Déplacements

Paul Vergès : changeons de vitesse dans la politique vélo à La Réunion

Après la rencontre de samedi entre élus, D.D.E. et cyclistes, une nouvelle étape dans l’usage de la petite reine

7 avril 2003

Excellente réunion de travail que celle de samedi matin à la Région entre représentants des collectivités locales de La Réunion, de la Direction départementale de l’Équipement (D.D.E.) et des cyclistes réunionnais. En effet, trois enseignements positifs sont principalement à retenir de cette rencontre.

1) Le monde du cyclisme à La Réunion a montré sa capacité de se mobiliser pour faire avancer la cause du vélo.

C’est ainsi que plus de cinquante représentants de comités, ligues, clubs et associations de cyclistes ont répondu à l’invitation du président de la Région et ont consacré leur samedi matin à ces échanges. Ils ont fait part de leurs propositions et de leurs attentes, ils ont pris acte des travaux déjà réalisés et des projets en cours, ils ont approuvé les grandes orientations proposées par le président de la Région pour sécuriser davantage l’usage de la bicyclette et encourager son utilisation.
Le dimanche précédent, les cyclistes réunionnais avaient déjà montré leur capacité de se mobiliser pour exprimer leur solidarité avec les victimes des accidents routiers. Plusieurs centaines d’entre eux s’étaient rassemblés devant la préfecture à Saint-Denis et avaient roulé ensemble jusqu’au Port voire jusqu’au Cap Lahoussaye pour crier haut et fort : « arrêtez le massacre des cyclistes ».

Il n’y a plus qu’à souhaiter que cette volonté de se mobiliser et d’agir ensemble pour défendre la cause du vélo persiste et se renforce à l’avenir. En effet, sans action concertée et collective des cyclistes pour faire connaître leurs idées, défendre leurs propositions et faire aboutir leurs projets, on ne pourra pas faire accélérer le rythme des mesures indispensables.
Il faudra de la persévérance dans l’action, de l’imagination pour trouver des solutions justes et un sens de l’écoute des autres pour proposer les meilleures mesures, inscrites dans le long terme.
En effet, les pratiques cyclistes et les attentes des usagers sont très différentes selon qu’elles concernent les déplacements utilitaires, le cyclotourisme ou les pratiques sportives, comme l’entraînement pour la compétition. Les usagers doivent donc résoudre les contradictions résultant de ces approches différentes et unir leurs efforts pour se faire entendre des décideurs.
Bref, il reste aux citoyens-cyclistes (ou… cyclistes-citoyens) à faire la démonstration - dans la durée - qu’ils ont eux aussi une volonté politique de promouvoir l’usage du vélo, au même titre que celle affirmée par les décideurs.

2) Autre point positif, la D.D.E. a démontré sa capacité d’écoute à ces problèmes.

Elle était représentée par plusieurs responsables : Yves Castel, le directeur adjoint chargé des infrastructures, Jean-Jacques Gueguen, responsable du service gestion de la route, et Johnny Mézino, le "Monsieur Vélo" de la D.D.E.. Elle a affirmé la volonté des agents de l’Équipement de travailler tous ensemble pour le plan vélo et Yves Castel a émis le souhait que cette réunion améliore l’écoute des usagers et le service rendu par l’État.
Johnny Mézino a exprimé la volonté de la D.D.E. de prendre en compte les besoins de chaque usager et a exposé brièvement le projet de réseau de véloroutes réunionnais pour des liaisons cyclables sécurisées entre les villes. Un réseau que Raymond Lauret appellera plus tard « une sorte de S.A.R. (schéma d’aménagement régional) pour le vélo ». Ce réseau traversera les communes et devra donc être aménagé en concertation avec les villes.
Le "M. Vélo" de la D.D.E. a également présenté les itinéraires cyclables déjà aménagés.

Cela n’empêcha pas les critiques des cyclistes à l’égard des services de l’État, même si le travail accompli était reconnu. L’accent était mis sur les lenteurs à traiter les dossiers, voire à régler des problèmes ponctuels très simples, comme par exemple l’achat d’une balayeuse ou la réfection de la peinture blanche dans le tunnel de Saint-Denis pour améliorer la visibilité des deux-roues.
Mais le reproche principal - et de fond - qui est fait à la D.D.E. est le suivant : pourquoi, lorsqu’on réalise une route, ou une portion de route ou un aménagement routier quelconque, "l’aspect vélo" n’est-il pas systématiquement pris en compte et intégré au projet ?
Comme on le voit, les services de l’État, malgré la proclamation de leur bonne volonté et le travail positif déjà réalisé, ont encore beaucoup à faire pour démontrer qu’ils appliquent réellement une politique de déplacements multimodale et non pas soumise à la pression du tout-automobile.

3) Des élus, notamment ceux de la direction régionale, ont réaffirmé clairement une volonté politique de contribuer à la mise en oeuvre accélérée d’une politique vélo à La Réunion, en concertation avec l’ensemble des partenaires : collectivités locales, État et usagers.

Cette volonté s’est manifestée à travers toute une série d’orientations et de projets évoqués tant pas le président Paul Vergès que par Raymond Lauret, conseiller régional en charge de ce dossier :

- soutien à une piste cyclable en site propre tout autour de l’île ;
- participation active à un comité permanent de concertation des trois partenaires cités plus haut (collectivités, services de l’État, cyclistes) ;
- accélération du rythme des réalisations ;
- proposition à la Commission permanente de la Région de créer une ligne budgétaire autonome afin de consacrer une somme à la politique du vélo et de la dépenser dans l’année ;
- intégration des réalisations immédiates dans les projets à long terme.
Ces orientations politiques sont justes et encourageantes pour l’avenir. Encore faut-il que cette volonté politique soit partagée par l’ensemble des élus. Et là également il y a encore du travail à faire. En effet, seulement 3 communes sur 24 étaient représentées samedi par des élus : Le Port, Sainte-Marie, l’Étang-Salé. Le Conseil général en tant que tel n’était pas représenté. Et l’on vérifie chaque jour que dans les collectivités la politique du vélo tarde à être mise en œuvre. C’est pourtant une des conditions d’un développement durable dans le pays.

L’essentiel, toutefois, c’est que samedi dernier, une impulsion nouvelle a été donnée par la Région et ses partenaires à une politique vélo. C’est un nouveau départ pour une nouvelle étape. Et si tout le monde essaie de pédaler dans le même sens, on pourra faire de La Réunion une île cyclable.

Les demandes des cyclistes
Françoise Huot-Jeanmaire, présidente de la Ligue réunionnaise de triathlon :
Elle conteste les résultats de l’enquête diligentée par la DDE dans le cadre du véloroute « car beaucoup de cyclistes potentiels ont rangé leur vélo et n’ont donc pas pu répondre à cette enquête réalisée sur le terrain ». Elle signale que « les voies de dégagement qui longent les grandes routes, sont sales, semées de débris de bouteilles. Les cyclistes doivent faire un écart pour les éviter, ce qui peut être très dangereux ». Elle souligne aussi qu’« il faut écouter les cyclistes quand ils disent qu’il faut maintenir la circulation à vélo sur les 2 X 2 voies, moins dangereuses que les petites routes, souvent étroites, et où les automobilistes roulent très vite ».
Philippe de Cotte, conseiller technique régional de cyclisme est intervenu en tant que membre de l’association Vélo Vie : « Malgré l’accueil positif que nous réservent les services de l’Administration, quelque chose ne va pas dans la concertation. La réponse est que c’est toujours trop cher pour les aménagements cyclables mais jamais pour la voiture ».
Alix Mareux, président de la PPA (Port Pédales Association), membre du Comité régional de cyclisme et organisateur de courses, est favorable au développement du vélo « pour l’usage quotidien » mais il demande « que la pratique sportive ne soit pas être oubliée dans les structures routières ».
Jean-Luc Savigny, ancien président de la Ligue réunionnaise de triathlon :

« L’offre de pistes cyclables n’est pas suffisante. Il faut dégager davantage de crédits pour une politique de déplacements à vélo ».

Jean-Yves Langlois, président de la Maison de la Montagne, « approuve l’idée d’un S.A.R. du vélo et estime qu’il faut y prévoir un maillage entre le réseau cyclable sur routes et les pistes de VTT ».
François Nativel, président du Comité régional de cyclisme, donne son accord pour « participer à l’élaboration de projets de pistes cyclables en site propre ».
Marie-Paule Fanchin, adjointe au maire du Port et présidente d’un club de rollers, fait part de son souci d’« intégrer dans les pistes cyclables les rollers qui à ce jour n’ont pas encore trouvé leur place dans les modes de déplacements ».
Daniel-Omer Hoarau, président de l’association Vélo Vie : son association a fait 81 propositions concernant la sécurité sur les routes. Il insiste sur la nécessaires sensibilisation de tous les usagers de la route pour limiter les accidents et propose de faire une campagne médiatique pour rappeler certaines règles de sécurité, notamment l’obligation de doubler les cyclistes à 1 mètre 50.
Michel Bénard, président du Vélo club de Saint-Denis : « toutes les bonnes initiatives ne serviront à rien si on ne change pas le comportement des automobilistes ».
Alain Tanguy, ancien cycliste, aujourd’hui cyclotouriste, propose des « voies cyclables en site propre (VCSP) à côté du TCSP (transport collectif en site propre), le tram-train ».
M. Érudel, président d’un club cyclotouriste, « regrette qu’il faut des drames pour qu’on se réunisse ». Il espère que « désormais on va avancer plus vite dans la politique du vélo ».
Des annonces de la D.D.E.
- Les cyclistes seront davantage associés aux prises de décisions, tous les agents seront mobilisés, la D.D.E. sera davantage à l’écoute des critiques et des suggestions des usagers.
- Le tunnel de Saint-Denis sera repeint en blanc d’ici deux mois au plus tard.
- 2 balayeuses sont désormais fonctionnelles mais elles ne suffiront pas à maintenir propres tous les accotements.
- Un côté de la route du littoral pourrait être réservé aux cyclistes le dimanche matin. Mais pas dans la précipitation car il faut prendre le temps d’assurer la sécurité.
- D’autres accotements routiers seront pourvus d’un revêtement coloré et bordés de bandes sonores pour prévenir les automobilistes quand leur véhicule empiète sur la bande.
- L’information sera mieux faite grâce aux panneaux à messages variables sur la route du littoral.
Les orientations proposées par Paul Vergès
La diversité des propositions et des remarques a montré qu’il y a chez les usagers un besoin de s’exprimer et d’être entendu. Ceux qui prennent les décisions et les usagers doivent pouvoir se concerter avant la réalisation des projets. La Région veut à la fois répondre aux besoins immédiats des cyclistes et intégrer les solutions immédiates dans une perspective à long terme, sur 20 ans, pour tous les usagers de la route, dans le cadre d’un développement durable de La Réunion, comme le propose l’agenda 21.

Les jeunes sont les futurs pratiquants, il faut revaloriser l’image du vélo et créer les conditions objectives pour son utilisation avec le maximum de sécurité. Pour cela, il faut changer les mentalités, communiquer et inciter à l’usage du vélo, informer les cyclistes des solutions proposées. C’est l’objet de la création du comité de concertation proposé ce samedi, avec tous ceux qui sont concernés : les usagers, les différentes collectivités (Région, Département, communes, communautés de communes) et services de l’État.

La Région veut se donner les moyens d’une telle politique en créant dans le Fonds d’investissement routier et transport (FIRT) une ligne budgétaire en faveur du vélo. Il est nécessaire également d’accélérer le rythme des réalisations, en commençant par les priorités décrites par les cyclistes.


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