Logement

Où et comment trouver des espaces pour construire ?

Où loger nos enfants demain ?

1er avril 2003

Jacques Thibier, directeur de la SHLMR, vice-président de l’ARMOS (association régionale des maîtres d’ouvrages sociaux), par ailleurs membre de la section "Prospective" du CESR a lancé - de façon très directe - le débat, chiffres à l’appui, pour souligner la problématique des opérateurs sociaux.
Une problématique extrêmement complexe, car il y a entre-croisement de plusieurs paramètres : la nécessité de construire à un niveau supérieur à celui issu de la démographie, pour cause notamment de renouvellement de l’existant et de "décohabitation" entre générations (Michel Le Bloas - DDE), des financements de plus en plus difficiles (le prix du foncier a parfois été multiplié par deux). Raisons auxquelles on doit ajouter la question du temps. Si les dispositifs se mettent en place, lentement, il y a néanmoins urgence à construire des logements : comment respecter des programmes de construction quand la question du foncier n’est pas réglée ? Et qui doit "arbitrer" cette gestion du foncier, entre les terres agricoles à protéger, et celles qui peuvent être « sacrifiées » ? Où le débat doit-il se faire ?

Résistance de certaines communes ?

Cette résistance de certaines communes a été soulevé à plusieurs reprises. Résistance à l’implantation de logements sociaux sur leur territoire. Un membre de l’ARMOS évoquait même que 3% des opérations de construction de logement social, prévues par les communes, étaient, au dernier moment, "retirées" par celles-ci. Dès lors, on « pourrait faire mieux dans l’immédiat » pour la construction de logements sociaux. Des communes qui ont pourtant des réserves foncières, mais, sous la pression d’une partie de leurs habitants, reculent et ne construisent pas "du social". Tout en reconnaissant, par ailleurs, qu’elles reçoivent des demandes fort nombreuses pour "avoir un loyer". Y aurait-il "conflit d’intérêts" ? Il faudra bien qu’un jour, ces élus "prennent leur responsabilité" et choisissent entre une stratégie de réélection et leur mission politique, à savoir de préparer l’avenir.

Rééquilibrage

Jean-Marie Virapoullé, pour la CIREST, présentait le SCOT (schéma de cohésion territoriale), dont l’un des objectifs est de parvenir à un « rééquilibrage » tout en « anticipant » sur les besoins à venir : 60.000 habitants de plus dans l’Est, d’où 26.500 logements à construire, avec une densité de 25 logements par hectare, soit 1.600 hectares à trouver. Le tout en « préservant les terres agricoles », ce qui pourrait passer par « la construction de villes à mi-pente », et la densification des centres urbains. Mais l’objectif de la CIREST est de voir « 20% de la population à venir, s’installer dans des villes nouvelles ».
Le rééquilibrage est une nécessité, tant entre micro-région qu’à l’intérieur même de la ville. Et l’intervention de Pascale Metzger, géologue à l’institut de recherche sur le développement (IRD), a remis en cause certaines croyances. En travaillant à partir de deux concepts (densification et étalement), et de trois méthodes d’analyse (tendance ou effort, taux, indice synthétique), elle est parvenue à la conclusion suivante : « Les agglomérations urbaines actuelles sont capables d’accueillir une bonne partie de la croissance de la population ».

Villes nouvelles

Cette question des « villes nouvelles » se heurte, pour l’instant, au SAR (schéma d’aménagement régional), qui ne prévoit pas un tel cas de figure ; mais la révision de celui-ci, dès 2004, devrait lever, à court terme, la difficulté liée au financement de telles opérations. Des « villes nouvelles » qui ne « devront pas être des Plateau Caillou ou la ZAC de Rochefeuille » précise le maire de Bras Panon. Et ces "villes nouvelles" dans l’Est devraient s’accompagner de l’implantation d’une "route des hauts", souhaitée fortement par Jean-Marie Virapoullé qui évoque également les 2.600 hectares de friches à reconquérir sur le territoire de la CIREST.

Terres agricoles ?

Des friches, d’une part, mais aussi des "terres agricoles" d’autre part. Où les prendre ? En fonction de quels critères ? Jean-Pierre Avril (président de la SAFER) explique que le monde agricole, conscient de la nécessité de préparer La Réunion du million d’habitants, veut « jouer au gagnant-gagnant ». Autrement dit, parvenir à une « gestion concertée de l’espace ». Avec les outils existants - sans en créer d’autres, seulement "pour le plaisir". Et qui pourrait se faire, plaident certains « à l’échelon communal ou inter-communal ». Lois de décentralisation aidant, par ailleurs.

Comment ?

Si la question du "où" fait - à peu près - l’objet d’un consensus (les modalités de la négociation restant néanmoins à définir), reste la question du "comment". Et il n’est pas sûr que la Charte, signée par les participants à l’issue de cette semaine, apporte une réponse. Les temps sont à la rigueur. Faudrait-il alors opter pour un "Plan Marshall" comme le suggère Bertho Audifax, qui réaffirmait que toute politique du logement doit prendre en compte une considération incontournable : le coût de construction à La Réunion, reste et restera supérieur à ce qu’il est en France.

Voie réglementaire ou juridique ?

Dans son intervention, Bertho Audifax, député-maire de Saint-Benoît, soulignait un fait : il y a une réglementation nationale concernant les ravines et leur endiguement ; mais celle-ci ne correspond pas à la situation réunionnaise, sur tous les points. Il y aura donc nécessité "d’adapter". Et comment ? Puisque La Réunion a été privée du droit de procéder à l’adaptation de certaines réglementations nationales ? Certains disent : "la voie réglementaire suffira". Réponse complémentaire du député-maire : il y a les mesures de la décentralisation (notamment le droit à l’expérimentation). Et il y aura toujours « la possibilité pour le gouvernement de faire une adaptation ». Ce qui va prendre du temps. Et qui va à l’encontre d’un fait établi : il faut pratiquement deux fois plus de temps, aujourd’hui, pour "sortir" un projet de logements sociaux...

Spécificités

Autre point, soulevé cette fois par Daniel Gonthier : les contradictions nées entre une situation française, ayant servi de base à l’élaboration d’un dispositif (le schéma directeur des eaux pluviales), lequel ne semble pas, explique le maire de Bras-Panon, correspondre aux « spécificités » de sa commune.

Peu de logements sociaux

Dans les 20 ans à venir, il y aura 200.000 ménages supplémentaires, donc nécessité de construire 7.000 logements en plus des 9.000 à construire annuellement, et de ceux (dont le chiffre n’est pas clairement défini), à reconstruire. Face à cela, on annonce 6.000 logements construits par an, dont 4.000 logements neufs bénéficiant d’aides (logement social), la différence s’expliquant par le "privé" et les "produits intermédiaires". Peut-être faut-il y inclure les "logements spontanés" (autrement dit illégaux) qui ont connu une augmentation de 12% ces dernières années.

24 communes ou 400 quartiers ?

Comment conduire la réflexion ? Sur quelle base s’appuyer ? Les 24 communes ou les 400 quartiers qui la composent ? C’est cette deuxième voie que suggère Michel Le Bloas de la DDE, ce qui va dans le droit fil des idées émises : gérer "au plus près". Autrement dit, un gros travail doit être réalisé par les communes, au travers des PLU (plan local d’urbanisme) et des structures intercommunales via les SCOT (schéma de cohésion territoriale).

Des besoins, mais quels besoins ?

Il a beaucoup été question de densité. Si le SAR prévoit une moyenne de 30 logements par hectare, il est bien évident que cela ne peut s’appliquer à toutes les communes, ce qui, par ailleurs, irait à l’encontre de la philosophie proposée. Mais derrière cette question de densité, s’en cache une autre : un intervenant expliquait qu’il avait l’impression que les communes « construisaient à vue ». Car le "détail" ne semble pas être connu par les maires, par certains du moins.

Des outils peu utilisés...
Les "outils" existent, mais certains ne sont pas utilisés. Comme le principe de la zone à aménagement différé (ZAD), qui n’est pas appliquée autour du périmètre d’implantation de la Route des Tamarins ; les communes n’ont pas fait jouer cette possibilité, ce qui pourrait avoir des conséquences graves : l’augmentation foudroyante du prix du foncier, par exemple....
... qui conduisent à des augmentations vertigineuses

Guy Thazard, représentant de la chambre des notaires, donnait quelques chiffres : le prix en franc du mètre carré de terrain viabilisé est le suivant : 690F pour Saint-Benoît (hors centre ville), 550F à Sainte-Anne, 700F à Bras-Panon, 400F à Salazie, de 750 à 800F à Saint-André, 400F à La Plaine des Palmistes, 400F à Sainte-Rose, 800F à Sainte-Suzanne... Des prix qui, en 4 ans, on connu une augmentation de... 75% au moins. La faute (indirecte) à la "4 voies" de l’Est, car, là comme pour la Route des Tamarins, les communes n’ont pas joué la carte "ZAD".


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