Sciences et énergies renouvelables

Les boues des stations d’épuration, les vagues de la mer, la route des Tamarins… : de lénèrzi-péi en barres

Présentation des travaux des stagiaires-ingénieurs de l’ARER

5 septembre 2003

Dans le cadre de la plate-forme Recherche et Développement de l’ARER (Agence Régionale de l’Energie Réunion), les stagiaires-ingénieurs de l’agence ont rendu compte de l’avancement de leurs travaux d’études aux différents partenaires lors d’une journée de travail organisée mardi dernier à la mairie de La Possession. Ce séminaire tout public s’adressait particulièrement aux élus, aux décideurs et maîtres d’ouvrage en vue d’une sensibilisation aux économies renouvelables ou aux politiques énergétiques valorisant "lénèrzi-péi".
Durant toute la journée, les élèves ingénieurs ont présenté la restitution finale de leurs stages effectués au sein d’entreprises réunionnaises. Des thématiques distinctes ont été exposées aux participants : la méthanisation des boues de station d’épuration ; l’énergie des vagues marines ; l’intégration d’énergies renouvelables sur la route des Tamarins ; ou encore la gestion environnementale d’hôtels pour les îles etc.

De bonnes boues

Pour la première intervention de la journée, place était donnée à Julien Laloë, élève ingénieur de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs de Chambéry (ESIGEC). Son stage a porté sur le potentiel réunionnais à méthaniser les boues des stations d’épuration.
Il existe sur l’île près de 14 stations d’épuration, ce qui représente une concentration de 4.000 tonnes de matières sèches. En 2010, on prévoit une vingtaine de stations et une production estimée à 12.000 tonnes de matières sèches annuellement. Quel est le procédé de récupération énergétique de ces boues ?
De manière très pragmatique, celles-ci vont être alimentées avant d’être envoyées dans un digesteur. Au bout de 25 à 30 jours, ces boues seront digérées et atteindront le processus de déshydratation. La combinaison de ces différents éléments, non exhaustive, aboutira à une énergie biogaz. Une étude de cas des filières boues a été réalisée sur les villes du Port et de La Possession par des mises en décharge ou des compostages. Ces techniques encore peu développées permettront une production d’électricité éventuellement vendue à EDF.
Reste à déterminer la qualité des boues en fonction de la qualité de l’eau : boues mixtes, boues bio etc. Celles-ci peuvent se répartir sur les cultures de canne à sucre tout en évitant les cultures maraîchères.

L’énergie de la mer

Un autre exposé, non moins intéressant, concernait l’énergie qu’engendrent les vagues sur les côtes réunionnaises. Pour expliquer plus en détail ces expérimentations, c’est Gwenole Peronno, élève ingénieur de l’Ecole Supérieure de Mécanique de Marseille (ESM2), qui s’en est chargé.
Tout d’abord, il faut savoir que l’océan constitue un formidable réservoir d’énergie. Des techniques de prototypes ont été constituées grâce à une mission de l’ARER en Écosse.
Du Sud de l’Afrique au Nord de l’Antarctique, un atlas de ressource en énergie des vagues peut être créé. Des statistiques "off-shore" (en pleine mer) ont été mises au point afin d’arriver à un découpage de l’île en zones d’études. En partenariat avec Météo France, le calcul de la prévision de la houle peut se faire en fonction des vents (ce qui permettrait de prévenir des dégâts naturels comme ceux du week-end dernier à l’Hermitage).
Neuf paramètres ont été évalués pendant toute la durée des études sur une cartographie précise totalisant une centaine de points. Il en ressort que les hauteurs moyennes des vagues sont estimées à 2,29 mètres sur des périodes moyennes de 9,83 secondes. Ce qui dans un champ global, signifierait près de 26 Kwatts/m alors que le Japon ne produit que 10 Kwatts/m.
D’après ses études, Gwenole Peronno observe que les mois de mai, juin et juillet connaissent une plus haute "pique" des vagues. Le potentiel réunionnais reste concentré sur le Sud, allant de la pointe de la Table à la pointe des Aigrettes. L’idéal, d’ici 20 ans, serait l’optimisation de ce processus avec près de 40 à 60 mégawatts sur les côtes Sud de notre île.

La micro hydraulique

La troisième étude portait sur la micro hydraulique des réseaux d’eaux usées, d’eau potable ou d’irrigation. Présentée par Sandrine Rameau - issue de la même école que le premier intervenant -, ces techniques de micro hydraulique sont surtout réalisables dans les zones de montagnes. De façon schématique, cela consiste à réduire la pression d’eau par des réservoirs en amont et en aval. La micro hydraulique est d’ailleurs l’une des sources d’énergie renouvelable les plus utilisées puisqu’elle représente 74% de la totalité des énergies renouvelables françaises.
« Les Suisses ont l’habitude de l’appeler l’or bleue pour les collectivités », complète Christophe Rat. Même si cette étude demeure en phases préliminaires, 11 sites sont susceptibles d’accueillir ces structures. Ce qui totaliserait une production de 6 Gégawatts par an, soit l’équivalent du montant de la facture EDF sur l’île.

De "l’asphalte bio"…

La séance matinale s’est clôturée sur la présentation d’une réalisation plus palpable à court terme puisqu’il s’agissait de l’intégration des énergies renouvelables sur la route des Tamarins. Antoine Graillot, ingénieur INPG-Master Européen sur les énergies renouvelables, a présenté ses travaux.
Lancée en 1998, la route des Tamarins sera mise en service en 2006. Les travaux ont débuté en cours de cette année. L’idée est de produire et de consommer de l’énergie verte.
Ainsi, l’énergie électrique sera produite pour l’éclairage, les locaux techniques, les trois stations services, les centres d’exploitation etc… grâce au solaire photovoltaïque et à l’hydraulique. Les écrans anti-bruits constitueront un grand potentiel pour le solaire. La micro hydraulique sera installée dans des turbines sous l’asphalte, sur 5 points référentiels. « Toutes ces structures pourront se greffer aisément sans modification majeure de la route des Tamarins », soulignent Antoine Grillot et Christophe Rat.
La route étant un gigantesque capteur solaire où les températures du bitume varient entre 50 et 70 degrés, les "calopiles" convertiront la chaleur en électricité. La filière hydrogène utilisée par les bus induira une électrolyse de l’eau stockée par des bornes de distribution où l’on pourra se ravitailler. Autant d’atouts valorisés qui donneront à cette route l’allure d’un "asphalte bio".

…à "l’hôtel bio"

L’après-midi, tout aussi riche en exposés de restitution finale, avait pour thèmes : la gestion environnementale d’hôtels pour les îles, le biogaz de ferme d’élevage ou de bâtiment d’exploitation agricole ainsi que le développement des outils de communication de l’ARER. Nous avons plus particulièrement retenu l’exposé de Nicolas Dardenne, élève ingénieur de l’Environmental Technology and Managment, Hogeschool Bradant de Breda (Pays-Bas).
Son hôtel du futur, classé trois étoiles, sera de conception bioclimatique limitant les apports thermiques, privilégiant la lumière et le rafraîchissement naturel, avec un type d’électroménager A (lampes à basse consommation, etc), et raccordement en réseaux pour l’énergie photovoltaïque… Même l’énergie éolienne sera utilisée.
Les 90 chambres de cet "hôtel bio" auront un retour de rentabilité au bout de 13 ans. En raison des systèmes de refroidissement ("sea water cooling system"), les zones côtières de l’île seront davantage favorisées et permettront une économie de 8%. 50% à 60% du coût des réalisations sera pris en charge par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), autre support financier de l’ARER.
La climatisation solaire est encore au stade de recherche. La piscine devrait faire usage de "moquettes solaires" ou de "pompes à chaleur". Le biogaz à partir des déchets gaz et verre adaptables en Inde sont encore à l’étude sur le plan réunionnais. Les collecteurs d’eaux pluviales pour les sanitaires (comme c’est le cas pour le nouveau lycée Saint-André 3) ou pour les lave-linge et les machines à laver la vaisselle seront testés.
L’hôtel comportant la partie restaurant devra prendre en compte le problème des eaux usées et des graisses. Deux hôtels expérimentent actuellement ces technicités à Boucan-Canot et à Saint-Denis.

An plis ke sa
- Rendez-vous

Les prochaines études publiques des stagiaires-ingénieurs se dérouleront à la Maison du Volcan les 25, 26 et 27 septembre avant de donner lieu à des assises plus institutionnelles les 21 et 22 octobre à Stella Matutina à l’occasion des Rencontres Énergie Réunion 2003 (voir "Témoignages" d’hier). Tous les rapports d’études sont diffusés sur le site internet de l’ARER à l’adresse suivante : www.arer.org

- Conseils

Des conseils gratuits sont donnés au numéro de téléphone 0262 257 257. À la fin de l’année, un DVD plus un support papier devraient sortir, résumant beaucoup plus en détails les résultats de cette plate-forme Recherche et Développement de l’ARER.

Route des Tamarins

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