Social

« Nous ne sommes pas une voie de garage ! »

Les salariés du BTP inquiets pour leur avenir

14 juin 2003

Le secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP) est le premier employeur privé de l’île avec plus de 41% d’activités. Parallèlement, il est un des secteurs les moins bien payés, selon ses responsables syndicaux, surtout si l’on considère les revenus sur la durée d’une année. À la veille des journées portes ouvertes sur "Les coulisses du bâtiment", l’Intersyndicale CGTR et FO-BTP a tenu hier une conférence de presse pour dénoncer les multiples carences de la profession vis-à-vis des salariés de ce secteur.
L’intersyndicale s’accorde à dire que trois points cruciaux sont à soulever, en dehors de l’exigence du retrait des réformes sur les retraites et des transferts de personnels dans l’Éducation nationale sans concertation.
Depuis octobre 2002, l’ensemble des organisations syndicales, dont la CFDT - absente lors de la conférence de presse - revendique fermement la révision de la Convention Collective Départementale du BTP, toujours intacte depuis 1971.
En effet, en raison des spécificités de notre île, les salariés du BTP sont sous la tutelle d’une convention "départementale" et non "nationale". S’il ne s’agissait que de cette différence, le problème serait rapidement résolu. Mais la convention « obsolète » comporte des articles qui ne sont même pas en vigueur. Ce qui a donné l’objet d’une réunion entre partenaires sociaux et la Direction du Travail jeudi dernier.

Une toilette pour la convention collective

« La convention collective a besoin d’un grand toilettage, notamment concernant l’article 37 où il est question de la prime du panier, du transport et du trajet. Ces indemnités existent sur le plan national ; nous exigeons donc : à travail égal à salaire égal », explique Alain Naillet, secrétaire général de la section CGTR-BTP.
Alors que les textes existent, les mesures ne sont pas appliquées sur l’île sous prétexte d’une circulaire ministérielle où les entreprises embauchent sur les chantiers directement. Sur 14.000 ouvriers du bâtiment où plus de 8.000 sont contractuels, ces primes ne leur sont pas versées.
Par conséquent, les entreprises peuvent indéfiniment renouveler « leur contrat à durée indéterminée de fin chantier ». Cela signifie qu’à chaque fin de chantier l’ouvrier est licencié et ne devient toujours pas permanent de l’entreprise.
S’agissant de la prime du panier, l’intersyndicale a demandé que le texte soit appliqué pour que les repas soient payés dès que le salarié quitte le domicile. « Sans aucune cantine d’entreprise, et n’étant pas sédentaire du chantier, il est normal que les repas engagent des frais ; nous demandons un panier pour tout le monde estimé à 10,47 euros par jour », propose Alain Naillet.
Sur ce point, il semblerait que l’intersyndicale ait eu gain de cause au sein de la commission paritaire jeudi dernier.
Concernant les transports et le trajet, les ouvriers sont tenus de se déplacer par leurs propres moyens, et bien souvent en ayant recours à l’achat d’une voiture par crédit pour pouvoir être présents à l’heure sur leur lieu de travail.
« Nous devons élaborer un kilométrage par rapport au lieu de travail. Alors qu’en France, dès le 50ème km, vous êtes indemnisés, il est clair qu’à La Réunion, on ne peut pas envisager les mêmes zones géographiques. Jusqu’à maintenant, il est considéré que les ouvriers ne sont pas déplacés hors de leur lieu d’embauche. Certains contractuels se déplacent depuis 15 ans dans toute l’île sans percevoir d’indemnités », argumente le secrétaire général cégétiste du BTP.

Des contrats à durée indéterminée

Un autre point crucial et non des moindres concerne les contrats en chantier. Pour Jean-Max Dagard, de FO-BTP, « nous demandons que les salariés ayant travaillé 5 ans dans le bâtiment en tant que CDD soient automatiquement "cédéisés". De même, nous demandons que pour les nouveaux arrivés, un cumul de deux ans soit effectué en chantier et que les salariés deviennent permanents dans l’entreprise par un CDI ».
Par ailleurs, les responsables syndicaux souhaitent qu’à l’avenir la nouvelle convention prenne en compte les indemnités d’arrêts maladie, comme les accidents du travail. Dans cette optique, ils envisagent la création d’une caisse de prévoyance.
Enfin, concernant le dossier des retraites, l’intersyndicale du BTP lance l’idée qu’une pré-retraite soit appliquée dès l’âge de 50 ans et une retraite à 55 ans en raison de la pénibilité des tâches.

« Pour un ouvrier touchant 1.050 euros de salaire brut, en 2008, ce sera moins 20% de sa paye, soit 67% de son salaire, si l’on considère les nouvelles applications… Nous ne faisons pas un métier de voie de garage. C’est un métier d’art. Il est riche et prend en compte les nouvelles technologies. Nous arrivons avec des diplômes. Nous souhaitons également une meilleure sécurité pour nos ouvriers car le nombre de morts par an est important… Le BTP est un secteur sous-payé alors que nous avons fait 910 millions de marges bénéficiaires en 2001… », a conclu Alain Naillet.
La prochaine grande rencontre entre patronat et syndicats se déroulera sur la journée du 3 juillet, où l’intersyndicale attend des réponses concrètes de la commission paritaire. En attendant, vous pouvez toujours visiter de près les chantiers à l’occasion de la journée "Les coulisses du bâtiment" lancée par la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics en cette journée du 14 juin pour mieux connaître les conditions de travail, les difficultés et les réussites de nos artistes "béton" !


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