Logement

Nous sommes au pied du mur

Où loger nos enfants ?

4 avril 2003

Il a été beaucoup question ces jours-ci de la question de la construction de logements. L’Association des Maires de La Réunion, le Conseil général et l’ARMOS - sans le Conseil régional, pourtant chargé de l’aménagement du territoire - ont organisé des rencontres dans l’île pour sensibiliser l’opinion publique sur un défi que La Réunion se doit de relever.
Avec l’emploi, la question du logement est au cœur des problèmes réunionnais. Elle illustre parfaitement le fait que La Réunion se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, au pied du mur.
La construction de logements neufs est insuffisante. Elle ne répond pas aux besoins de note population, notamment la plus pauvre. Or, elle dépend en grande partie de l’aide publique, par le biais de la Ligne budgétaire unique pour le logement social et de la défiscalisation pour les promotions privées destinées aux couches sociales moyennes ou aisées de l’île.

Depuis longtemps, tous les acteurs concernés ont fini par bien apprécier tous les blocages. Depuis longtemps, les mises en garde, les interpellations ont été multipliées. Sans doute aussi, chacun a tenté de rejeter sur l’autre la responsabilité des retards accumulés. En la matière, nous sommes passés maîtres dans le jeu de la recherche du bouc émissaire.
De quoi se demander, en tout cas, si tout ce que nous entreprenons ou tout ce que nous pouvons faire n’arrive pas trop tard. N’avons-nous pas laissé pourrir le problème au point de ne plus être en capacité de le résoudre ?

Ainsi, nous avons créé, il y a quelques mois, un Établissement foncier public chargé d’aider nos collectivités à régler la question de la recherche de terrains nécessaires. Il est né dans la douleur. Certains partenaires potentiels craignant d’être des perdants au change - entre la contribution qu’ils auraient apportée et le bénéfice qu’ils auraient pu en retirer - ont refusé de jouer le jeu de la solidarité.
Mais que pourra bien faire cet office ? Il arrive à un moment où le prix des terrains est au plus haut. Depuis 1986, celui-ci a augmenté de 90% en moyenne dans l’île.

Sans doute pourra-t-on imaginer des solutions "techniques" à la masse des questions qui se posent. On pourra, par un moyen ou un autre, régler le débat posé par la recherche de foncier. On finira, sans doute, par décentraliser certaines fixations de paramètres relatives à la mise en œuvre de la LBU (Ligne budgétaire unique du logement) pour éviter les pertes de temps. On mettra en œuvre des moyens capables d’apporter plus de financement. On trouvera des moyens pour l’aménagement (installation des réseaux) et l’urbanisation et pour la politique d’accompagnement social (services et locaux pour la vie associative de quartiers, écoles, transports en commun...). Les financements de ces équipements sont pratiquement laissés jusqu’ici aux seules communes.
Sans doute, un alignement de l’allocation logement - avec notamment une révision des taux du forfait charge - permettra-t-il de rendre les locataires ou les propriétaires plus solvables. Notre parc de logements se dégradant très vite on saura, sans doute, trouver les moyens d’une politique de réhabilitation.
Mais aurons-nous, pour autant, tout réglé en matière d’habitat afin de garantir le droit du Réunionnais au logement ?

Un certain nombre de facteurs jouent et continuent à jouer sans que nous puissions les maîtriser totalement.
Ainsi, la défiscalisation. Elle est la cause incontestable de la hausse du prix du foncier que nous signalons un peu plus haut.
Elle a favorisé et favorise le développement de promotions privées. Celles-ci ont imposé un modèle d’habitat : "la case à terre" avec cour. Désormais, tout le monde veut une "case à terre" avec cour. C’est le modèle dominant. Il est fort consommateur de foncier.

Deuxième facteur à prendre en considération : la mobilité.
Ceux qui partent, d’une manière générale, ne libèrent pas de logements. Il s’agit principalement de jeunes qui ne font, de fait, que décohabiter. Ils quittent la maison familiale pour aller trouver ailleurs du travail et un toit.
Ceux qui arrivent, par contre, sont demandeurs de logements.
Ceux qui viennent de Métropole constituent dans leur grande majorité une population solvable. Ils tirent par le haut les loyers ou les prix de vente.
Ceux qui viennent de la zone Sud-Ouest de l’océan Indien, eux, pèsent sur l’attribution de logements sociaux.

Nous ne pouvons pas examiner la question de la construction de logements neufs sans y intégrer certains facteurs décisifs.
1) Quelle sera notre politique de l’eau ? Comment lutter contre le gaspillage de ce précieux liquide ? Où allons-nous trouver les ressources nouvelles nécessaires pour la consommation humaine comme pour les autres besoins ?
2) Comment concilier les nouvelles constructions en regard de l’obligation d’économiser l’énergie et de développer l’utilisation des énergies alternatives et renouvelables ? L’intégration dans les financements du coût de l’installation de chauffe-eau solaires et d’équipement de cellules photovoltaïques pour l’économie en électricité et sa production ainsi que celle du fourneau portois pour l’économie en combustible ne s’impose-t-elle pas ?
3) Quelles normes, quels matériaux de construction, quels types d’habitat pour faire face aux changements climatiques et, plus particulièrement, à la menace cyclonique - les cyclones devant être plus nombreux et plus puissants - et pour améliorer le confort thermique ?
4) Quelle politique alternative de déplacements mettre en œuvre afin de réduire la consommation des terrains par le tout-automobile (routes mais aussi parkings) ? Et comment financer cette politique multimodale de déplacements afin de la rendre réellement attractive ?

Selon des projections faites par l’INSEE, pour répondre aux besoins de la population réunionnaise nous devons construire 250.000 logements d’ici trente ans, soit 83% de plus que le nombre de logements existant maintenant. Les Réunionnais ont pris connaissance de ces données.
Mais nous devons tout faire afin d’apprécier ensemble le véritable défi que cachent ces réalités et ne pas le sous-estimer : à La Réunion, il faudra construire en 30 ans davantage de logements que ceux qui ceux nous restent depuis que l’île a été habitée, il y a 339 ans. En effet, au recensement de 1999, on comptait 238.196 logements à La Réunion. Or il nous faut, dans les 30 ans à venir, construire davantage de logements que ceux existant actuellement dans le pays. Pourrons-nous relever ce défi ? Et comment ?

Élie Hoarau


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