Culture et société

Pour que les jeunes réunionnais s’approprient l’Histoire contemporaine de leur pays

À partir de ce soir à Jeumon, le Théâtre Vollard présente à nouveau "Quartier Français"

13 juin 2003

"En 1955 à La Réunion, un ancien pétainiste, monsieur Roger, fait appel au communiste Ti-Pol pour sauver son usine de Quartier-Français". Voilà, en une phrase, l’argument historique du spectacle du Théâtre Vollard. "Quartier Français" a été joué neuf fois pour un total de trois mille cinq cent spectateurs en octobre dernier à Saint-Leu. La pièce revient ce mois-ci du 13 au 29 juin à Jeumon, Saint-Denis (réservation au 0262-21-25-26). Lors de la présentation de cette production, qui est une suite de "Lepervenche", notre journal titrait, sous la plume de Pascale David : « La lutte politique rehaussée par le mythe » (édition du 30 septembre 2002.)
Lorsque nous avons rencontré Emmanuel Genvrin avant-hier, l’auteur de la pièce et directeur de la troupe, nous expliquait qu’il voulait s’intéresser au personnage de Paul Vergès, « père de la nation », retracer « le début de sa légitimité », suivre « l’émergence d’un leader qui devait s’imposer par rapport à son père ».
Le film du même nom est toujours en route. Emmanuel Genvrin a travaillé le scénario avec Yves Boisset pour raconter autrement la même histoire. En ce qui concerne la pièce-spectacle qui a fait le plein lors de chacune de ses précédentes représentations, l’idéal pour Emmanuel Genvrin serait « que le spectacle ne s’arrête plus ».

Une nouvelle distribution

L’artiste avait pensé d’abord au stade de l’Est pour cette nouvelle session, ce qui n’a pu se faire en raison du coût de location des lieux et d’autres inconvénients, comme la difficulté de jouer les prolongations après les représentations. C’est donc l’espace Jeumon qui accueillera la grande fresque d’une période de notre Histoire contemporaine.
En raison d’un espace plus restreint, il y aura moins d’automobiles - quatre au lieu de sept -, le chœur passe d’une équipe de quinze à onze. D’autres changements ont eu lieu dans la distribution : Marc Seclin remplace Serge Biavan dans le rôle de monsieur Roger ; ce comédien connaissait Alain Aloual Dumazel qui interprète le rôle de Ti-Pol. Emmanuel Genvrin se félicite de leur complicité. Pascal Pongérard remplace Jean-Pierre boucher dans le rôle de Maître Teck. La chanteuse lyrique professionnelle Natalia Cadet, qui a fait carrière à Vienne et à Paris, sera Héva (jouée la dernière fois par Clara Anibal) et la comédienne chanteuse Ghislaine Sagot jouera Mariane à la place de Bélinda Justine.

« Raconter l’Histoire réunionnaise »

Nous nous sommes entretenus avec le créateur de "Quartier Français" mercredi dernier, à Jeumon même. Il nous confiait que son but est de « raconter l’Histoire réunionnaise. Comment le jeune Réunionnais d’aujourd’hui va-t-il apprendre sa propre Histoire ? Avant la pièce "Lepervenche", le personnage historique de Léon de Lépervanche était un peu méconnu par les jeunes, aujourd’hui il est revenu dans les mémoires. Cette pièce est la suite de "Lepervenche". En ce sens qu’elle traite de l’Histoire contemporaine et qu’elle suit l’évolution du statut de l’île. En 1936, les anciens combattants de la guerre de 14-18 demandent la départementalisation, ils disent en substance : "Nous avons versé notre sang pour la France, nous voulons l’égalité". Ce mouvement commence le 11 novembre 1936, jour de l’armistice et obtient gain de cause en 1946 ».
Emmanuel Genvrin a un triptyque en tête : la première pièce suit le chemin de fer, l’actuelle les chemins de terre « avec les paysans et les petits planteurs, âme de La Réunion, autour de Vergès », précise l’auteur. La prochaine serait les chemins des airs, ceux des ondes avec Free Dom et ceux des Boeings.

« Que les Réunionnais prennent en main leur avenir »

Le mot indépendance surgit plusieurs fois dans cette création réunionnaise, Emmanuel Genvrin a voulu briser les tabous. Quand nous lui demandons s’il est indépendantiste dans l’âme, il répond : « J’ai la nostalgie, mais peu importe le statut. Je suis pour que les Réunionnais prennent en main leur avenir, La Réunion est comme un jeune qui doit devenir adulte. Sans aller jusqu’à l’indépendance, je pense qu’une régionalisation bien menée peut donner le même pouvoir ».
Et l’actualité lui offre peut-être l’idée d’un quatrième volet. Pour lui, « le mouvement actuel témoigne d’un refus de la régionalisation à cause d’un manque de confiance dans les élus réunionnais. La classe moyenne réunionnaise n’a pas joué son rôle politique. Lors des élections municipales à Saint-Denis par exemple, il y a eu une abstention de 50% traduisant un refus de voter. Cette même classe vient ensuite critiquer les élus qu’elle n’a pas élus. Bien calculé, seuls 20% des Dionysiens ont élu leur maire au deuxième tour.
Quand ont voit des gens défiler contre la décentralisation, ils insistent pour que leur maman reste Paris. Il y a une peur de la régionalisation. Tout ça est parfaitement admissible, les gens ont peur que certains élus poursuivent d’autres buts que l’émancipation réunionnaise. Comment s’en sortir en pareille situation ? »

Emmanuel Genvrin pose la question et y répond lui-même : « Il faut une traduction politique de ce mouvement qui rassemble toutes les forces vives du pays. Il faut que les Réunionnais prennent le pouvoir. Mon cœur va vers des gens qui veulent prendre en main leur avenir. Au jour d’aujourd’hui, une régionalisation poussée en appliquant la loi, ça serait bien ».
Quant au projet de réforme du régime des intermittents du spectacle, pour Emmanuel Genvrin, « le Théâtre va devoir se réorganiser ». L’homme de Vollard se dit « très attentif à la crise actuelle qui va bouleverser notre façon de travailler et provoquer un retour sur un fonctionnement de troupe, comme au début ».

Le Théâtre Vollard en documentaires
Le documentaire de 52 minutes réalisé par Catherine Damour et intitulé "Un théâtre nommé Vollard" a obtenu le premier prix du documentaire au Festival du Film de Montréal le mois dernier. Le film est sélectionné pour le festival du film insulaire de Groix.

Un autre documentaire, "Bleu Blanc Noir", portant sur la révolution française à La Réunion et intégrant des extraits de pièces et interviews du théâtre Vollard, sera diffusé le mercredi 18 juin sur Télé Réunion. Les deux films, en cassette vidéo, seront disponibles à la vente le soir des représentations.

Lamontraz - Présentation - Show case
TAPOK
Le 19 juin 2003 à 10 heures au Pôle Régional des Musiques Actuelles

Dans le cadre de la sortie de son deuxième CD Tapokinnot, en autoproduction, le groupe " Tapok " vous invite à une rencontre musicale et poétique qui se déroulera le jeudi 19 juin dans la salle attenant le PRMA à 10 heures.

3 mo si Tapok

L’expérience de Tapok consiste à faire voyager les auditeurs entre poésie et musique, kréol et française. Concrètement, les musiciens et chanteurs du groupe sont cinq : Yohan Calciné, Jean-Yves Hoarau, Aldo Ledoux, Damien Mandrin et Arno Bazin. Francky Lauret, quant à lui, s’immisce au milieu de leur concert pour mêler la parole au chant.
Voyage imaginaire, pilon de mots et de sons, le projet SDF (Sans Domicile et Fou) présenté par les Tapokër se veut avant tout don et partage. Moment précieux d’intimité et d’écoute privilégiée.

Une dizaine de compositions acoustiques entremêlées de fonn’kér vous mènerons par le rêve au cœur de La Réunion.
Le spectacle dure une heure s’il est présenté dans son intégralité, mais il est possible de sélectionner une seule partie du projet. La séquence dure alors vingt minutes.
Les contraintes techniques sont minimes car les musiciens jouent en acoustiques.

Pour plus d’informations : [email protected] ou au 0692 67 38 76 (Arno Bazin)

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