Culture

’Mamans d’l’eau’ par la compagnie Acte 3

À partir de ce soir au théâtre du Grand marché

30 avril 2003

Le Kabaré faham, les lectures de textes "la mer, la mère et l’amèr" et la pièce de théâtre "Mamans d’l’eau", sont inséparables. Ils symbolisent le travail de la compagnie Acte 3, actuellement en résidence au théâtre du Grand marché. Ces trois spectacles participent au même projet initial de la troupe de théâtre menée par Lolita Monga pour valoriser l’univers et le combat des femmes dans leur quotidien.

Monté en décembre 2001, Lolita Monga s’est largement inspirée de son voyage à Rodrigues pour la mise en place de « ce grand pari ». C’est en observant « avec admiration les femmes pêchant les zourites, dans la mer à Rodrigues, il y a 6 ans de cela que l’image m’est restée », précise l’écrivaine et la metteure en scène. Dès lors, trois formes de spectacles vont voir le jour : les lectures de textes sur "la mer, la mère et l’amer" dans les médiathèques et en milieu scolaire (malgré les difficultés des grèves) ; Le kabaré faham en première partie du "Médecin malgré lui " ou auprès des associations de pêcheurs aux quartiers du Butor, du Moufia et de Camélia. « Nous avons adopté ces petites formes de décentralisation des spectacles, pour aller à la rencontre d’autres personnes, d’autres gens exclus ou qui s’excluent du théâtre. C’était une démarche très difficile et nous sommes allés avec notre bâton de pèlerin… », raconte Lolita Monga. « Le théâtre creuse le fossé entre les spectateurs et les acteurs. Le public est toujours le même. Il est confortable de jouer dans un théâtre. On sent une masse de gens mais on ne la voit pas. Alors que dans les quartiers, on effectue une vraie prise de risque. Cela nous fait grandir, on intègre la vie des quartiers - le chien qui aboie, la télé qui résonne…-, on est au cœur de la vie », poursuit-elle.

Participer à la vie des quartiers

À ce jour, plus d’une cinquantaine de représentations ont été données dans l’île. Pour s’imbiber de l’ambiance de la pêche, les comédiennes sont allées vivre chez l’habitant. L’association des femmes de la Commune Primat, comme l’association des femmes de Mafate, ont fait partie du parcours itinérant des comédiennes. Elles ont participé à la vie des quartiers en lavant le linge à la rivière, en faisant de la pêche au gros ou en rencontrant également les conteurs de l’île.
L’apprentissage des expressions comme des caractères leur ont permis de mieux construire leurs personnages. Laurent Zitte, jeune photographe de talent, les a accompagnés durant toute cette tournée afin de fixer par des portraits la sensibilité de ce travail. La pièce "Mamans d’l’eau" mettra un point final à ce long périple par une série de trois représentations au théâtre du Grand marché.
C’est volontairement, « qu’un conte a été choisi contrairement aux histoires vraies avec le kabaré ou les lectures aux paroles militantes sur les femmes. Cette fois-ci, nous voulions un texte onirique », argumente Lolita Monga. L’histoire se déroule dans le lagon. Un beau jour, les pêcheurs rentrent tous aveuglés d’une sortie de mer. Les femmes de pêcheurs se retrouvent obligées de remplacer leurs maris. Une sirène, symbolisant les valeurs traditionnelles de la société, exerce un pouvoir sur ces femmes. Une étrangère sous la forme d’une "Girafe" viendra semer le trouble auprès des "femmes naïves", leur apprenant les valeurs de la modernité. Dès lors, la confrontation de "l’archaïsme"" et de la modernité s’opère. Ce qu’étaye l’auteure, en précisant « qu’à La Réunion, nous sommes dans ce conflit de la modernité. Le choix des caricatures correspond à une certaine réalité ».

Des projets

Jouer cette pièce au théâtre du Grand marché a multiplié les défis pour la compagnie Acte 3. « Nous devions faire face à l’administrateur, alors que nous étions habitués à rencontrer des personnes sur le terrain qui ne savaient même pas ce qu’était le théâtre. Auprès des pêcheurs de Saint-Philippe comme dans la majorité des quartiers, les gens ont beaucoup accroché. Certains d’entre eux ne s’attendaient pas à ce que ce soit cela du théâtre. Ce fut très enrichissant pour nous, car les personnes sont plus vierges et ont soif de tout prendre », s’émerveille Lolita Monga.
À l’avenir, la troupe, qui s’est entre temps renforcée de deux autres comédiennes, compte travailler avec le quartier de Joseph Hubert à Saint-Benoît sur un texte d’Italo Calvino, "Marto Valdo". L’Institut régional de formation des travailleurs sociaux (IRTS) leur a également commandé une pièce sur l’enfance maltraitée qui sera jouée dans toutes les communes de l’île. Et au premier semestre 2004, ce seront "Les grenouilles" d’Aristophane qui seront jouées. Après l’influence rodriguaise, ce seront des acteurs de Nouvelle-Calédonie, des comédiens de Bordeaux et d’autres contrées qui étofferont le travail de cette troupe riche de brassages culturels.
« Les lectures, le Kabaré faham comme les mamans, sont un puzzle dans la forme, dans le contenu et dans l’approche de la parole de la femme », résume Lolita Monga.
Les représentations auront lieu ce soir, vendredi et samedi à 20 heures au théâtre du Grand Marché.


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