Décentralisation

Occasion manquée

"Histoire, bilans, évolutions"

9 septembre 2003

De mardi à jeudi derniers s’est déroulé à la Région et à l’Université un colloque intitulé "La décentralisation : Histoire, bilan et évolution". La matinée du dernier jour était particulièrement consacrée, par des chercheurs en Droit, à l’étude de la réforme constitutionnelle votée récemment. La Constitution est le texte fondamental de la République, c’est sur elle qu’ensuite s’appuient toutes les lois votées par le Parlement.
Cette réforme a été l’occasion pour deux parlementaires réunionnais de se distinguer : René-Paul Victoria et Jean-Paul Virapoullé. Ce dernier est l’auteur d’un amendement qui figure dans l’article 73 du texte fondamental. Le sénateur-maire de Saint-André a justifié son action par le fait qu’on ne peut pas imaginer que des Réunionnais puissent voter des "lois-péi", autrement dit, tout simplement des lois adaptées aux réalités de leur région et de leur département.
L’élu de l’Est a cru bon d’ajouter qu’avec la réforme constitutionnelle et le fait que "La Réunion, département français" soit "gravé dans le marbre de la Constitution", rien ne changera jamais dans le système administratif de La Réunion, tout est verrouillé pour l’éternité, et cela grâce à la volonté d’un sénateur.
Dans le passé aussi, certains croyaient que La Réunion ne pourrait pas vivre sans l’esclavage ou que la loi Vergès-Lépervanche du 19 mars 1946 allait provoquer le chaos, mais l’Histoire leur a infligé un cinglant démenti.
Or, que s’est-il dit lors des exposés et du débat sur l’article 73 pendant le colloque ? Réponse : cet amendement, c’est du vent car il n’empêche pas les Réunionnais de choisir de changer de statut.
À partir de là, on peut penser que les Réunionnais pourraient dans cette éventualité voter des adaptations réunionnaises aux lois de la République car notre île ne serait plus régie par l’article 73 dans lequel figure le fameux "verrou" du sénateur-maire de Saint-André. « L’évolution statutaire de La Réunion est toujours possible, c’est irréfutable », a d’ailleurs déclaré un professeur de l’Université de Bordeaux.
Lors de ces débats, il aurait été intéressant d’entendre le point de vue de l’auteur de cet amendement. En effet, ce n’est pas tous les jours qu’un Réunionnais a la possibilité d’ajouter sa marque dans la Constitution, texte fondamental s’il en est. Quelle plus belle occasion que ce colloque pour débattre de cet amendement et faire entendre ses arguments auprès d’un parterre d’universitaires, spécialistes en Droit constitutionnel.
Malheureusement, cette occasion a été ratée, Jean-Paul Virapoullé n’a pas pu dire pourquoi ni comment il peut affirmer que l’impossibilité de voter des "lois péi" est gravée dans la Constitution. Le terme "gravé" est d’autant plus relatif que depuis 1958, on compte au moins 20 révisions constitutionnelles. Mais bon, ce n’était pas cela qui était précisément l’objet du débat sur l’article 73.
Jean-Paul Virapoullé ne pouvait pas ignorer la tenue du colloque pluridisciplinaire prévu de longue date. Lui ou ses amis tenaient là une occasion en or de faire apprécier la justesse et la clairvoyance de leur position dans ce débat fondamental pour l’avenir de La Réunion. Il n’en fut rien. Gageons que ce n’est que partie remise, car les interrogations sur cette réforme constitutionnelle vont se multiplier dans les jours à venir au sein de la population. À moins qu’on veuille éviter le débat public.


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