Refonte du R.M.I.

Ni progrès social, ni valorisation, mais danger...

Du R.M.I. au R.M.A. et gestion par le Département

9 mai 2003

Autre réforme annoncée par le gouvernement : celle de la transformation du revenu minimum d’insertion (RMI) en revenu minimum d’activité (RMA) et leur gestion par les Départements. Une initiative qui n’est ni un progrès social ni une mesure incitative à l’emploi et qui, en l’état actuel, pourrait se faire sans aucune base éthique...

Dans le cadre de la loi-programme pour l’outre-mer, figure la transformation du RMI en RMA, dont l’objectif est, selon le texte officiel, de « promouvoir une logique d’insertion par l’emploi en entreprise des RMIstes, ouvrant droit à un revenu d’activité, le salaire perçu se substituant à l’allocation du RMI (article 7) ».
Élie Hoarau précise : « Le PCR n’est pas contre l’accès au travail des érémistes, bien au contraire, pas plus qu’il n’est contre la mise en place d’une politique d’insertion, mais ce qui est proposé ne correspond pas à ces préoccupations fondamentales ».
La refonte du RMI en RMA ne concernera pas uniquement La Réunion, mais également tout l’outre-mer et la France. En ce sens, le dispositif contenu dans la loi-programme n’est donc pas spécifique à l’outre-mer. Et ce qui est proposé aujourd’hui - un contrat de travail de 20 heures par semaine, sur 18 mois maximum, payé au prorata du SMIC - n’est pas satisfaisant. Car il s’agit d’un contrat de travail à temps partiel. « Quelle est la valeur incitative d’une telle disposition ? », interroge Élie Hoarau. D’autant plus que les employeurs de ces "érémastes" seront aussi bien le secteur privé que les collectivités locales (à l’exclusion du Département). Or, il existe déjà, dans les DOM un dispositif qui permet à une collectivité d’employer un salarié à mi-temps : c’est le CIA. Et généralement, il ne correspond pas à des tâches très valorisantes.
Quant à l’ouverture du dispositif RMA au secteur privé, elle cela va « créer la coexistence, dans l’entreprise, de deux catégories de personnel », avec l’apparition quasi inévitable d’une différenciation dans les tâches que les personnels auront à accomplir.
« Enfin, au bout des 18 mois, qu’est-ce qui empêchera l’entreprise de mettre fin au contrat et d’embaucher un autre érémaste ? Ce dispositif n’est ni un progrès social, ni une mesure incitative. Il faut autre chose, qui permette une véritable insertion des érémistes ».

Sur quelle base éthique ?

Encore plus grave, poursuit Élie Hoarau, RMI comme RMA, pour cause de décentralisation, seront gérés par le Conseil général. Si auparavant, les décisions de supprimer le RMI à telle ou telle personne étaient prises par le préfet, ce ne sera plus le cas. « Car c’est le Département qui prendra, seul, ce type de décision. Ce qui n’ira pas sans poser un certain nombre de problèmes ».
Et ce n’est pas qu’une inquiétude réunionnaise. Ainsi, le réseau des administrateurs de Caisses d’allocations familiales « s’est inquiété de la garantie d’une application uniforme de la réglementation sur l’ensemble du territoire, si le dispositif était entièrement confié aux Départements ».
L’inquiétude à La Réunion est d’autant plus grande que des précédents ont montré qu’il y avait eu des dérives dangereuses. Ce fut le cas avec "l’argent carnet", les fameux 350 francs par mois, versés par une commission spécialisée du Département, sur des critères « essentiellement politiciens ». Et plus récemment, c’est ce qui s’est passé à Saint-Louis, où à peine installé à la tête de la municipalité, Cyrille Hamilcaro licenciait plus de 500 CES.
« Sur quelle base éthique tout cela va-t-il être mené ? Sans vouloir faire de procès d’intention, nous pouvons seulement dire que l’expérience nous fait craindre le pire. La mise sous dépendance de la population - plus particulièrement de ces couches les plus défavorisées - sera plus forte. En effet, tous les maires sont élus au Conseil général ou y sont représentés par un ou des adjoints. Tant dans la gestion du RMI que dans l’attribution du RMA, La Réunion peut subir un retour arrière », conclut-il.

« Ces Assises du développement durable, allons les faire... »

En l’absence de perspective

Face à ces menaces, La Réunion apparaît désarmée : l’amendement de Jean-Paul Virapoullé, adopté dans le cadre de la réforme constitutionnelle, condamne notre île au "droit commun" et lui ferme la voie à toutes "discriminations positives". Et comment donner des perspectives aux Réunionnais ?

Le PCR l’avait souligné de nombreuses fois : nous ne sommes pas prêts de mesurer toutes les conséquences qu’un tel amendement aura pour La Réunion. Condamnée à être dans le droit commun, La Réunion ne peut prétendre à des "discriminations positives". Alors que ce concept même avait été approuvé par Jacques Chirac. Il équivaut à la prise en compte des conditions de vie à La Réunion, à celle du niveau d’équipement etc.

Par l’existence de cet amendement, La Réunion doit aujourd’hui « s’en remettre au Parlement » pour tenter d’obtenir de lui qu’il prenne en compte ces réalités et fasse jouer le principe de "discrimination positive". Ce qui n’ira pas sans poser de problème. Comment les parlementaires métropolitains vont-ils percevoir la situation ?

Après avoir dit que La Réunion, c’est comme n’importe quel département ou quelle région française, cela va être "coton" d’expliquer que non, La Réunion n’a pas les mêmes caractéristiques que n’importe quel département ou n’importe quelle région française...

« La Réunion est complètement désemparée devant ces menaces, et cela ne va pas aller sans poser des problèmes à la société réunionnaise dans son ensemble », souligne Élie Hoarau. Sans perspective, sans plan de développement, que va-t-elle pouvoir faire ?

Compter sur la loi-programme ? « Elle ne suscite ni réaction positive ni enthousiasme. Elle n’ouvre aucune perspective. Il n’y a RIEN ». Et cette absence de perspective collective est nettement perceptible dans tous les discours entendus lors des récentes manifestations.

Les données communiquées par l’INSEE entrent doucement dans les mentalités réunionnaises, elles interpellent la population. Mais celle-ci perçoit très bien que ces chiffres, cet avenir, ne sont intégrés dans aucune perspective. Surtout à échéance de 15 ans.

« Nous réaffirmons la nécessité de la tenue d’Assises du développement durable dans le but de définir un nouveau contrat social entre les Réunionnais d’une part, et entre La Réunion et la Métropole d’autre part », martèle Élie Hoarau.

Le PCR a des idées pour résoudre les problèmes de La Réunion. Il n’est pas le seul. Chacun détient « sa part de vérité ». Et c’est dans le débat démocratique, le dialogue, que la population réunionnaise, dans son ensemble, cherchera - et trouvera - des solutions. Sinon, elle est condamnée à aller droit dans le mur. « Ces Assises, allons les faire », clame Élie Hoarau.


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