Social

Quel avenir pour les associations ?
Quels emplois pour demain ?

Assemblée générale du Comité de vigilance sociale

19 août 2003

Hier s’est tenue à Saint-Pierre la première assemblée générale du Comité de vigilance sociale. Celui-ci est constitué de responsables et d’employés d’associations qui manifestent leurs inquiétudes devant les menaces pesant sur les contrats d’insertion (CES, CEC, emplois-jeunes) à La Réunion. Il veut alerter la population pour qu’elle prenne conscience du rôle indispensable des associations dans la cohésion de notre société. La première action du Comité de vigilance sociale est de demander à l’État davantage de transparence au niveau de la gestion du quota de CES. Le comité indique que si les contrats des CES des associations ne sont pas renouvelés, l’explosion sociale menace. Sur cette question et sur le problème de l’emploi en général, le comité souhaite contribuer au rassemblement des Réunionnais.

Plus d’une cinquantaine de personnes ont répondu à l’appel du Comité de vigilance sociale, qui tenait hier matin sa première assemblée générale à Saint-Pierre. Constitué récemment, le comité est composé de responsables et d’employés d’associations qui ont des craintes légitimes quant à l’avenir de leur structure.
En effet, « malgré l’annonce ministérielle de maintenir les quotas CES pour le second semestre », indiquent les membres du comité, « la population réunionnaise dans son ensemble, les associations employeurs ainsi que les employés en CES restent très inquiets tant que leurs contrats ne seront pas signés car beaucoup attendent un CES, CIA, pour survivre et trouvent de la dignité dans leur travail ». (voir notre article en page 4)
Les représentants d’associations sont préoccupés par la dégradation de la situation. Ils souhaitent que la population puisse se rendre compte du rôle des associations qui remplissent des missions de service public. Ils s’interrogent sur la façon dont le travail effectué est perçu. Pour les membres du comité, il est nécessaire de lancer un appel à la vigilance car « nous servons à quelque chose dans la société ».

« Nous participons à la cohésion sociale »

« De nombreuses associations rendent service à la population », indique Guylène Doressamy, présidente du Comité de vigilance sociale. « Les responsables d’association sont des bénévoles qui prennent sur leur temps et souvent sur leurs moyens personnels pour rendre service », rappelle-t-elle. « Nous avons conscience du rôle que nous jouons dans la société », poursuit-elle, « nous participons à la cohésion sociale ».
Les membres du comité font observer que le milieu associatif est « un lieu où l’on apprend beaucoup. C’est une école de vie, un lieu d’apprentissage de la citoyenneté ».
Mais avec les difficultés économiques, les associations sont devenues des fournisseurs d’emploi, précisent-ils en substance. Appelées à jouer un rôle d’employeur, les associations ont su créer des services qui répondent à des besoins émanant souvent des personnes les plus démunies.
Or, l’emploi est une responsabilité de l’État, qui a des institutions adaptées pour remplir cette mission. Mais on peut constater que pour les personnes au chômage, l’association est souvent la structure vers laquelle elles se tournent.

Davantage de transparence

Après ce premier tour d’horizon, les responsables du comité ont expliqué plus précisément les raisons qui justifient leur appel à la vigilance. « Alors que la situation des emplois-jeunes et des aides-éducateurs n’est pas réglée », relèvent-ils, « cela nous fait craindre le pire pour les autres dispositifs d’emplois aidés lorsqu’il faudra dans quatre mois et de nouveau procéder au recrutement des CES et CIA ». « Le traitement des emplois-jeunes laisse un goût amer », note Guylène Doressamy.
L’État était content de pouvoir compter sur les associations pour employer des jeunes, indique en substance la présidente du Comité de vigilance sociale. Le milieu associatif a été capable de faire émerger de nouveaux emplois. Des projets ont été mis en route mais aujourd’hui l’État met fin au dispositif. « On se retrouve face à la population, où l’association peut-elle trouver les moyens ? », constatent les membres du comité.
Après les emplois-jeunes vient aujourd’hui le tour des CES. « La Réunion n’aura pas un contrat en plus », déplore le comité, « quand les collectivités seront servies, que restera-t-il pour les associations ? ».

Une motion

D’autre part, une autre source d’inquiétude provient des déclarations de la ministre de l’Outre-mer. Brigitte Girardin avait précisé qu’il fallait veiller à ce que les bénéficiaires de contrats emploi-solidarité soient les plus démunis. Le Comité de vigilance sociale voit dans ces affirmations la volonté d’opérer un tri.
Devant cette situation très grave, deux décisions ont été prises par les responsables et employés d’association. Tout d’abord alerter les associations et la population bénéficiaire des contrats dits "aidés" des menaces de baisse du quota de CES attribué à La Réunion.
Ensuite, la constitution d’un Comité de vigilance sociale. Ce dernier se donne pour première tâche de lutter pour plus de transparence dans la gestion des contrats d’insertion de la part de l’État. Une première demande est adressée au préfet. Elle vise à connaître précisément quel est le nombre de CES qui est attribué à La Réunion pour le deuxième semestre. Elle a également pour objectif de savoir à quels organismes employeurs sont destinés ces contrats. Ces deux revendications ont fait l’objet d’une motion adoptée hier matin à l’unanimité.

Des problèmes liés

L’assemblée générale a ensuite été ponctuée de témoignages de travailleurs en contrat CES, de responsables associatifs, de syndicalistes. Rapidement a émergé le fait que de nombreux problèmes sont liés. La bataille pour l’emploi est indissociable de celle du droit au logement et elle met aussi en avant celle de la titularisation des employés communaux.
« Aujourd’hui, les communes ne peuvent pas faire face à la rentrée scolaire s’il manque des CES », souligne Annick Le Toullec, qui est également revenue sur la mobilisation de ces derniers jours qui a permis d’obtenir un premier acquis : l’engagement de la ministre de l’Outre-mer de veiller au maintien du quota de CES attribué au second semestre au niveau du premier.
Mais comme l’ont souligné plusieurs intervenants, le risque est grand de voir la multiplication de contrats emploi-solidarité d’une durée de quatre mois, juste pour faire la rentrée scolaire, du fait du retard pris dans la réunion du FEDOM. Or, quatre mois d’activité salariée sont aujourd’hui insuffisants pour avoir droit à une indemnisation par les ASSEDIC. Qu’arrivera-t-il si, dans quatre mois, des milliers de Réunionnais se voient priver d’emploi, sans revenu ?

"Explosion sociale"

Tout au long des différents témoignages, l’expression "explosion sociale" était souvent citée. Elle traduit d’une part l’importance de l’emploi dit "aidé" pour la cohésion sociale. Elle montre également que pour des milliers de Réunionnais, un contrat CES est le seul moyen d’accéder à un droit humain, celui de travailler, de se sentir utile.
Car combien sont-ils les Réunionnais âgés de plus de 40 ans et qui n’ont connu pour toute activité professionnelle que quelques mois de CES obtenus ça et là auprès d’une association ou d’une collectivité ?

« Tous concernés »

Supprimer ces contrats, « c’est un appel à la violence sociale », constate un responsable associatif, « c’est une menace sur la population, nous allons droit dans le mur ». Le comité appelle à la vigilance au sujet de l’avenir des CES à La Réunion. Il revendique également la pérennisation de tous les emplois précaires (CES, CEC, emplois-jeunes) car ces derniers jouent un rôle indispensable à la cohésion sociale de notre pays.
Et si les contrats dits "aidés" permettent de dépanner, ils n’offrent pas la possibilité de construire un projet de vie. Et étant donné le faible salaire, une vie à aller de CES en CES a pour résultat de condamner un travailleur à finir sa vie avec pour seul revenu le minimum vieillesse.
Le Comité de vigilance sociale veut également contribuer aux rassemblement de tous les Réunionnais sur la question de l’emploi, car comme le rappelait Mme Montrouge, membre du comité, « nous sommes tous concernés ».

Zot la di
.

-Un travailleur en contrat CES : Que faire ?

« Quand un ministre arrive, il ne va pas visiter un quartier de chômeur. Il va à la mairie où tout a été prévu. Quand cela fait 19 ans que l’on a pas été à l’école, que l’on a oublié les divisions, que l’on est au chômage, qu’est-ce l’on peut faire ? »

-Joseph Rousseau, responsable associatif : « Toute La Réunion est concernée »

« Nous devons réagir sinon on va dans le mur », indique le responsable associatif. Il estime également qu’il s’agit de répondre à la revendication de ceux qui souhaitent travailler au pays. « Il faut se mettre à la place du jeune, s’il n’y a plus de CES, que va-t-il faire ? Tomber dans la délinquance ? ». M. Rousseau souligne que La Réunion connaît des problèmes dans tous les secteurs : l’emploi, le logement, la remise en cause du RMI. « Qui va payer ? Encore les plus démunis », déplore-t-il. « Personne ne veut l’explosion sociale, c’est pour cela que nous avons mis en place un comité ». L’annonce d’une menace sur le quota des CES montre que « toute La Réunion est concernée », conclut-il.

-M. Hoarau, FROTSI : « Fiers d’œuvrer pour leur île »

M. Hoarau est membre de la Fédération régionale des offices de tourisme. Il est revenu sur le travail considérable accompli par les travailleurs employés en contrat précaire : « Combien de sites entretenus ? Combien de plantes endémiques préservées ? ». Il a insisté sur la motivation dont font preuve les emplois-verts, « fiers d’œuvrer pour leur île ». Et de citer plusieurs chantiers menés à bien dans le Sud : Grande-Anse, le domaine du Relais, le puits des Anglais.

Il a également évoqué le sentiment de déception ressenti par tout ceux qui voient un jour leur contrat se terminer. Pourtant, les CES qui aménagent les espaces verts contribuent à valoriser notre patrimoine, cela profite à tous les Réunionnais mais aussi aux touristes qui peuvent découvrir une nature entretenue et préservée. Les menaces qui planent sur la reconduction des CES dans les associations remettent en cause de nombreux projets. « Que va devenir le sentier du littoral ? ». Et de conclure : « sommes-nous si mauvais pour tout casser ? ».

-Hervé Lauret (FCPE) : « Un combat de longue haleine »

« Le gouvernement est dans une impasse », estime le président de la Fédération des conseils de parents d’élèves. Selon lui, mettre à disposition des écoles le quota de CES est une mesure pour apaiser le mécontentement. « Mais les associations ? Et la citoyenneté ? C’est le travail des associations, pas des entreprises privées », poursuit-il. « C’est un combat de longue haleine », ajoute le responsable d’association de parents d’élèves. Pour lui, il faut aller vers un rassemblement au-delà des différences politiques, religieuses, culturelles : « c’est cela l’unité de La Réunion ». « Nous devons être capables de défendre l’emploi en pensant aux enfants qui arrivent », devait-il conclure en rappelant que dans moins de 30 ans, notre pays comptera un million d’habitants.

-Julien Ramin (ADQ) : Exiger la formation pour trouver un emploi

Président de l’Association de développement de quartiers (ADQ), Julien Ramin a rappelé que les CES de l’ADQ, encadrés par un emploi-jeune, ont aménagé le site du littoral de Grand-Bois. Mais, « ce n’est pas avec un CES que l’on fait une vie », a-t-il rappelé, constatant que « la situation sociale est telle que si le peuple ne prend pas en charge les revendications, il n’y a pas d’issue ». Après être revenu sur la prochaine tenue d’une table-ronde, inspirée par une motion de son groupe au Conseil général, au cours de laquelle tous les problèmes de la société réunionnaise devront être listés et débattus, Julien Ramin a rappelé le rôle social que peut jouer le milieu associatif.

Dans l’association Maha Badra Karly qu’il préside également, « un CEC ne savait pas lire. Aidé par tout le monde, il a appris et a réussi à trouver un travail ». Dans la même association, « sur les trois CES, deux ont réussi par la suite à trouver un travail, une emploi-jeune s’est formée et a intégré l’école d’aide-soignante avec un emploi assuré à la sortie ». Julien Ramin appelle toutes les personnes en contrat d’insertion à exiger le droit à la formation pour trouver un emploi. Il a conclu en apportant le soutien solidaire de l’ADQ aux actions du Comité de vigilance sociale.

-Denis, retraité : Solidarité de tous les Réunionnais

Pour le militant de la CGTR, il faut être attentif à la politique du gouvernement, influencée par la présence d’un membre du patronat au ministère des Finances. « Il faut être organisé, le chômage concerne tout le monde ». Évoquant le souvenir de plusieurs luttes qui ont marqué l’Histoire de notre pays, le syndicaliste appelle à la solidarité de tous pour mener cette nouvelle bataille et sauver des milliers d’emplois. « Le travail est un droit », devait-il rappeler.

-Max Banon (CGTR-EDF) : « Comment sortir de la précarité ? »

« Le débat de ce matin est le plus difficile. Quel emploi derrière la question de l’emploi ? », devait déclarer le responsable syndical, « comment sortir de la précarité ? ». Il a rappelé qu’à EDF, la réduction du temps de travail n’a pas permis de créations d’emplois. Il est revenu sur le mouvement social qui a marqué cette année, indiquant que ces manifestations revendiquent un débat spécifique pour La Réunion : « la réforme de la retraite n’est pas adaptée, or, le congé-solidarité peut créer des milliers d’emplois ». Il a souhaité « courage et persévérance » au Comité de vigilance sociale.

Du R.M.I. au R.M.A. : inquiétudes
Une mesure annoncée par le gouvernement, transformer le RMI en RMA, concerne directement les personnes qui sont actuellement en contrat emploi-solidarité. Car si les CES n’existent plus, le RMA serait alors le quotidien de dizaines de milliers de Réunionnais. Le RMA mettrait à la disposition des entreprises une main d’œuvre à très bon marché, l’employeur n’étant tenu de ne verser de sa poche que le solde entre le RMI et un mi-temps payé au SMIC. De plus, si ce dernier refuse un RMA qui lui est proposé, on peut lui couper le RMI. Par ailleurs, d’après les projets du gouvernement, la gestion du RMI ne dépendra plus de la Caisse d’allocation familiale, elle serait décentralisée au Conseil général. Pour beaucoup de participants à l’assemblée générale du Comité de vigilance sociale, aller du RMI vers le RMA est une éventualité porteuse de nombreuses inquiétudes.

Pour Annick Le Toullec, le dispositif pourrait être détourné à des fins électoralistes : on pourrait proposer à quelqu’un un lieu de travail très éloigné et, devant son refus, lui supprimer toute indemnité. Pour Hervé Lauret, une telle mesure traduit une « décentralisation politisée ». Quant à Max Banon, il faisait remarquer que selon les calculs de la CGTR, 10 emplois à temps plein équivalent à 50 RMA : « c’est l’explosion du SMIC, du droit du travail ».

Le RMA imaginé par le gouvernement : une nouvelle menace qui montre à tous que la vigilance doit s’imposer sur toutes les questions.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus