Social

Pierre Vergès : « Ce n’est que le début… »

Après la manifestation d’hier pour la retraite et le service public

16 avril 2003

Parmi les manifestants hier matin dans les rues de Saint-Denis, il y avait une forte délégation de responsables du Parti communiste réunionnais. Cette délégation était conduite par Huguette Bello et Pierre Vergès. Elle était composée de Claude Hoarau, Jean-Yves Langenier, Maurice Gironcel, Ary Yee Chong Tchi Kan, Jean Saint-Marc et de nombreux autres camarades.
On lira ci-après diverses réactions recueillies auprès de membres de cette délégation mais aussi de représentants d’autres responsables politiques et syndicaux lors de la manifestation ou peu après (voir encadrés).
Pour sa part, Pierre Vergès a déclaré à "Témoignages" : « Si le PCR a été présent à cette manifestation, c’est parce qu’elle pose le problème du service public en général. La réforme en matière d’éducation n’est que le début d’une série de mesures. L’objectif du gouvernement est de tenir compte de l’Accord général sur le commerce et les services dans le cadre de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce), des orientations de Bruxelles sur la libéralisation des services publics, des critères de convergence de l’UE interdisant que le déficit public dépasse 3% du PIB national » [1].
« À partir de là, poursuit Pierre Vergès, il s’agit pour le gouvernement de faire des économies. Ceux qui sont visés sont les fonctionnaires, qui ont une mission de service public. Mais avec eux sont concernés les usagers, et donc ceux qui travaillent dans le secteur privé ou ceux qui sont au chômage ».
Pour le secrétaire du PCR, « la méthode est contestable : on envoie une lettre annonçant la mise à disposition de la Région et du Département des personnels ATOS, au 1er janvier 2004… alors même que les lois organiques légalisant ce transfert ne sont pas encore votées. Pire, la Région et le Département ne veulent pas de ce transfert ».
Pierre Vergès rappelle que « les élus communistes de La Réunion exigent une consultation avec les fonctionnaires le plus rapidement possible. Le paradoxe est que les demandes votées à l’unanimité par les élus régionaux n’ont même pas été retenues par le gouvernement dans le projet de loi-programme. "On refuse ce que vous demandez, on vous donne ce que vous refusez". Telle semble être la devise du gouvernement, en proclamant son respect de la décentralisation ».
Et Pierre Vergès de conclure : « Encore une fois, "désid pa pou nou avan konsilt anou !" Et je rajouterai : "Nou lé pa plis, nou lé pa moins, respèkt anou !" ».

Zot la di
• Hervé Lauret (FCPE)

« L’Éducation nationale est menacée de démantèlement. Le gouvernement veut transférer une partie du personnel aux collectivités locales. Mais quels moyens leur donnera-t-on et quelles seront leurs compétences ? »

• Patrick Picardo (PEP)

« La grève inquiète certains parents d’élèves en raison de l’approche des examens. Nous comprenons cette inquiétude, mais il faut bien que ces parents se disent que c’est l’ensemble de l’Éducation nationale et donc l’avenir de leurs enfants qui est menacé ».

• Gilbert Romain (porte-parole de l’intersyndicale)

« Il faut remonter à plus de 20 ans en arrière pour trouver une mobilisation équivalente à la nôtre aujourd’hui et ce n’est qu’un début, nous ne baisserons pas les bras. Il faudra bien que le gouvernement accepte de retirer son projet et de négocier avec nous ».

• Vincent Cellier (FSU)

« Notre mobilisation sert d’exemple pour la métropole. Là-bas, un tiers des Académies sont en vacance, mais beaucoup de celles qui ne sont pas en congé sont en grève et notre mouvement est exemplaire pour eux. Une grève nationale aura lieu le 6 mai prochain. Nous serons en vacance, mais nous resterons mobilisés en espérant que nous n’aurons pas à attendre jusque là le retrait du projet du gouvernement ».

• Jean-Marc Gamarus (CGTR)

« Notre souci n’est pas de défendre notre statut, mais l’école de la République, égalitaire, unitaire et solidaire ».

Autres réactions
• Raymond Mollard (SNES)

« Plus qu’une forte mobilisation, c’est une mobilisation historique. Nous sommes plus de 15.000, c’est quelque chose de gigantesque. En comparaison, c’est comme s’il y avait 1 million 200.000 manifestants à Paris. Je crois qu’il y a là un message extrêmement fort, extrêmement clair en direction du ministre de l’Éducation nationale et du Premier ministre : qu’il écoute la rue, qu’il réponde à nos interrogations et qu’il donne suite à nos revendications. Nous avons montré que nous représentons la quasi-totalité du personnel, nous avons aussi le soutien des parents d’élèves. Maintenant la balle est dans le camp du gouvernement ».

•Ivan Hoarau (secrétaire général de la CGTR)

« Nous sommes face à un gouvernement qui adopte une attitude anti-salariés d’une façon générale, contre "la France d’en-bas", pour reprendre une de ses expressions favorites.
La manifestation d’aujourd’hui est tout à fait réussie, et elle traduit des questions, des interrogations du personnel de l’Éducation nationale. Il y a là une forte mobilisation dont on ne peut que se féliciter. Mais il faut que la mobilisation se poursuive. Demain, ce sera sur le problème des retraites, puis sur la question de la protection sociale.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire, ce gouvernement va mettre les gens dans la rue. Il faut que la mobilisation aille en s’accroissant, c’est une évidence. Nous avons devant nous des échéances sur lesquelles le gouvernement a déjà annoncé la couleur. À nous de trouver les modalités d’actions les plus appropriées, car le mouvement social doit continuer pour dire non à cette politique résolument anti-sociale ».

• Emmanuel Hoarau (syndicaliste, militant socialiste de Saint-Denis)

« Je suis un militant de toutes les solidarités. J’ai toujours considéré que l’action syndicale et la défense de nos droits font partie de nos devoirs. Je crois que tous ceux qui manifestent aujourd’hui ont toutes les raisons d’avoir peur pour demain. Il est nécessaire de dire à ce gouvernement qu’il doit écouter la rue avant de prendre des décisions. Qu’on arrête avec la politique du fait accompli. Nous ne l’acceptons plus pour nous, et encore moins pour notre jeunesse ».

• La CGTR Équipement

« Nous sommes concernés par cette manifestation au même titre que nos collègues de l’Éducation nationale, car la DDE est aussi visée dans le transfert des compétences que prévoit le gouvernement. Nous sommes solidaires aussi pour défendre les retraites. Nous sommes attachés aux 37 années et demie de cotisations et non à ce que le gouvernement veut nous imposer.

Il y a également tout un train de mesures qui seront néfastes. On veut par exemple supprimer le service actif, supprimer également le départ à la retraite anticipé pour les femmes qui ont quinze années de service et trois enfants et même modifier le mode de calcul pour le départ en retraite.

Dans le même temps, on fait des cadeaux aux patrons, on exonère les charges sociales, les ministres sont augmentés, on baisse les impôts pour les riches. Nous ne sommes pas des nantis. C’est pourquoi nous avons toute notre place aujourd’hui dans cette manifestation ».

• Michel Tamaya (ancien député-maire PS de Saint-Denis)

« Aujourd’hui, c’est une inquiétude tout à fait légitime qui est exprimée et je suis aux côtés du personnel de l’Éducation nationale qui est inquiet. Je rappelle modestement qu’en tant qu’ancien député, pendant cinq ans, au cours de notre mandat, nous n’avons eu de cesse de mettre en place une politique de l’éducation volontariste. La preuve, c’est que pendant cinq ans, le budget de l’Éducation nationale a toujours été le premier budget de la nation.
Cela montre tout l’intérêt que la gauche portait à l’éducation et ce n’étaient pas seulement des mots et des slogans, mais une réalité, avec un plan de rattrapage conséquent pour les DOM. Or, aujourd’hui, nous assistons à un démantèlement du service public et nous ne pouvons qu’être solidaires de ce mouvement de masse »
.

• Denis Irouva (retraité, militant CGTR)

« En tant que retraité, moin lé solidaire èk bann travayèr en activité épi èk sak lé involontairement privé d’emploi. Sak i inkiète a moin dan tousala, sé toute menace nana si la fonksion piblik. Si sa i vien a disparaître, sé la sékirité social lé menacé é kom nout pension lé lié la sékirité social, moin lé obligé ète a côté bann mililtant actif ki cotise pou mon retraite. Sak lé pli menacé dan tousala, sé bann travayèr an sitiasyon précaire zordi. Na 35 an moin lé militan la CGTR, mi pé pa dire moin lé pa la èk sa, mi san amoin concerné, sé pou sa moin lé a coté sak i lute pou le bien-être la population en général, et nout jénès an partikilié ».

• Sudel Fuma (ancien conseiller général PS de Saint-Denis)

« Compte-tenu de ce qui se passe actuellement, ce n’est plus de l’inquiétude, c’est de l’angoisse : menace sur les retraites, démantèlement du service public. Nous allons vers une situation qui sera catastrophique pour les générations futures. Il est donc normal que nous soyons présents aujourd’hui ».

• Une aide éducatrice

« Notre contrat se termine au mois de juin, c’est dans deux mois et nous sommes toujours dans le flou, on ne sait toujours rien. Il y en a parmi nous qui ont commencé une formation, on ne sait pas si on va pouvoir la terminer, on ne sait pas si notre contrat sera prolongé, bref, on ne sait rien. Au quotidien, on vit très mal cette incertitude, on a une famille à nourrir, on a des enfants, on ne sait pas de quoi demain sera fait, et donc forcément, on est très inquiets. Quand la ministre de l’Outre-Mer dit qu’aucun emploi-jeune ne restera au bord du chemin, je pense qu’elle ne tient pas sa parole. La preuve : nous sommes à deux mois de la fin de notre contrat et nous n’avons toujours aucune nouvelle ».

Huguette Bello, députée de La Réunion
Une méthode déplorable

« Ce qui est déplorable, c’est la méthode employée par ce gouvernement. Les principales personnes concernées, c’est-à-dire les assistantes sociales, les médecins scolaires, le personnel ATOS, ont reçu directement un courrier daté du 12 mars, avant même que la loi de décentralisation soit examinée par le Congrès, avant même que la Constitution soit réformée. MM Darcos et Ferry annonçaient déjà que ce personnel serait transféré aux départements et régions. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne voit pas l’ombre d’un début de concertation dans cette affaire.
Il y a aussi le fait que la Région et le Département n’ont pas demandé le transfert de ces personnels.

Ce qui nous préoccupe, nous, responsables politiques de La Réunion, c’est le rattrapage des retards qu’il y a à opérer. Il y avait le plan Allègre, mais on ne voit toujours pas de plan Ferry-Darcos, bien au contraire.
J’estime que notre école est menacée, l’Éducation nationale est menacée, car ce n’est plus le premier budget de la nation et cela nous inquiète vraiment.
Nous ne sommes pas au bout de nos peines avec ce gouvernement. C’est un gouvernement de relance du chômage à La Réunion, il ne faut pas se faire d’illusions là-dessus ».

Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne
« Une jeunesse très mobilisée, qui veut être actrice du développement… »

« C’est une très forte mobilisation, qui démontre qu’il y a une inquiétude. Il n’y avait pas seulement des enseignants et du personnel non enseignant de l’Éducation nationale, mais aussi beaucoup de parents d’élèves, que l’avenir de l’éducation inquiète. Ils demandent un personnel bien formé. S’il y avait tant de monde ce matin, c’est en filigrane pour dire tout cela.

Aujourd’hui, la priorité est de rattraper les milliers de postes en retard. Nous avons une jeunesse parfois bien formée et des emplois-jeunes souvent diplômés qui risquent de se retrouver à la rue, alors que certains pourraient intégrer l’enseignement. Ce sont tous ces problèmes qui ont été posés ce mardi matin dans la rue.

La demande qui est faite au gouvernement c’est d’engager des discussions. Nous n’avons pas le sentiment que le gouvernement veut écouter la population. L’urgence pour La Réunion, c’est d’engager aussi une discussion large dans le cadre de la loi-programme, pour le développement durable. Même si l’économie marchande va bénéficier de mesures importantes, tout le monde sait que cela ne suffira pas. ll faut en plus des emplois de services, des emplois aidés. On a vu ce mardi matin une jeunesse extrêmement mobilisée, très responsable, qui veut être actrice du développement de La Réunion ».


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