Emploi

Les Réunionnais ne se laisseront pas faire

Baisse de 75% du quota des CES et CEC

9 août 2003

À une quinzaine de jours de la rentrée, les inquiétudes sont légitimes. Elles sont manifestées par l’Association des maires, les syndicats d’enseignants, les centrales syndicales, et les représentants des techniciens ouvriers et service (TOS) et des journaliers communaux, les fédérations de parents d’élèves, les comités de chômeurs et de précaires, les collectifs pour l’emploi et tous les partis politiques. La rentrée pourra-t-elle se faire ? Et si oui, comment ? Avec quel personnel ? Dans quelles conditions de sécurité pour les enfants ?

La décision de baisser de 75% le quota des CES et CEC pour le second trimestre est purement et simplement assassine. Elle va mettre 10.000 foyers dans des difficultés financières énormes. Elle va mettre 10.000 personnes dans une spirale infernale : celle de l’auto-destruction. La seule possibilité pour bien des jeunes - ou moins jeunes - Réunionnais étaient un contrat CES. Faute de qualification. Faute d’expérience. Faute d’emplois en nombre suffisant. Mais la faute à qui ?
À ces femmes et à ces hommes que l’on qualifie généralement de « fainéants » parce qu’ils voient dans un CES un objectif professionnel en soi ? Valérie S. est formatrice, elle s’occupe de « jeunes en difficulté », pour reprendre la terminologie généralement utilisée par les "insérés". Qualificatif d’ailleurs qu’elle récuse. Pour elle, les jeunes se sont "forgé" un projet de vie : CES - ASSEDIC - Formation - ASSEDIC - CES et c’est reparti pour un tour.

« Ce qui est le plus douloureux à entendre, c’est qu’ils sont convaincus qu’il n’y a pas d’autre issue et que, quoi qu’ils fassent, cela ne servira à rien, parce qu’ils sont des "bas niveau", et que des "super diplômés" sont au chômage. Alors ils disent : "si ban’na i trouv pa travay, mi gagn pa trouv travay mi koné rien fèr". Pour eux, le CES, c’était une chance ; parce que cela "ajoute une ligne sur mon CV", "parce que je pourrais rencontrer d’autres personnes qui peut-être connaissent quelqu’un qui peut m’embaucher", parce que "même si c’est pas pour longtemps, ça me fait sortir de ma maison, rester toujours à faire le ménage, c’est pas une vie" ».

Au nom du privé

Cette mesure inadmissible a été prise, disent certains, pour des raisons économiques et budgétaires. L’argument ne tient pas la route, puisque ce n’est pas d’aujourd’hui que les crédits destinés à l’emploi outre-mer baissent.
Comme le soulignait avant-hier Élie Hoarau dans une conférence de presse, « les crédits consacrés à l’emploi dans le budget 2003 du ministère ont connu une baisse significative, évaluée à 4,98% ».
Mais ce sont surtout les arguments idéologiques qui ont présidé à ces choix. Le PCR rappelait dans cette même conférence les propos du député Quentin, lors de la discussion du budget de l’outre-mer : « Priorité est désormais donnée aux emplois durables, dans le secteur privé marchand, ce qui signifie revenir à la vocation première du FEDOM, qui consistait à favoriser la création d’emplois durables dans les entreprises (...) D’où la volonté, inscrite dans le projet de budget pour 2003, de mettre l’accent sur les contrats d’accès à l’emploi, qui concernent le secteur privé marchand, seul le développement durable du secteur productif étant à même de garantir un niveau de croissance satisfaisant outre-mer ».

Petite précision qui a son importance : ce monsieur Quentin n’est pas à la Commission du Budget ou à celles de Finances, il est rapporteur.... de la Commission des Lois à l’Assemblée Nationale.
C’est ce même type de raison qui a fait que le dispositif emplois jeunes ait été purement et simplement supprimé. Que tous les dispositifs "créés" par le gouvernement Raffarin englobent non le secteur public... mais aussi (voire surtout), le secteur privé. Avec la baisse du quota CES et CEC - et à moyen terme, leur fusion, histoire de faire encore plus d’économies -, c’est donc « au public le plus démuni sinon le plus désarmé » pour reprendre les propos d’Élie Hoarau, que le gouvernement s’attaque. Cette décision désastreuse, les Réunionnais - dans leur immense majorité - ne l’accepteront pas.

Un front extrêmement large

Au moment des luttes des contrats emplois-jeunes, l’organisme de sondage IPSOS avait réalisé une enquête auprès de la population réunionnaise. « Au total, 86% jugent le dossier des emplois jeunes important, contre 13% d’un avis contraire » écrivait l’institut.
La deuxième question posée était la suivante : « diriez-vous personnellement que vous soutenez le mouvement de manifestation des emplois jeunes : beaucoup, un peu, pas beaucoup ou pas du tout ? ».
Les réponses étaient les suivantes : « 38% le soutiennent "beaucoup", 31% le soutienne "un peu", 8% le soutiennent "pas beaucoup", 22% le soutiennent "pas du tout". Avec toujours 1% qui ne se prononcent pas ». Aujourd’hui, il serait intéressant de connaître la perception de la population réunionnaise vis à vis de ce dossier.

Il y a un an, naissait le Collectif Emplois en Danger, pour défendre quelque 9.000 emplois jeunes. Un an plus tard, à quelques jours près, ce sont 10.000 personnes qui sont concernées l’attaque contre les CES et les CEC.
Et tout porte croire que une nouvelle fois, les Réunionnaises et les Réunionnais mèneront le combat. Mercredi à la DDTEFP, jeudi à Sainte-Suzanne et Bras Panon, hier au Conseil régional, lundi prochain au Port et dans d’autres communes.
Pas de doute, les Réunionnaises et les Réunionnais, avec les associations, ou comités de chômeurs, de précaires, ne se laisseront pas faire. Et cette fois, à entendre ce qui s’est passé à la Région hier (voir en page 3), c’est un front extrêmement large qui est en train de se créer, pour faire reculer le gouvernement. Car tout élu digne de ce nom ne peut accepter une telle situation : celle des CES et CEC, celle des exclus de la CMU, celle des TOS, celle des assistants d’éducation, celle des mal logés ou sans logement, celle des retraités percevant "le minimum vieillesse". Et la liste, bien évidemment, ne s’arrête pas là.

C.M.U. : Jean-Pierre Raffarin ne tient pas les promesses de Jacques Chirac
Le décret d’application élaboré par Jean-Pierre Raffarin pour "résoudre" la question des exclus de la CMU n’a satisfait personne. Les Conseils régional et général l’ont clairement indiqué, chacun ayant noté que différentes projections montrent que environ 45% des "exclus actuels" seraient à nouveau exclus du nouveau dispositif.
Inacceptable.

Non seulement idéologiquement parlant, puisqu’on ne peut parler d’universalité lorsqu’il y a exclusion. Mais aussi parce qu’il y a tromperie manifeste. En effet, le candidat Jacques Chirac lors de la campagne pour l’élection présidentielle avait tenu ces propos : « Je veux améliorer et compléter le dispositif existant pour répondre à ce problème, par une déduction fiscale ou un crédit d’impôt afin d’aide au paiement des cotisations aux mutuelles et aux régimes complémentaires pour les plus démunis ».

Et qu’a fait Jean-Pierre Raffarin ? Le contraire de ce qu’indiquait alors le candidat. Difficile alors de dire que "tous les engagements du candidat Chirac sont tenus". Il y a tromperie manifeste. Cela laisse augurer du pire pour les réformes à venir. Raison de plus pour rester vigilant, réagir et agir.

Quand on veut nous faire croire que l’éducation est une priorité...
La question du transfert des TOS vers les collectivités locales n’est pas réglée.

La question de l’intégration des journaliers communaux n’est pas réglée.

La question des aides éducateurs devenus - plus ou moins - assistants d’éducation n’est pas réglée.

La question de la réforme de l’université n’est pas réglée.

La question du règlement des jours de grève de mai/juin n’a pas été réglé dans l’optique des perspectives dégagées début juillet.

Cela fait penser à cette chanson d’enfants "Tout va très bien, madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien" quand il y a le feu à la maison, que celle-ci a été cambriolée et autres surprises désagréables de ce genre. Ou c’est la méthode Coué : il n’y a qu’à se persuader que tout va bien. La preuve ? L’éducation est une priorité pour le gouvernement Raffarin. Vous en doutiez ? Il a généreusement "augmenté" le budget de quelques 2% environ. Mais qu’est-ce que 2% quand il en faudrait dix foix plus ?

N’est-ce pas une vaste fumisterie de faire croire qu’il n’y aura pas de suppression de postes ? Dans le sens strict du terme, effectivement, le ministère de l’éducation (puisqu’elle n’est plus si nationale que ça) n’est pas touché du tout par l’idée de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux. C’est pour le personnel fonctionnaire, mais les aides éducateurs qui ne seront pas remplacés, pourquoi ne les compte-t-on pas ?

Et les maîtres d’internat et surveillants d’externat qui ne seront pas remplacés, on ne les compte pas non plus ? Pourquoi ? Sans oublier qu’il manque - et depuis des années - du personnel administratif, technique, d’entretien dans les écoles, collèges, lycées. Sans oublier qu’il manque des enseignants, dans le premier degré comme dans le second.


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