Fonctionnaires

Les surrémunérations en point de mire

Une mission de l’Assemblée nationale aux Antilles

11 avril 2003

Dans son édition datée du lundi 7 avril dernier, le quotidien "France Antilles" annonce la venue « d’une mission d’information sur les spécificités de la fonction publique outre-Mer ». Celle-ci a été confiée par l’Assemblée nationale à Marc Laffineur, député UMP du Maine-et-Loire. Le titre de l’article du journal antillais ne laisse planer aucun doute quant à l’objectif de cette mission : « Les 40% des fonctionnaires dans le viseur du Parlement » [1] écrit le quotidien du groupe Hersant.
"France Antilles" rappelle que la question de la surrémunération est « un serpent de mer » qui « remonte à la surface à chaque changement de majorité parlementaire ». Le quotidien antillais fait un bref rappel des récentes tentatives pour aborder la question.
« Depuis son institutionnalisation dans les années cinquante, rares sont les gouvernements qui n’ont cherché à réformer cette spécificité outre-mer au nom de l’égalité de traitement des agents de la fonction publique. Mais l’expérience de l’exécutif ayant fixé les limites à ne pas franchir, ce sont aujourd’hui les parlementaires qui s’essaient à la manœuvre », écrit "France Antilles".
Celui-ci poursuit : « Dans la conjoncture de crise économique auquel est confronté le gouvernement, la commission des finances de l’Assemblée nationale entend jouer pleinement son rôle de contrôle de la dépense publique ».
Le quotidien antillais présente brièvement Marc Laffineur et rappelle qu’il « n’est pas novice en la matière ». En effet, l’intéressé avait en novembre 2002 « préparé un amendement de suppression de la surrémunération des fonctionnaires en outre-mer, lors de l’examen du projet de loi des finances 2003 ».
Selon "France Antilles", Marc Laffineur avait dû renoncer à son initiative sous « l’amicale pression de ses amis UMP de l’outre-mer, conjuguée à celle du cabinet Girardin ».

"Inégalité" de traitement

Toujours est-il que « quelques mois plus tard, il est à la tête d’une mission d’information qui le conduira à la Martinique et à la Guadeloupe pour mieux comprendre la justification de cette "inégalité" de traitement de la fonction publique ».
Pour "France-Antilles", « cette mission que le gouvernement ne peut pas empêcher est une véritable épine dans ses pieds. D’autant que l’examen de la loi-programme impliquera l’acceptation (douloureuse) de dérogations au droit commun ».
Le quotidien antillais note que, dans les rangs des députés outre-mer qui désapprouvent largement la démarche, « le silence est de rigueur ». « Marc Laffineur marche sur des œufs », estime "France-Antilles", tout en reconnaissant que « l’heure n’est plus à l’inclinaison volontaire ».
L’auteur de l’article donne alors, en conclusion, une interprétation à cette initiative.
« Le plan de rigueur que les techniciens de Bercy entendent imposer au pays passe par des détours plus subtils que l’affrontement avec l’Élysée. Or, le financement global de la loi-programme devra bien s’organiser sur des recettes existantes. Dans ce cadre, la mission que dirige le député UMP aidera le parlement à mieux suggérer au gouvernement celles qui lui paraissent les mieux appropriées. Sans en être l’essence, les spécificités de la fonction publique Outre-mer en font partie ».

Une question déjà maintes fois soulevée
L’Assemblée nationale après le Sénat
Le Parlement français, rappelons-le, est constitué de deux assemblées : l’Assemblée nationale d’une part et le Sénat d’autre part. L’initiative prise par la commission des finances de la première fait pendant à une récente prise de position de la seconde. En effet, examinant le 26 novembre dernier le budget du ministère de l’Outre-mer, la commission des finances et la commission des lois de la seconde des deux assemblées abordaient, elles aussi, la question de la surrémunération dans la fonction publique outre-mer. Le rapporteur de la commission des finances, le sénateur Roland de Luart, notait : « Depuis deux ans, le ministère de l’Outre-mer, malgré de nombreuses demandes de votre rapporteur, n’a pas été en mesure de lui fournir le coût pour l’État de ces régimes de rémunération. La seule information à sa disposition reste l’évaluation du coût des surrémunérations des agents civils en 1999, transmises en 2000 par le ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie. Ce coût s’élevait alors à 815 millions d’euros, soit l’équivalent des trois quarts du budget du ministère de l’Outre-mer ».

Au nom de la commission des lois, José Balarello indiquait que le coût de toutes les majorations appliquées est « supérieur à 610 millions d’euros par an pour 66.500 fonctionnaires civils de l’État. (...) Votre commission des lois souligne déjà depuis plusieurs années le coût exorbitant de ce régime de surrémunérations des fonctionnaires dans les départements d’outre-mer et tout particulièrement à La Réunion, ainsi que les effets pervers qu’il peut induire sur le développement économique de ces départements ».

José Balarello rappelait par ailleurs toutes les propositions de réformes qui avaient été faites auparavant : « le rapport établi par Mme Éliane Mossé ("Quel développement pour les départements d’outre-mer ?") proposait notamment la limitation des surrémunérations au double du différentiel de prix, la suppression de la seule indemnité d’éloignement, ou encore la suppression ou la réduction de l’avantage fiscal relatif à l’impôt sur le revenu - les habitants des DOM bénéficiant d’un abattement de 30% de l’impôt sur le revenu, cet abattement étant porté à 40% en Guyane. Le rapport de M. Bertrand Fragonard ("Les départements d’outre-mer : un pacte pour l’emploi") proposait pour sa part une réduction progressive du taux de majoration applicable à la fois aux agents actuellement en fonction et aux nouvelles embauches. MM. Claude Lise et Michel Tamaya préconisaient quant à eux un plafonnement de l’indemnité d’éloignement attribuée aux agents de catégorie A, l’économie réalisée allant à un fonds en faveur des PME ».

José Balarello considérait alors comme « une première avancée en matière de rationalisation des surrémunérations des fonctionnaires » l’amendement adopté lors de la discussion de la LOOM et supprimant la prime d’éloignement. « Votre rapporteur se félicite donc des solutions apportées, qui permettent de favoriser les recrutements locaux, tout en tenant compte des difficultés de recrutement dans certaines zones plus isolées », écrivait José Balarello.
Mais il regrettait « que cette réforme ait concerné uniquement la prime d’éloignement, l’application au traitement d’un coefficient multiplicateur apparaissant plus choquante, puisque bénéficiant à tous, affectés depuis la métropole ou résidents permanents, sans limitation de durée. En effet, un tel système, destiné à compenser la cherté de la vie outre-mer, induit des effets pervers, en incitant fortement les jeunes à entrer dans la fonction publique, au détriment du développement d’activités économiques privées ».


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