Qu’est-ce qui vous paraît le plus important, le plus urgent à changer dans la société réunionnaise ?

Question à des manifestants

2 mai 2003

Les manifestants rencontrés ici ont tous répondu à cette même question, portant sur les transformations qu’ils jugent prioritaires pour l’île.

Fred Lebon, membre du bureau UIR-CFDT Commerce : « L’esprit d’inégalité et les petits pouvoirs qui favorisent la corruption. Vous pouvez ajouter aussi : les petits patrons qui se font des appuis dans le milieu politique et autres… Je ne voudrais pas que La Réunion rejoigne le niveau déjà atteint à Madagascar ou à Maurice sur ce plan-là ».

Claudine, ATOS, 44 ans, CGTR : « Je voudrais une vraie solidarité, quel que soit le lieu de travail. Je vous dis cela parce qu’en ce moment on parle de la retraite, on parle de tout… Même le RMI sera touché bientôt. »

Jean-Luc Smith, docker, 49 ans, CGTR : « En ce moment, on constate que le gouvernement favorise les plus riches et la classe ouvrière est de plus en plus attaquée. Il y a un recul social… On n’a pas d’autre choix que de se regrouper pour plus de justice, d’égalité. Il ne faut pas oublier que le président Chirac a été élu au 1er tour avec 20% des voix, et malgré le 2ème tour, aujourd’hui par la politique du gouvernement Raffarin, il devient minoritaire dans le pays ».

Marc Gonthier, docker, 22 ans - avec Emmanuel, Thierry, Johnny, Sébastien et Jean-Marie, tous jeunes travailleurs des docks : « Le chômage. Les 35 heures, normalement, c’est fait pour embaucher et jusqu’à présent, on ne voit rien de concret ».

Ida Latchimy, présidente de l’association Rasine Kaf : « Il faut en finir avec le chômage des jeunes. Ils sont dans un mal être pas possible. Ils doivent tout attendre de leurs parents - le "ti moné", les moyens de se déplacer… Il faut trouver les moyens de leur faire leur place. Les emplois précaires, tout ça… c’est du chantage, dans la main de certaines communes ».

Armelle et Marie-Claire, commission Femmes de l’URSO-CGTR : « La retraite. Quand on a commencé à travailler à 26 ou 30 ans, on n’est jamais sûr d’avoir les annuités nécessaires, même si la naissance des enfants est prise en compte pour les femmes. C’est le système entier qui est à revoir : pour les médicaments, l’éducation… On sent que tout se dégrade et ce sont toujours les plus démunis qui en font les frais. Ici, les gens se sont habitués à une société d’abondance, ils deviennent très individualistes. Mais comme la politique du gouvernement atteint tout le monde, beaucoup vont retrouver le chemin des luttes ».

Angelina Siméone Antoir, employée de maison, actuellement à l’ASSEDIC : « Le plus important, c’est de mettre en place, vite fait, un emploi pour les jeunes. Que ceux qui peuvent partir en retraite partent… Nou vé le gouvèrneman i réspèk le Réyoné… On ne peut pas hacher-trancher sans prendre l’avis de la population. Surtout pour le RMI, nou vé tout i éspass dan lord ».

Urbain Magdeleine, Union des Demandeurs d’Emploi-CGTR : « Pour faire leur place aux chômeurs, il faut créer un rapport de forces avec les chômeurs et les travailleurs unis. Pour ce 1er Mai, les sans-emploi sont dans la manifestation avec nous. Ils sont une grande force mais ils n’ont pas souvent l’occasion de s’en rendre compte. Or il faut qu’ils soient reconnus dans la société. La revendication sur la retraite, par exemple, concerne tout le monde et surtout les chômeurs. C’est pour cela que leur place est d’être avec les travailleurs, pour obliger le gouvernement à trancher dans le sens du respect des travailleurs, pour créer un important rapport de force, travailleurs et chômeurs ensemble ».

Jeanick Fontaine, aumônier MTKR (Mouvman travayèr krétyin La Réunion) : « Le chômage. C’est là où se greffent tous les autres problèmes : le logement, la violence, la délinquance. Ce pôle négatif entraîne une désintégration du tissu social et économique. C’est le problème d’une société qui se construit : comment construire plus de solidarité, de partage, contre une mondialisation des finances qui voit l’être humain comme un rouage. C’est un choix de société à faire, là où nous sommes. C’est du boulot… ».

Claude Fontaine, policier contractuel, FO-FPT : « Unifier la fonction publique, en commençant par ne pas la démanteler. Nos élus n’ont déjà pas les moyens de payer le personnel sous leur responsabilité actuellement. On ne voit pas comment ils pourraient accepter les transferts voulus par le gouvernement. En second lieu, nos retraites : les mesures annoncées sont la destruction de ce que nos parents et grands-parents ont fait. »

Question à des responsables syndicaux
Quelles convergences construire ?
Raymond Mollard (SNES) : « Aujourd’hui nous sommes tous là. Il nous faut faire quelque chose de cette mobilisation exceptionnelle… Que les confédérations, les partis politiques la traduisent en un projet politique… Et c’est à nous d’en être les porteurs. Il y a une dynamique sociale - et elles ne sont pas si fréquentes - qu’il faut traduire dans des avancées : pour le logement, l’emploi, l’enseignement, l’éducation, la santé… ».

Jean-Michel Singaïny (CGTR-Santé) : « Cette mobilisation va se poursuivre. Nous espérons construire une convergence entre secteurs public et privé, lors des deux mouvements de grève du 6 et surtout du 13 mai, qui peut être une date fédératrice exceptionnelle. Les gens se rendent compte qu’on a voulu les diviser, mais le problème de fond est celui de la cohésion. Dans la Santé par exemple, cela veut dire : qualité des soins et soins de proximité, consolidation de la CMU en intégrant les personnes âgées qui pour la plupart sont laissées à l’écart. Mais c’est la même chose dans l’éducation - où le manque d’éducateurs spécialisés pose un problème social - et dans tous les domaines de la vie sociale ».

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