
Les conseillers régionaux interpellent le gouvernement sur le financement de sa loi
28 août 2003

« C’est le texte le plus important que nous ayons eu à examiner depuis vingt ans. Nous voulons des garanties et nous proposons de surseoir au débat jusqu’à ce que nous ayons une réponse du gouvernement ». Le président du Conseil régional, Paul Vergès, a tout tenté hier pour sortir l’opposition de son camp retranché et en lui adressant plus particulièrement ces quelques mots, peu avant le vote final sur le projet de délibération, il savait qu’il n’aurait pas un vote consensuel, mais les portes, du moins, restaient-elles grandes ouvertes.
C’était l’enjeu de la partie subtile qui s’est jouée hier à la Région pendant plus de quatre heures de débat, après quoi les élus se sont partagés non sur le projet de loi du gouvernement -autour duquel existent des convergences, sur le fond- mais sur un projet de texte préparé par une majorité d’élus soucieux d’obtenir des garanties du gouvernement sur les moyens financiers accompagnant les transferts de compétences.
A travers ce débat sur les moyens financiers - qui a mis l’opposition mal à l’aise- les conseillers se sont exprimés indirectement sur le contenu de la loi. Mais en ne votant pas le texte, ils mettent le gouvernement devant un choix : soit les préalables sont remplis et il devient possible de débattre des transferts de compétences, soit le gouvernement signe son indifférence devant « le déclin » et la « régression sociale » dont sa réforme sera la traduction dans notre île, à quelques mois d’élections pour le renouvellement des deux collectivités territoriales.
Débattre des préalables
Le débat a commencé avec une bonne heure de retard, la décision inopinée du Premier ministre de différer le transfert des T.O.S ayant créé la surprise hier. Une "surprise" sur laquelle le cabinet de la présidence a essayé d’obtenir les éclaircissements du ministère de l’Outre-Mer. En vain. « Si ce débat avait eu lieu hier (mardi - NDLR), nous nous serions affrontés, accusés et aujourd’hui nous serions ridicules », constatait devant la presse le président de la Région, avant d’entrer en séance.
Une façon tout en finesse de fustiger, devant l’opposition, les "mauvais traitements" que ce gouvernement inflige aux élus réunionnais, aucune des deux assemblées n’ayant été avertie au préalable de la décision de surseoir à la décentralisation des T.O.S.
Puis, après un bref exposé des motifs rappelant la situation créée par la procédure d’urgence voulue par le gouvernement, Paul Vergès a laissé le 3e vice-président, Lylian Payet, délégué à la Culture, donner lecture d’un texte de près de quatre pages, donnant une analyse du texte de loi sur la forme et sur le fond et posant des « préalables à la mise en œuvre des transferts de compétences proposés » (voir encadré).
Instruit par le refus du gouvernement de prendre en considération une précédente demande du Conseil général de reporter la procédure d’urgence, le Conseil régional a opposé l’urgence à l’urgence : avant de débattre du texte de loi, il faudra débattre des préalables.
Une heure d’échanges a été nécessaire pour arriver au vote : la majorité a fait valoir que le gouvernement ne pouvait demander à la Région « de se prononcer en quinze jours -procédure d’urgence- sur un texte qui engage l’avenir de La Réunion » (Jocelyne Lauret), tandis que l’opposition s’offusquait de cette façon de « surseoir à l’urgence par l’urgence » (Jean-Hugues Savaranin), allant jusqu’à y voir une « manœuvre électoraliste » (Roland Hoareau).
Paul Vergès a conclu ce moment du débat en rappelant que cette loi, qui engage notre pays sur vingt ans, va correspondre à la période cruciale durant laquelle l’île va atteindre le million d’habitants et une population active accrue de 144.000 personnes. « Nous n’avons pas les garanties nécessaires pour discuter d’un texte dont certaines dispositions peuvent par ailleurs être approuvées » a-t-il dit.
Cohésion sans faille
Puis à la demande du groupe la Relève et de Camille Sudre a eu lieu une suspension de séance. Le groupe La Relève est revenu dans le débat avec une motion dont certains passages ont été relevés dans le débat par leurs contradicteurs, tant ils démontrent que la suspicion et l’inquiétude suscitées par le contenu de la loi de décentralisation vont au-delà de la question financière et traversent l’ensemble des groupes politiques, y compris dans le camp du gouvernement (voir motion ci-après).
Dans le débat qui a suivi, la cohésion a été sans faille entre les composantes de la majorité, à quelques variations près dans les discours. Camille Sudre a dénoncé un « gouvernement dangereux », et à travers son texte de loi, « une véritable catastrophe » qui « va bloquer le développement de La Réunion ». Michel Vergoz a souligné le danger d’une loi « miroir aux alouettes ». « On ne sait pas où on va financièrement et, s’il y a une unité à faire, c’est bien là-dessus » a-t-il dit. D’autres après eux ont évoqué « l’appauvrissement de La Réunion » (Lylian Payet) et demandé au gouvernement de « s’associer à nos propositions réunionnaises » (Raymond Lauret).
Prise de court par les revirements du gouvernement, alors même qu’elle appelait à lui « faire confiance », l’opposition est restée d’autant plus mal à l’aise dans le débat qu’elle se savait de réelles convergences avec les élus de la majorité. En particulier sur tout ce qui constitue les grands défis des vingt prochaines années, évoqués par le président de l’Assemblée dans la conclusion au débat. « L’Europe des Quinze augmente les fonds structurels de la Réunion dans le DOCUP actualisé, jusqu’au rattrapage du niveau moyen européen. Pourquoi cette loi ne nous traite pas de même ? Pourquoi n’y a-t-il pas une concertation plus forte sur la croissance démographique ? » a-t-il dit, en évoquant le risque d’un « retour en arrière de 50 ans ». « En 1946, le Réunionnais ont identifié la réforme avec un progrès social sans précédent. Si la réforme actuelle doit coïncider avec autant de décisions de repli, ce gouvernement va associer sa réforme à un appauvrissement du pays » a-t-il conclu.
Motion |
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Présentée hors procédure, la motion de la Relève a été lue en séance et a circulé pour information, sans aucune chance d’influer véritablement sur les débats. Elle fait état de trois « souhaits » : « la sécurité institutionnelle », « l’égalité de traitement » et le « respect des spécificités et la prise en compte des handicaps de La Réunion ». Le premier de ces « principes » a été cité dans le débat par Paul Vergès, qui a commenté à travers lui l’inquiétude des élus de la Relève devant le projet gouvernemental : « Conformément à la volonté de la majorité des Réunionnaises et des Réunionnais, le Conseil régional souhaite que le processus de décentralisation ne mette pas en péril notre sécurité institutionnelle tant sur le plan national qu’européen ». Une motion que le président de la Région a qualifiée de « vœu pieux ». |
Proposition de délibération |
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La proposition de délibération mise hier dans le débat réaffirme plusieurs principes posés depuis février comme autant de préalables. Ces principes sont :
- la définition de blocs de compétences homogènes - la prise en compte des défis et des particularismes de l’Outre-Mer - le renforcement des moyens, au premier rang desquels l’autonomie financière des collectivités (fiscalité, compensation de charges). « Aucune réponse n’a été apportée à ces principes qui constituent des préalables à tout examen circonstancié du projet de loi »… « …le projet de loi méconnaît la problématique de La Réunion en laissant à la charge des collectivités le coût considérable des retards accumulés et de la dynamique démographique ». « Le risque d’une aggravation de la situation de La Réunion semble inéluctable » (…) Ainsi, l’intervention de cette loi dans la situation sociale de La Réunion risque d’aboutir à l’identification de cette réforme décentralisationce avec les phénomènes d’appauvrissement et de régression sociale. Après ces considérations, la proposition de délibération termine par cinq points qui argumentent sur le refus du Conseil régional de se prononcer sur le texte avant que le gouvernement ait répondu aux questions préalables. « En définitive, et dans l’attente des réponses du Gouvernement, le Conseil régional décide de surseoir à m’examen de ce texte, lequel est d’ailleurs susceptible d’évoluer, selon des informations publiquement annoncées », termine la déclaration. D. P. |
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