
Quel avenir ?
Les enjeux financiers et démocratiques de la décentralisation
Colloque "La décentralisation : Histoire, bilans et évolutions"
4 septembre 2003

Les intervenants inscrits hier après-midi dans les débats du colloque sur la décentralisation ont abordé dans une première partie les questions d’enjeux financiers et budgétaires : en termes macroéconomiques avec l’universitaire Philippe Jean-Pierre et du point de vue des collectivités locales, dont la fiscalité a été passée au crible par Amine Valy, tandis que l’universitaire Jean-Yves Rochoux s’est interrogé en termes très globaux sur les expressions de « rejet relatif » de la décentralisation. Dans une seconde partie, les interventions ont fait le bilan de la politique sportive régionale depuis 1988 avec Évelyne Combeau-Mari, celui des évolutions de l’audiovisuel vues par Bernard Idelson et la rencontre a pris fin après une réflexion de J.C Carpanin Marimoutou sur les enjeux de la confrontation identitaire réunionnaise dans la décentralisation et dans le contexte de la mondialisation néo-libérale.
Les différentes interventions, d’un intérêt très inégal, se sont succédées sans autre fil conducteur que celui dicté par l’intitulé général mais le débat de clôture a finalement construit une certaine cohérence dans les questions soulevées - qu’elles traitent de la démocratie et des libertés, des luttes sociales ou des efforts signalés à travers l’Histoire pour affirmer, parfois de façon paradoxale, une spécificité réunionnaise.
Dans la première partie, l’examen des enjeux financiers a interrogé cette deuxième phase de la décentralisation sous l’angle de la stabilité macro-économique, pour se demander si la décentralisation est « un catalyseur ou un frein » et quel rôle, quel pouvoir devait revenir à l’action publique dans ce cadre. Le "paradoxe", soulevé par Philippe Jean-Pierre dans l’examen du contexte budgétaire et financier, tient à ce que, dans la spécificité française, la fiscalité des collectivités locales revêt une grande importance tout en disposant d’une « autonomie réduite » et d’une « faible marge de manœuvre », la France restant fortement centralisée dans sa fiscalité. En terme d’enjeux financiers, la décentralisation, telle qu’elle est proposée, pose à La Réunion des problèmes de stabilité des finances des collectivités locales et ouvre un débat sur les impôts. « Stabiliser implique de responsabiliser par le biais de plus d’autonomie » a conclu l’intervenant en soulignant l’importance du débat à mener sur « l’équilibre des sources de financement ».
Fiscalité
Au-delà d’un « accord de principe plus ou moins général » sur la nécessité de la décentralisation, cette dernière réforme a été présentée par l’universitaire Jean-Yves Rochoux comme confrontée à un « blocage relatif » caricaturé par l’image d’une « communauté de rentiers », notion fourre-tout accolant aux véritables situations de rente tous les fonds (d’État ou de l’Europe) concourant au développement de l’île. Selon ce point de vue, la porte du développement serait fermée de l’intérieur, ce qui est une façon commode de dédouaner le pouvoir central.
Examinant les collectivités locales, Amine Valy a détaillé certains postes budgétaires (épargne brute et nette ; dépenses de fonctionnement, emprunt…) et la structure des recettes réelles de fonctionnement -une structure « fragile » et « relativement dramatique ». Relativement seulement du fait de la présence de l’État, des collectivités territoriales et de l’Europe dans la garantie des recettes d’investissement. « Les communes sont structurellement en difficulté, si un accord n’intervient pas entre l’État et la Région sur la cohérence du développement », a estimé le directeur général du Syndicat mixte de Pierrefonds, en finissant sur la nécessité d’une « réforme administrative » pour améliorer l’efficacité des communes et d’un découpage des collectivités locales en « au moins 50 communes », pour restituer son efficacité à l’intercommunalité, l’intervenant la jugeant « inadaptée à la taille actuelle des communes ».
Le rôle fédérateur du sport
La deuxième partie du débat, en autorisant un retour sur les décennies passées -à travers la politique des sports, de l’audiovisuel ou encore l’émergence des combats pour l’identité réunionnaise- a introduit une dimension politique aux débats sur la décentralisation.
L’exposé par Évelyne Combeau-Mari des réalisations de la « politique sportive rationnelle » élaborée par la Région à partir de 1988 sous l’impulsion de Pierre Lagourgue, a mis en exergue la responsabilité des élus locaux dans l’émergence d’un schéma d’aménagement et de développement sportif qui a doté l’île de très nombreux équipements, entre 88 et 2003. Des équipements qui ont concouru à un large essor démocratique des pratiques sportives et, à travers elles, à l’affirmation d’un « trait d’union » entre différents projets politiques de la collectivité territoriale : la formation et l’emploi, une stratégie de communication faisant du sport une porte d’entrée à la découverte de La Réunion et enfin une politique de relations internationales qui trouve à l’heure actuelle sa traduction la plus épanouie. L’intervenante, comme plusieurs participants au débat -tel Raymond Lauret, conseiller régional, élu délégué aux sports dans la Commission de la culture et du Sport- ont mis en exergue la continuité de cette action sous toutes les majorités, témoignant d’une « prise de conscience des élus du caractère fédérateur du sport », a dit l’intervenante.
« Une dynamique de transformation »
Rien de fédérateur, en revanche, dans les pratiques médiatiques des années 60 à nos jours, fortement réduites qui plus est par une lecture binaire d’où se sont trouvées exclues tant la diversité des médias (écrits) d’avant les débuts des concentrations économiques, que les luttes politiques et sociales dont ces médias ont été l’expression. La problématique « quel service public pour quel projet réunionnais » -selon l’expression d’un participant au débat- a singulièrement été esquivée, alors même que l’absence de retransmission du colloque par RFO signe la carence de ce service public, soulignée dans les interventions, devant un débat aussi fondamental.
Enfin, la question de la construction identitaire réunionnaise à travers les trois grandes étapes de mondialisation de notre histoire- esclavagiste, coloniale et néo-libérale- a permis d’aborder les rapports de construction dialectique entre dynamique historico-sociale et identité culturelle. La mondialisation néo-libérale, dans sa tentative de recolonisation généralisée des territoires, attaque de front droits sociaux et identités culturelles, a exposé Carpanin Marimoutou dans une réflexion très dense sur la complexité des rapports en jeu. Cette complexité fait que « la revendication culturelle n’est pas liée à un mouvement nationaliste au sens étroit », a-t-il dit en substance, « mais est ancrée dans une dynamique de transformation des rapports sociaux, à La Réunion et dans le monde ». De sorte que « les enjeux de la confrontation identitaire sont indissociables d’une lutte pour une solidarité inclusive du social et du culturel ». Ce qu’il faut alors, c’est « articuler des temps "dé-jointés" et transformer la béance de la perte originelle en fondation critique de la représentation sociale », en redonnant aussi « une égale valeur aux apports culturels qui concourent à la construction de l’identité réunionnaise ».
« Alternative démocratique »
Ainsi située dans un processus historique dynamique, la décentralisation n’est pas « un repli sur le lieu » (notre île, en l’occurence - NDLR) ni « un repli identitaire », pas davantage un acte de soumission à la mondialisation libérale mais une étape « pensée comme alternative démocratique, dans laquelle s’élabore une solidarité… »
Dans les questions et les interventions des participants au colloque, plusieurs éléments sont venus faire le lien entre les luttes des Réunionnais pour un véritable service public d’audiovisuel et les formes de construction identitaire opposées à une mondialisation qui tend à faire de toute chose une marchandise.
Le problème d’un grand service public de l’audiovisuel accompagne la réalisation d’une décentralisation comme « espace à conquérir pour construire un véritable projet réunionnais ».
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