Des principes d’universalité à l’épreuve de nos spécificités insulaires
Les Assises réunionnaises pour la Charte de l’environnement étaient les dernières inscrites au calendrier du ministère de l’Écologie et du Développement durable, qui a ouvert, en Conseil des ministres du 5 juin 2002, une phase de consultation et de préparation d’un an à la suite du discours présidentiel du 3 mai 2001 initiant le processus d’élaboration de la Charte.
Le président Jacques Chirac devait reprendre avec force, lors du Sommet de Johannesburg d’août-septembre 2002, les idées directrices guidant la démarche gouvernementale française, notamment lorsqu’il a déclaré devant un public international : « Nous sommes la première génération consciente des menaces qui pèsent sur la planète. La première. Et nous sommes aussi probablement la dernière génération en mesure d’empêcher l’irréversible ».
Les Assises réunionnaises ont eu lieu hier à l’Université, en présence notamment de Delphine Hédary, représentant Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l’Écologie et du Développement durable, de Christian Brodhag, directeur de recherche à l’École des mines de Saint-Étienne et l’un des dix-huit membres de la "commission Coppens" et de M. Kerjouan, directeur régional de l’Environnement.
Une Charte annexée à la Constitution
Placée sous la présidence du paléontologue Yves Coppens, la commission de préparation de la Charte a été installée le 26 juin 2002 par le gouvernement pour guider les travaux des 14 assises territoriales qui se sont tenues en France entre le 29 janvier et le 25 février 2003, puis dans les quatre régions d’outre-mer. Son représentant à La Réunion, Christian Brodhag, avait présidé dans notre île les travaux de l’Agenda 21 en février de l’année dernière.
La démarche de la Charte de l’environnement vise à la rédaction d’un texte qui sera annexé à la Constitution, « inscrivant dans une loi fondamentale les droits et devoirs des citoyens envers leur environnement et définissant ainsi une responsabilité collective et individuelle », a dit en ouverture le secrétaire général de la préfecture Vincent Bouvier, représentant le préfet. Avant lui, le vice-président de l’Université, M. Lajoie, avait accueilli les participants par un exposé montrant comment « la biodiversité remarquable de La Réunion » est mise en valeur par l’engagement pluridirectionnel de la jeune université dans la recherche environnementale.
Les Assises de Saint-Denis, préparées sous la responsabilité de la DIREN (direction régionale de l’Environnement), ont alterné débats et ateliers, une table-ronde de synthèse et la présentation d’un dossier sur la gestion de la ressource en eau, qui constituait le "thème phare" des assises organisées à La Réunion.
Quatre ateliers
Le matin, après la séance d’ouverture des travaux, quatre ateliers ont réuni chacun une cinquantaine de personnes sur les thématiques des déchets, sous la présidence d’Ibrahim Dindar, vice-président du Conseil général ; de l’énergie, sous la présidence de Philippe Berne, vice-président du Conseil régional ; de l’éducation à l’environnement, dans l’atelier 3 présidé par M. Hoarau, animateur de la "cellule Environnement" créée cette année par le rectorat ; et enfin l’atelier sur la protection des espaces naturels, présidé par l’universitaire M. Strasberg.
L’ouverture des Assises s’est faite après le déjeuner, en présence du préfet Gonthier Friedérici, de la chargée de mission du ministère, qui a donné lecture d’une adresse de Roselyne Bachelot, retenue au Parlement par le débat de la loi sur les risques industriels et naturels, et des représentants des deux collectivités territoriales. Dans leur conduite telle que décrite par la ministre, les Assises ont cherché à traduire « une volonté double, être à l’écoute mais aussi croiser notre travail juridique, éthique, scientifique, avec les réalités du terrain ». La ministre de l’Écologie et du Développement durable, venue à La Réunion en novembre 2002, a pu découvrir les spécificités de l’île en matière environnementale.
Mais quelle place faire à ces spécificités, essentielles, dans un texte auquel les dirigeants de la France aspirent à donner la portée de la Déclaration de 1789 fondant les droits civiques, ou encore celle de la Constitution de 1946, fondant les droits économiques et sociaux ? Lorsqu’il s’est agi, dans les débats qui ont eu lieu en France, de débattre des principes du Code de l’environnement - principe de prévention, de précaution, de participation-information et le principe "pollueur-payer" - pour les élargir ou leur ajouter les principes d’éducation à l’environnement ou ceux d’intégration, de responsabilité, de contractualisation et de décentralisation pour plus de « solidarité entre les hommes et les territoires » a dit la ministre, ces aménagements ont pu se faire par la diversification des approches.
Quelle place pour nos spécificités ?
Mais comme l’a fait observer Philippe Berne, vice-président de la Région, il y a une vraie difficulté à vouloir élaborer un texte annexé à la Constitution, dans lequel La Réunion n’a pratiquement que des spécificités à faire valoir : une forte croissance démographique sur une surface limitée, un endémisme fort et les risques naturels inhérents aux milieux tropicaux. « Les politiques découlant de ces contraintes ne peuvent pas être mécaniquement rattachées à une problématique générale », a ajouté le conseiller régional en suggérant une mention des spécificités de l’outre-mer dans le préambule, ou dans un article particulier, suivant l’exemple de l’article 299-2 dans le Traité d’Amsterdam.
La question, fortement présente dans le rendu de certains ateliers, embarrasse quelque peu les porteurs de la Charte et Christian Brodhag, reprenant la parole pour présenter les travaux de la commission Coppens, a surtout évoqué les débats fondamentaux, philosophiques et scientifiques, qui partagent et parfois opposent les membres de la commission. La Réunion aura au moins contribué à enrichir la controverse philosophique à travers le binôme contradictoire "spécificités/universalité".
La question a aussi émergé lors du premier débat suivant le compte rendu des ateliers, notamment dans l’intervention du directeur des TAAF, qui a rappelé que l’utilité de la tenue d’Assises en outre-mer est précisément « de faire écrire dans cette Charte les spécificités des régions outre-mer », le reste étant pris en charge dans les autres régions. Le représentant de la SREPEN a également plaidé pour un affichage fort du fait que « La Réunion participe de façon particulière à la biodiversité du monde ». Des questions plus concrètes ont émis des doutes sur l’utilité d’un texte de loi supplémentaire (Écologie-Réunion) ou encore sur la possibilité de mettre en œuvre les directives retenues dans un contexte de restrictions budgétaires, non seulement en France mais en Europe.
« Besoin de stratégies adaptées »
Ce fut ensuite au tour de l’atelier sur l’eau, présidé par le juriste et universitaire Éric Naim-Gesbert, de rendre compte de ses travaux, suivis d’un débat qui a abordé entre autres les questions de tarification, des habitudes de consommation, du rôle de l’irrigation dans le soutien aux agriculteurs. Éric Naim-Gesbert a clos ce chapitre par une réflexion de juriste sur « droit des eaux, droit de l’eau et droit à l’eau », relevant « une ambiguïté » et une autre spécificité réunionnaise, l’eau relevant majoritairement dans notre île de la domanialité publique et non du droit privé, comme en France.
Dans sa conclusion des Assises, Christian Brodhag est revenu sur le "nœud" de la question de la spécificité de l’espace réunionnais. Tout d’abord pour relever l’intérêt d’échanger nos expériences avec la région et avec le monde, notant ensuite le « besoin de stratégies adaptées, dans une approche générique mais qui ne remette pas en cause les objectifs finaux ».
Ces Assises ont mis en relief la nécessité de reconnaître la spécificité des espaces d’outre-mer « notamment au regard des espaces naturels primaires » a dit le membre de la commission Coppens, en disant sa conviction pour faire reconnaître ces espaces naturels comme « patrimoine d’une qualité exceptionnelle ».
Il reste à savoir ce que la commission, absorbée par des débats d’une teneur très différente, pourra et voudra réellement intégrer à la Charte, dont une rédaction "à choix multiple" sera proposé à la fin du mois à l’arbitrage présidentiel. Le choix définitif sera présenté le 4 juin 2003.
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