Social

Pour T.A.K., le transfert du personnel IATOSS « n’est pas une urgence »

Manifestation monstre au Tampon

23 mai 2003

Après Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-André et Saint-Paul, retour vers le Sud pour un rendez-vous au Tampon. À l’appel de l’intersyndicale et de la coordination de l’Éducation nationale, des milliers de personnes ont défilé hier dans la cité tamponnaise pour obtenir du gouvernement des négociations sur la retraite, la décentralisation et la loi programme.
Comme pour chacune des manifestations quasi bi-hebdomadaires depuis sept semaines, l’éternelle question concernait l’ampleur de la mobilisation. Hier matin, très tôt, certains indices laissaient augurer une forte participation. À commencer par les embouteillages aux entrées du Tampon, que ce soit au sortir de la quatre-voies en venant de Saint-Pierre, ou dès la route des Plaines, pour ceux qui avaient choisi de rallier le Sud par l’Est.
Se posait ensuite le problème de trouver une place pour se garer. À ce petit jeu, nombreux sont ceux qui ont redécouvert les vertus de la marche à pied pour se retrouver devant le lycée Roland Garros, lequel se situe à quelques centaines de mètres de l’école primaire dénommée… Jules Ferry ! Tout un symbole.

"Tous unis"
Selon un scénario désormais bien rôdé, les banderoles sont déployées, les pancartes sont brandies, djembés et autres percussions viennent donner au rassemblement un côté festif qui, loin de faire oublier le but de cette grève, ne fait qu’amplifier le mouvement. La sono donne le signal du départ, les responsables de l’intersyndicale se mettent en ordre de marche derrière une banderole sur laquelle on peut lire le mot d’ordre suivant : "Tous unis contre le démantèlement du service public de l’Education nationale".
Au fur et à mesure que le cortège se met en marche dans un joyeux concert de sifflets, casseroles et slogans relayés par les haut-parleurs, on commence à se faire une idée plus précise de la mobilisation qui, de toute évidence a été forte, une fois de plus …
Après avoir emprunté la rue du général de Gaulle, le cortège s’engage dans la pente de la rue… Sarda Garriga. Certains y voient tout un symbole. L’ambiance est aussi revendicative que festive. Les slogans sont bien rodés, certaines banderoles et pancartes ont comme un air de déjà vu dans les manifestations précédentes. Un manifestant, à qui l’on faisait remarquer la chose, clame sur un ton déterminé : « et elles resserviront encore autant de fois que cela sera nécessaire pour obtenir gain de cause ».

Entre 15 et 20.000
En parcourant le défilé, on remarque que les "régionaux de l’étape" sont nombreux et arborent des banderoles des différents collèges de la région, en particulier du Tampon. Visiblement, les propos tenus par le député-maire du Tampon lors de ses récentes prestations dans la presse et à la télévision sont restées en travers de la gorge de ceux et celles qui sont en grève depuis sept semaines et, par l’image, par le son, dans un joyeux brouhaha, cela se voit et s’entend.
Quand la tête du cortège arrive sur la rue Hubert Delisle, artère principale et très commerçante du Tampon, à l’arrière, on s’engage tout juste sur le début de la rue Sarda Garriga. De temps à autre, pour permettre de resserrer les rangs, on s’arrête, on s’assied, puis, on réalise une "hola" du plus bel effet. Et c’est à ce rythme que les premiers manifestants arrivent devant l’hôtel de ville.
La place est rapidement investie par des milliers de personnes tandis que la mairie est protégée par un cordon de gendarmes mobiles. Selon un responsable municipal, la place de la mairie peut contenir jusqu’à 7.000 personnes. Elle est noire de monde alors que la fin du cortège est encore à côté de l’église, à plusieurs centaines de mètres de là… Selon les estimations, ils sont entre 15 et 20.000 à avoir répondu à l’appel de l’intersyndicale et de la coordination.

Vigilants
Dehors, les manifestants qui continuaient à signaler bruyamment leur présence ne perdaient pas une miette des propos tenus dans le bureau de TAK grâce à un micro-HF.
Finalement, l’entrevue se terminait mieux qu’elle avait commencé : en annonçant qu’il allait se faire le porte-parole des grévistes auprès du gouvernement pour dire qu’il ne fallait pas transférer le personnel TOSS de l’État aux collectivités, un nouveau pas était franchi.
Avant que chacun ne reparte et que la manifestation se disperse, les responsables de l’intersyndicale qu’ils resteraient vigilants quant au respect de cet engagement.

Zot la di
• Julien, retraité, Le Tampon :
« Moin na 73 an, moin na rien a gagné. Mé mi vé aide lé zot pour ké mon zanfan in jour i gagne kekchoz. Lé pa bon kom zafèr i tourne la. Mi pense ke gouvernman i fé pa sak i fo. Moin lé retraité, mi pouré dire moin na rien a gagné,mé moin mi vé toute de moune lé pareil ! »
• Joe Bédier, militant CFDT :
« Comme vous pouvez le constater, nous sommes toujours aussi nombreux pour dire non au démantèlement du service public de l’Éducation nationale, mais aussi pour défendre les retraites des travailleurs et dire non à toutes les régressions sociales qui nous menacent à travers les réformes de ce gouvernement qui ne veut absolument pas écouter la rue. Mais je pense que de toutes façons, la rue finira par gagner ! »
• Gilbert Romain, UNSA :
« Notre présence ici aujourd’hui, c’est à la fois notre réponse à M. Thien-Ah-Koon, mais aussi à M. Ferry, à M. Darcos, à M. Raffarin qui sont de plus en plus provocateurs et qui font tout pour mettre les gens dans la rue. S’il y a autant de gens aujourd’hui, c’est qu’il y a une raison et une forte motivation. Aujourd’hui, nous avons face à nous un gouvernement qui n’arrête pas de nous pousser dans la rue avec des phrases assassines et cela, nous ne pouvons pas l’accepter ».
• Jean-Marc Gamarus, CGTR :
« Comme nous sommes devant la mairie du Tampon et que M. Thien-Ah-Koon est là, nous allons lui transmettre notre message : ouverture de négociations, non transfert du personnel IATOSS et, bien entendu, concernant les retraites, qu’on ne continue pas cette réforme qui prévoit de demander aux salariés de travailler plus pour gagner moins. C’est inacceptable et nous lui demandons que l’on remette les choses à plat, que les organisations syndicales puissent véritablement négocier quelque chose qui soit acceptable pour l’ensemble du monde du travail ».
• Vincent Cellier, FSU :
« On est venus apporter au député-maire du Tampon un message très clair pour manifester notre mécontentement par rapport aux paroles qu’il a pu nous faire entendre récemment à la télévision. Il est très clair qu’il se place en chien de garde du gouvernement et cela nous ne pouvons l’accepter.
Ce n’est pas l’intérêt de La Réunion de décentraliser de cette manière et d’avoir cette réforme de retraite outrancière qui va léser le maximum de personnel et les plus pauvres dans toute la société réunionnaise, bien au-delà de l’éducation nationale et de la fonction publique.
Notre message est simple : c’est celui que nous avons depuis maintenant sept semaines, c’est le retrait du projet de transfert de personnel de l’Éducation nationale vers les collectivités, et l’ouverture de vraies négociations sur un projet de retraites qui soit plus réaliste et qui permette de mieux partager les richesses du pays ».
« Il n’y a pas d’urgence pour le transfert du personnel TOSS et IATOSS »
« Je rencontre le Premier ministre le semaine prochaine, je lui ferai part de la teneur de notre entretien. Je veux dire au personnel TOSS que je vais essayer de convaincre le gouvernement pour que vous restiez dans les services de l’Etat et que le transfert peut se faire, un jour, mais que pour l’instant, il n’y a pas urgence, et qu’on ne touche ni à vos conditions de travail, ni à vos rémunérations, ni à vos droits.
Lorsque je rencontrerai le Premier ministre et les autres ministres concernés, je leur dirai qu’il y a un problème à La Réunion, que pour les TOSS et les IATOSS, qu’il n’y a pas d’urgence. Vous avez en moi un soutien ».
Dialogue entre André Thien-Ah-Koon et l’intersyndicale
Recevant l’intersyndicale dans son bureau, entouré d’élus municipaux et de quelques éléments de sa garde rapprochée, TAK ouvre la discussion en explicitant sa position et en déclarant : « je confirme à nouveau mon attachement et mon intérêt à défendre vos droits acquis ». Mais il rappelle « la nécessité des réformes », faute de quoi, l’on irait droit à la catastrophe.
Cependant, précise-t-il, il faut y aller « étape par étape ». Même chose pour la décentralisation, qui « doit être progressive et, de mon point de vue, ne pas concerner ceux qui sont en poste ».
Premier à répondre au député-maire du Tampon, Gilbert Romain, de l’UNSA : « Quelle est votre position, en tant que parlementaire ? Avez-vous entendu les cris de nos collègues, aujourd’hui au Tampon, mais depuis maintenant sept semaines, pour dire non au transfert du personnel IATOSS à la territoriale ? »
Concernant la réforme des retraites, Gilbert Romain rappelle que l’intersyndicale n’est pas contre une réforme, mais elle est résolument « contre cette réforme imposée sans dialogue, sans concertation ». Concernant les examens de fin d’année scolaire, « ce n’est pas nous, mais le gouvernement qui, par son comportement, en mettant de l’huile sur le feu, prend les élèves en otages ».
Prenant le relais, Jean-Marc Gamarus, de la CGTR, déclare : « Si nous sommes venus vous voir aujourd’hui, ce n’est pas pour vous enquiquiner, mais parce que vous êtes un élu du peuple et que vous avez un devoir : être au diapason avec le peuple, travailler et agir pour ce peuple qui ne souhaite pas que les retraites soient amputées, qui ne souhaite pas que le personnel soit transféré, et que ce gouvernement, sourd et aveugle, qui nous méprise, nous écoute enfin et renoue le dialogue. Voilà tout simplement ce qu’un ATOSS voulait vous dire dans votre bureau aujourd’hui, M. Thien-Ah-Koon ».
Suivant à prendre le micro - les manifestants pouvant tout entendre avec la sono et les micro HF - Hervé Lauret, président de la FCPE : « Quand vous dites que rien n’est menacé, il y a quand même des ministres qui ont fait des déclarations dans la presse nationale, comme M. Darcos, concernant les écoles maternelles, et chaque fois qu’on arrive devant des élus, on nous dit, non, il n’y a rien… Les parents d’élèves sont très inquiets.
L’avenir de La Réunion, c’est l’éducation qu’on va donner à notre jeunesse. Ce n’est pas un statut que nous défendons, mais la mission que l’on va donner aux gens qui servent l’Éducation nationale. Bien sûr, nous souhaitons que l’école reprenne. Mais nous demandons le dialogue et que vous fassiez remonter au gouvernement le malaise actuel, car sans dialogue, vous voyez vous-même ce qui se passe… ».
Enfin, Jean-Jacques Perraud (FO) poursuit : « Nous, les 25.000 personnes qui sommes en grève dehors, nous refusons d’être la génération qui léguera le moins de droit sociaux à ses enfants. Ce que l’on veut, c’est de vivre dans une société où les gens pourront aller à la retraite à 60 ans, avoir la République qui donne le service public égal à tout le monde, avoir la sécurité sociale. Vous êtes en train - vous le gouvernement et vous ses représentants - de tout casser. C’est pour ça qu’on est dans la rue : pour vous dire d’arrêter de tout casser ».

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