a été reçue par le vice-président chargé de l’Économie Antoine Minatchy, et l’après-midi au Conseil général où elle a rencontré Jean-Luc Poudroux.

En milieu de journée, Antoine Minatchy confiait à la presse au sortir de la réunion avec l’ensemble des syndicats : « les syndicats sont venus nous faire part de leur problème et nous les avons écoutés attentivement. J’ai rappelé la position du Conseil régional, déjà donnée par le président Paul Vergès : la Région n’est pas demandeur du transfert des personnels IATOSS. Les représentants du personnel ne sont pas demandeurs non plus. C’est au gouvernement de trancher ». La déclaration est brève et limpide.
Aussitôt l’Intersyndicale a fait le point avec la presse sur cette rencontre de la matinée. Jean-Marc Gamarus, porte-parole du mouvement, nous en disait plus sur l’entrevue : « Nous avons voulu absolument rencontrer la Région, et dans l’après-midi le Département, pour exposer les problèmes que soulève la décentralisation du gouvernement Raffarin, qui nous est imposée et que nous refusons. Nous sommes venus demander à la Région son positionnement sur le sujet. Actuellement la colère gronde, trois quarts des établissements sont paralysés, et la grève est reconductible. Elle a pour objet le maintien des missions du service public d’Éducation nationale et le maintien du statut de fonctionnaire d’État pour toute l’équipe éducative. Nous attirons aussi l’attention de l’opinion publique sur le dossier des retraites ».

« Obtenir le retrait de ces projets »

Il poursuivait, au sujet du projet de transfert des personnels IATOSS de la compétence de l’État à celle des collectivités territoriales : « Le vice-président Antoine Minatchy nous a rappelé et nous a répété que la Région Réunion n’a jamais été demandeur du transfert de la fonction publique d’État à la Région Réunion. Le président Paul Vergès a déjà affirmé publiquement le même positionnement. Tout est dit, la Région n’est pas demandeur et estime que ça relève des compétences de l’État ».
L’Intersyndicale se dit « satisfaite du positionnement de la Région qui apporte son soutien ». Elle dit partager le souci du Conseil régional au sujet des écoles frappées de paralysie. Elle a réaffirmé que « les collectivités territoriales ont leur mission de service public territorial, nous nous battons pour une mission de service public d’État dans l’enseignement. Nous voulons obtenir le retrait de ces projets ».

Entendre les positions des élus

C’est dans cet esprit que vers 16 heures, hier, tous les membres de l’Intersyndicale se sont retrouvés au Conseil général. Le président Jean-Luc Poudroux les a reçus et a également invité la presse à assister aux échanges.
Le tour de table commençait avec Gilbert Romain (représentant du SNAEN au sein de l’Intersyndicale) : « Nous nous sentons menacés par la décision du gouvernement », commençait le représentant des agents, « ce n’est pas notre statut, mais les missions qui nous sont confiées que nous voulons défendre. C’est l’ensemble des parents d’élèves et le système éducatif réunionnais dans son ensemble qui sont inquiets. Nous, personnels de la communauté éducative, nous avons montré le rôle joué auprès des élèves, et nous nous inscrivons contre cette politique de démantèlement du service public d’État. Nous avons eu ce matin le positionnement du Conseil régional. Sur le plan national beaucoup de présidents de Région ou de Département se prononcent contre le transfert des personnels IATOSS à leurs collectivités. Nous sommes venus, car nous voulons entendre la position du Conseil général ».

« Une communauté bien soudée »

« Nous travaillons tous les jours auprès des élèves. Les parents savent que derrière la structure de l’école, il y a des personnels enseignants et non-enseignants pour encadrer, accueillir, écouter, accompagner les enfants. C’est une communauté bien soudée », poursuit le porte-parole de l’Intersyndicale. « Or si l’on anticipe les propositions gouvernementales, on craint l’arrivée d’un système à plusieurs vitesses. Le personnel enseignant aurait pour patron l’État, le ministère de la Jeunesse, de l’Éducation et de la Culture, et d’autres obéiront aux politiques menées par les collectivités territoriales ».
« Tous les Conseils régionaux et Conseils généraux ne sont pas au même niveau sur le plan national », ajoute l’Intersyndicale. « Aujourd’hui le ministère reconnaît pour La Réunion un déficit de 400 IATOSS, ajoutons à ceux-là les emplois "aidés" dans les collèges et les lycées, c’est une idée du manque. Dans un contexte économique et social comme celui de La Réunion, si l’État tient ses engagements et crée des emplois, ce sera une bouffée d’oxygène pour les établissements scolaires qui pourront mieux mener leur mission de service publique d’éducation, et ça fera baisser le chômage. A contrario, si les collectivités reprennent le déficit de l’État en matière de moyens humains, la situation serait aggravée ».

« Le Département n’a jamais été demandeur »

D’autres intervenants de l’Intersyndicale apportaient quelques points de précision, mais tout était déjà dit, l’Intersyndicale n’attendait plus que l’avis du président du Conseil Général. Jean-Luc Poudroux répondait aussitôt : « La décentralisation, acte deux, a été souhaitée par beaucoup de Français et par tous les partis. Nous attendons beaucoup sur la clarification des compétences, et sur le transfert des compétences ». « La question du rattrapage a été souvent soulevée. L’Etat va-t-il donner les moyens évolutifs de ce rattrapage ? Va-t-il nous donner des postes ? », demandait le président du Département avant de rappeler que le Conseil général « n’a jamais été demandeur de vos transferts vers les collectivités. Nous avons fait des demandes au sujet du bâti scolaire, mais je peux vous le dire sans ambiguïté : nous n’avons jamais réclamé ce transfert vers le Conseil général ».
Jean-Luc Poudroux conseillait à l’Intersyndicale de poursuivre son action auprès des parlementaires réunionnais, et assurait être personnellement leur « relais auprès du Premier ministre ». Comptant sur « le pragmatisme » du Premier ministre, il se disait optimiste : « Je ne vois pas ce qui peut empêcher le premier ministre de reculer à partir du moment où ne sommes pas demandeurs ».

L’Intersyndicale, satisfaite de cette déclaration, a rappelé au président du Département sur la responsabilité des élus dans cette affaire : « il y va de la paix sociale ».

Les revendications exposées par l’Intersyndicale
Jean-Marc Gamarus (CGTR) : « Le lit des inégalités »

« Cette réforme de la décentralisation touche de plein fouet les personnels IATOSS que nous sommes. Nous ne sommes pas contre la décentralisation, mais nous refusons cette réforme, imposée sans concertation et qui pose des problèmes dans son application. Au niveau de la méthode, quel grand débat y a-t-il eu ? Les Assises des libertés locales étaient un écran de fumée. Deux tiers des Régions ne sont pas demandeurs de ce transfert. Ce qui était présenté comme une mise à disposition devient un transfert, c’est comme si on nous disait : « vous n’êtes pas digne d’appartenir au système éducatif ». Nous n’avons rien contre la fonction publique territoriale, mais quand le Premier ministre s’en prend à un dispositif qui a fait ses preuves, nous ne pouvons qu’exprimer notre colère à voir qu’on nous prend pour si peu de chose. Le gouvernement avance la raison d’une plus grande proximité, mais c’est pour des raisons de restrictions budgétaires qu’il décharge sur les collectivités ce qui est de la responsabilité de l’État. On démantèle un système qui marche, demain ce système écartelé, éclaté dans son unicité, creusera le lit des inégalités. Nous souhaitons relever de l’autorité de l’État. Et le passage en force du gouvernement ne peut que récolter, mécontentement, colère et grève ».

Armand Hoareau (UNSA) : « Retard structurel et poussée démographique »

« Nous voulons défendre le principe d’une Éducation nationale. Nous avons ici à faire face à un retard structurel et à une poussée démographique importante. Ma situation est extrêmement préoccupante, nous allons vers un enlisement profond de ce conflit », précise Armand Hoareau.
Patricia Cicé (du secteur des assistantes sociales de l’UNSA) soulignait que « les assistantes sociales ont toujours été d’État, le ministère de l’Éducation nationale nous a placé au cœur du système éducatif, au sein de l’équipe éducative. Seul le maintien de notre statut nous garantie une place au plus près des problématiques déviantes de nos jeunes. Nous ne pouvons être plus proche ».

Vincent Cellier (FSU) : Risque de « privatisation des services de l’Éducation nationale »

« Nous refusons catégoriquement le transfert de tout personnel. Cette décentralisation pose le problème de l’équité sur tout le territoire national, et soulève des questions budgétaires. Nous nous opposerons à toute tentative de privatisation des services de l’Éducation nationale ».

Jean-Louis Belhôte (SGEN CFDT) : « Une mission de service public d’État »

« La mission de service public territorial est honorable. Il y a des missions d’éducation. La mission publique d’État est une mission de service public d’État et doit le rester. Un gouvernement qui consulte tout le monde sauf le personnel ou leurs représentants, n’est pas respectable parce qu’il ne nous respecte pas ».

L’École n’est pas une marchandise !
Le Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement appelle ses adhérents et sympathisants à se joindre aux différentes actions organisées cette semaine dans l’Éducation nationale par les personnels.
Il s’agit de résister à la politique de régression sociale concoctée par le gouvernement Raffarin en matière de décentralisation et de retraites. Il est de l’intérêt de tous les enseignants de faire bloc autour des personnels menacés de transfert auprès des collectivités territoriales car, à moyen terme, ce sont des pans entiers de la Fonction publique qui sont dans la ligne de mire d’une décentralisation qui n’est qu’une étape transitoire vers des privatisations massives. Si nous ne réagissons pas immédiatement, l’égalité devant le service public ne sera plus qu’un souvenir et le nivellement par le bas de l’ensemble des retraites la triste réalité. L’École est une institution de la République, ne la laissons pas devenir une marchandise !

Pascal Basse, Bureau départemental du M.R.C.
La P.E.E.P. partage l’inquiétude des grévistes
Dans un communiqué diffusé hier, « la P.E.E.P. constate que, suite au mouvement de grève lancé par l’intersyndical (corps enseignants, personnels ATOSS, assistantes sociales, conseillers d’orientation, etc…) au sein des collèges et lycées de notre département, se pose un certain nombre de problèmes tels que l’approche des examens et principalement celui de la sécurité de nos enfants qui doivent regagner le domicile des parents souvent par leur propre moyen.
Cette grève étant reconductible avec prise de décision tous les matins, nous conseillons aux parents de garder les enfants chez eux jusqu’à l’annonce de la fin de la grève et le retour des conditions nécessaires au bon fonctionnement des établissements.

Notre Fédération étant pour un renforcement du service public et non son démantèlement, nous demandons à l’État que ce service public soit de nouveau fonctionnel le plus rapidement possible. D’autre part, nous partageons l’inquiétude des grévistes sur le devenir des missions assurées par eux au sein des établissements scolaires ».


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