Les orphelins du Sida

24 novembre 2007

Parce qu’il y a des programmes qui pourraient passer inaperçus, que la journée de lutte contre le Sida c’est le 1er décembre et que le thème de cette journée sera ’stop sida : Tenons notre promesse’, attardons nous sur une superbe production de RFO Réunion ’Les orphelins du Sida’. Il serait dommage de passer à côté de ce grand moment de télévision.

Musique choc sur des images choc

L’événement télévisuel de la semaine prochaine sera donc la diffusion sur Télé Réunion, dans le magazine "Archipels" le lundi 26 décembre, du documentaire de Gérard Perrier "Les orphelins du Sida". Là je dis attention ! En effet, cette œuvre (à ce niveau on peut parler d’œuvre) est sans aucun doute le film le plus émouvant que j’ai pu voir sur la problématique de cette maladie en Afrique. Le documentaire s’ouvre sur des images limite violentes (du moins en esprit) où l’on voit des jeunes adolescents snifer dans des bouteilles plastiques de la colle et qui se précipitent en grappes avec des sourires en tranches de papayes, devant la caméra.
Tout de suite avec l’image vient le son ! Le son est omniprésent dans ce reportage, il porte l’image et surtout l’émotion qui transparaît tout du long du documentaire. Ainsi nous voilà partis, sur un blues lent et émouvant, au pays des souffrances et de l’oubli ! De jeunes prés adolescents viennent devant la caméra pour dire leur mal-être. Ils vivent dans la rue, en bande, et ne nous méprenons pas, ce sont les mêmes qui sont peut-être déjà morts et qui la veille détroussaient les touristes sur les plages huppées d’Afrique du Sud ! Quelques rands volés dans le portefeuille d’un touriste pour un dernier voyage sans retour, un dernier charter de misère. Ils auront connu 10, 11 ou 12 hivers, mais pas un treizième été ! Ce n’est pas sous cet angle que Gérard Perrier a choisi de traiter ce sujet difficile et pourtant ce drame transparaît dans chaque regard dans chaque attitude des enfants des rues de Durban ! L’évocation de ce documentaire a lui seul vous fait hérisser le poil et donne à réfléchir : « Q’ont-ils fait pour tant de misère ? Qu’ai je fait pour voir cela ? ».
Pourtant il faut poursuivre et regarder toujours plus de misère, ne pas détourner les yeux, penser, se dire : c’est comment ? c’est quoi ? je suis où ? qui sont ils ? Ha oui ! C’est vrai, je suis dans un studio de RFO, on est en 2007, dans l’ère moderne du « j’ai tout chez moi et les autres n’ont qu’à crever » ! On est en novembre 2007 et sur l’écran défilent les pestiférés de l’an 194 qui de Oran en Algérie sont transportés dans les rues sales de la capitale Sud Africaine. Car la traduction de cette misère, ce à quoi nous assistons par images interposées, c’est la démission de notre société.
2007, nous sommes en 2007, il faut bien se le répéter pour y croire, le monde bascule de l’autre côté de la ligne, du côté sombre de notre conscience ! On aurait pu espérer qu’après le siècle des lumières viendraient des millénaires d’évolutions humanistes. Hé bien non ! Malraux professait : « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », je réponds à cela, "Bingo" ! Il ne le sera pas ! Non seulement il ne sera pas religieux, mais il ne sera pas humain, ce sera le siècle de l’égoïsme et du chacun pour soi et si ce n’est pas certain, ce ne sont pas les images de ce documentaire qui pourront me contredire. Je suis toujours devant l’écran dans le studio de la station du Barachois, toujours en novembre 2007, mais je ne suis pas seul à avoir les yeux rivés sur l’écran et pas question de se laisser abattre, pas question de tenter une esquive pour éviter une image trop forte et encore moins de laisser couler deux trois larmes sur toute cette misère. Non ! Après tout je suis trop fort pour ça !
Ce documentaire est une prise de conscience, il est politique, ces images sont politiques, elles le sont parce que la mort, la vie, tout cela est l’affaire de la cité ! On ne peut pas toujours rester là, devant son téléviseur sans rien dire. Beaucoup de ces enfants au cours de ce reportage, nous dévoilent leur intimité avec une grande pudeur, beaucoup nous parlent avec nostalgie de leur désir de renter chez eux et je n’ai pas pu m’empêcher de penser au magnifique film de Steven Spielberg "E.T. l’extraterrestre" lorsqu’un enfant de Durban dit qu’il veut juste rentrer chez lui, "E.T. Maison" ! Mais sa maison c’est quoi, c’est où ? Sa maison c’est l’esprit dans le ciel et le corps sous terre ! Il faut savoir dire les choses comme elles sont et parler de ces orphelins du Sida comme des morts en sursis !
Oui c’est un film sur la mort, la musique est bonne, oui ces enfants n’en n’ont plus pour longtemps, la musique est même très bonne, oui on cherche un espoir dans le regard de ces enfants de Durban ou dans celui de ces deux adolescents du Swaziland, mais que cette musique est bonne !! Je n’ai pas l’impression d’en faire trop, ni d’en écrire trop, le principal fléau qui ronge l’Afrique, cette peste du XXIème siècle, c’est le Sida ! Gérard Perrier a choisi l’Afrique du Sud et ces enfants d’après l’apartheid pour nous toucher, et il faut bien reconnaître qu’il y est parvenu.
Après la projection, on demande si ces messieurs dames les journalistes ont des questions à poser, c’est vrai que l’auteur de cet excellent documentaire est là. Hé bien non, je n’ai pas de questions à poser ! Qu’est ce qu’il croit ce filmeur de misère ? Que je n’en ai pas eu assez ? Que toutes ces images qui giflent mes restes de culture judéo-chrétienne, ne suffisent pas à me culpabiliser pendant des siècles et des siècles ? Il aurait peut-être fallu lui demander s’il avait trouvé un bon hôtel à Durban ou avec quel matériel il avait tourné ces images ! Non ! Pas celles-là, pas ces questions-là, car lorsqu’on revient d’un reportage avec un film comme celui-là, on est un vrai "gens" ! Un de ceux dont on peut espérer qu’il en existe encore sur notre vieille planète, un témoin utile pour secouer nos inactions et nos égoïsmes ! Ah si, j’ai deux trois questions à lui poser, mais trop tard, il est parti, pourtant j’aurais aimé lui demander si tout cela est bien réel, si je n’ai pas cauchemardé et si on est vraiment en 2007 ? Une autre question m’est venue après avoir quitté le studio. J’aurais voulu lui demander : « C’est quoi ton prochain docu coco ? » Encore un truc qui va m’enquiquiner l’existence, un de ces films intelligents que l’on devrait passer en boucle et de force devant les yeux de nos dirigeants gonflés de suffisance ! Dis moi c’est quoi coco, la prochaine fois ?
En réalité qui c’est ce mec, qui c’est ce Gérard Perrier ? C’est un journaliste ! Un journaliste qui a réalisé ce pourquoi il est fait, pas un pipoteur ou un pisseur de copies comme on en connaît malheureusement par chez nous, un journaliste qui nous informe et témoigne de la misère qui sévit dans ce bas monde ! De la misère, mais aussi des espoirs, mais aussi des turpitudes et des mensonges.
En ce qui me concerne, je regarderai à nouveau ce documentaire, mais cette fois ce sera chez moi calé au fond de mon canapé de privilégié. Mais cette fois je n’aurais pas à avoir peur d’écraser une ou deux larmes, je ne serai pas entouré de confrères qui auraient pu me trouver trop sensible, car voyez vous, en regardant de telles choses, je me dis que la vie est une putain de maquerelle et si tu veux coucher avec elle il te faut du pognon, alors prévois en beaucoup plus si tu veux des drap propres !


Un film de Gérard Perrier

“Les orphelins du sida”

Ce film de 52 minutes nous emmène à travers l’Afrique australe, de Durban à Johannesburg, en passant par le Swaziland.
En Afrique du Sud, sur 47 millions d’habitants, 6 millions sont infectés par VIH. Un adulte sur cinq est porteur de la maladie.
Dans ce pays, plus d’un million d’enfants ont déjà perdu leurs parents, tués par le sida. Beaucoup de ces orphelins sont secourus par leur famille, les autres, abandonnent l’école, qui est payante, et finissent par échouer dans la rue.
En Afrique du Sud, les ravages du sida ont bouleversé les structures de la société. Les grand-mères, appelées ici gogo grannies, sont les derniers remparts des orphelins du sida.
Ironie de l’histoire, quinze ans après la fin de l’apartheid, ce sont les enfants blancs, élevés jadis par les nourrices noires qui élèvent, à leur tour, les enfants de leurs domestiques, morts du sida.
Un fléau a succédé à un autre...après l’apartheid, le sida !
Pendant de longues années, le gouvernement de Thabo Mbeki a nié la pandémie. La Ministre de la santé Manto Tshabalala Msimang vante encore les vertus de l’ail, de la betterave et de l’huile d’olive comme seuls remèdes à la maladie.
Pourtant le taux de prévalence du sida n’a pas encore atteint son paroxysme. Les orphelins sont toujours plus nombreux. Dans la rue, des milliers d’enfants grandissent seuls, sans guide, sans modèle, sans espoir...
Au sud de l’Afrique, le pire est arrivé, le plus difficile est à venir.

Philippe Tesseron

http://tesseron.blogspace.fr/


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Messages

  • Bonjour à vous,

    Quelle force dans ces quelques lignes ! En vous lisant, j’en avais les tripes nouées et la gorge serrée : je ne sais pas si la religion nous a apporté quelque chose durant ces siècles passés, mais souvent, j’en doute trés fortement, finissant même parfois par me demander qu’elle est sa part de responsabilité, dans cet enchainement collectif de repli sur soi, terrible et méprisant, qui nous a conduit aujourd’hui, à nous terrer derrière nos petites préoccupations de conforts, seulement inquiets de nos misérables devenirs d’égoïstes repus, et surtout déculpabilisés, puisque tout a maintenant simple valeur d’instantanéité, fugace et sans consistance, rythmé non plus par le jour et la nuit, mais par le pouls incessant, brutal et indifférend, des cours des places financières, véritables coeurs de nos sociétés.

    L’être vivant que nous sommes, en est déshumanisé, désincarné en outil de production, apprécié et soupesé au poids de ses capacités à générer du profit, de la rentabilité, du retour sur investissement : Notre conscience, déjà plutôt volatile, semble s’être évanouie dans le vent des futilités dérisoires, dans ce climat ambiant de sonnant et de trébuchant, ne réfléchissant plus que l’éclat du paraitre, à défaut de réfléchir sur nos états d’êtres. Exit la formule "je pense donc je suis", remplacée par la recette "je posséde donc j’existe".

    Nos fondements même de la Cité, basés sur la démultiplication des responsabilités communes, au travers du système démocratique, dont nous reconnaissons qu’il est le moins pire, me semble pervers, car en confiant, de façon trés aléatoire reconnaissons le, les pouvoirs nécessaires aux changements indispensables entre les mains de quelques uns, nous nous aliénons, en refusant de les exercer soi-même : En effet, à moins de bénéficier d’une chance, tout aussi hasardeuse, d’avoir effectuer le bon choix pour tous, nous nous plions en fait à la volonté du plus grand nombre, dont il est clair, que les désirs ne seront pas aussi désintéressés que les notres, je crois, malheureusement, tant il semble acquis aujourd’hui, que le souhait majoritaire de chacun est tout d’abord soi, prioritairement. Pour les autres, en vertu du principe que "charité bien ordonnée commence par soi-même", demain est toujours un autre jour.

    C’est pourquoi, au delà d’un dieu bien pratique pour se confier, et surtout se décharger, en tant qu’optimiste réaliste, je crois qu’un pessimisme raisonné est de bon aloi : Puisque nous sommes si peu nombreux à ressentir de la douleur, devant celle de nos voisins, du moins de la réelle, de la profonde, et non pas cette classique, certes sincère, émotion, oubliée bien vite, lorsque le journal est plié, ou la télé éteinte, pour retourner à ses propres turpitudes, il me semble que seul un formidable chaos, majestueux et grandiose, nous apportera à tous, les ressources indispensables pour re-construire, en réveillant nos consciences assoupies, je crois. Un évênement qui nous saisira par sa soudaineté et par sa magnifique ampleur, nous laissant la seconde d’après dans un dénuement tel, que nous pourrons nous réapproprier les fondamentales raisons de notre présence en ce bas-monde : L’enfantement sera certainement trés douloureux, et les lamentations assurément poignantes, mais je crois que seule cette voie nous aménera vers l’éveil des lumières humaires. Lorsque des millions sur un compte aura la même valeur que des rames de papiers, lorsque nos équipements technologiques de pointe ne péseront plus que le poids de leurs encombrements, lorsque l’utilisation de l’électricité nous sera interdite, lorsque nous serons tous de nouveau obligés de nous pencher sur la terre, avec respect et dévotion, pour qu’elle daigne nous donner notre quotidienne pitance, alors oui, ce jour là, ou plutôt dans ces temps peut être pas si lointains, nous parviendrons peut être à re-conquérir nos Dignités d’êtres humains.

    Aujourd’hui, il est trop tard : L’abrutissemnt collectif n’autorise plus aucun espoir, sinon seulement celui de préparer les esprits à ce renouveau qui nous attend, nous, nos enfants, ou nos petits-enfants, personne ne sait quand tout ceci se produira, mais je suis presque convaincu, qu’il se réalisera, demain ou après-demain.

    Bien à vous,
    Et excellent week-end à chacun,

    Salaam


Témoignages - 80e année


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