Social

« Oui à la décentralisation, mais pas à n’importe quel prix »

Inquiétude dans les Missions locales

25 avril 2003

L’intersyndicale CFDT PSEF, CGTR et UNSA a tenu hier au local de la CFDT une conférence de presse sur la question de "l’abandon" du réseau des Missions locales par l’État. Le réseau des Missions locales s’occupe de l’accompagnement et de l’insertion des jeunes de 16 à 25 ans dans les domaines conjugués de l’emploi, du logement, de la santé, de la formation, de la mobilité. C’est un "guichet unique" pour répondre aux demandes de 42.000 jeunes réunionnais en difficulté d’insertion qui s’y inscrivent volontairement. Sur 60.000 jeunes de 16 à 25 ans, 58% sont au chômage. Les Missions locales à La Réunion, se sont 200 personnes dont une cinquantaine de conseillers qui s’occupent d’insertion. Le financement est déjà décentralisé puisqu’il est assuré par l’État (50%), la Région (25%), le Département (12,5%) et les communes (12,5%).
Depuis la mise en place du nouveau gouvernement, la décentralisation du réseau s’accélère. L’intersyndicale note dans un communiqué que « dans le cadre de la décentralisation, la déclinaison serait la suivante : l’orientation et la formation passeraient sous la responsabilité de la Région et l’accompagnement social serait de la responsabilité du Conseil Général ». L’État n’affirme aucune politique nationale pour les jeunes en difficultés et pour la lutte contre les exclusions estime l’Intersyndicale.
Les syndicalistes rappellent « qu’il n’est point de politique d’orientation, de formation professionnelle, d’insertion, de luttes contre les exclusions, qui n’a pour finalité l’emploi ». « À ce titre, l’État ne peur se dégager si ce n’est dans le cadre de l’expérimentation », indique l’Intersyndicale qui précise que La Réunion est le seul réseau de Missions locales « à avoir réfléchi et anticipé cette décentralisation avec le Contrat de progrès 2003-2007 » proposé à l’ensemble des financeurs en novembre 2002 (voir encadré). Elle ajoute que dans le contexte réunionnais, « tous les politiques de toutes les collectivités doivent fédérer les moyens financiers pour continuer la démarche de prise en charge globale des jeunes sur l’insertion par le logement, la santé, le sport, l’emploi, la formation ». « Une seule collectivité ne peut assumer les enjeux de la cohésion sociale dans notre île », note l’Intersyndicale pour qui « cette importante responsabilité doit être collective et partagée. Il serait réducteur et dangereux de croire que nos pouvons régler les problèmes de nos jeunes par la formation uniquement ».

Des actions à prévoir

Lors de la conférence de presse, le porte-parole de l’Intersyndicale Emmanuel Mathieu apportait quelques précisions supplémentaires : « un quart des jeunes sortis de l’Éducation nationale sont illettrés. 80% des jeunes en Missions locales sont de niveau VI (Quatrième, CAP). Ce sont des jeunes pour lesquels l’accompagnement ne peut se résumer à l’emploi. Ils ne sont pas qualifiés, ils ont de grosses difficultés sociales », constate-t-il. « La mobilité n’est pas possible pour eux, ils sont exclus de la société. Voilà pourquoi le discours du Premier ministre n’est pas satisfaisant », déplore le porte-parole de l’Intersyndicale. « On ne fait pas de l’insertion que par la formation professionnelle, il faut saisir la problématique dans son ensemble », poursuit-il en précisant que « la détresse des jeunes réunionnais est grande, un quart des jeunes qui se suicident se trouvent à La Réunion. C’est pourquoi toutes les collectivités, et l’État, doivent agir ensemble ».
L’Intersyndicale défend l’amélioration du service rendu par les Missions locales, car « pour l’heure un conseiller s’occupe de 850 jeunes ». « Depuis début avril, nous avons déposé une demande à la préfecture pour une concertation sur l’accompagnement des jeunes », rappelle l’Intersyndicale, « si la préfecture ne réagit pas assez vite, le mois prochain on sera dans la rue ».
Le porte-parole de l’Intersyndicale concluait : « Nous disons oui à la décentralisation, nous sommes déjà décentralisés, mais pas à n’importe quel prix, pas n’importe comment. Attention, on ne peut pas faire n’importe quoi. Il ne peut y avoir d’insertion globale si une des collectivités manque parmi les communes, le Département, la Région et l’État. Nous sommes les premiers à réagir, mais le mouvement va s’enclencher sur le plan national ».

Le contrat de progrès pour une amélioration du service public
Le Contrat de Progrès propose une mutualisation des moyens des quatre Missions locales et de leurs seize antennes. Il a pour but de rationaliser l’outil, d’unifier, d’harmoniser les pratiques. Pour le porte-parole de l’Intersyndicale, Emmanuel Mathieu, il faut avant tout « une professionnalisation des agents, une pérennisation des emplois précaires, car 40% du personnel des Missions locales sont des emplois-jeunes, des CEC, CES et CIA. C’est l’emploi précaire qui s’occupe des gens dans la précarité. Comment donner des repères aux jeunes dans ces conditions ? »

Le Contrat de Progrès, réalisé à la demande des politiques, demande un financement de 16 millions d’euros sur cinq ans pour un meilleur fonctionnement des Missions locales et donc une amélioration de la qualité d’accueil des jeunes. D’ici peu, si aucune réponse n’est apportée sur le devenir du Contrat de Progrès 2003-2007, un mouvement de grève naîtra au sein des Missions locales.


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