Qui paie, pour quoi ?

7 mars 2003

Un nouveau contrat social pourrait être également l’occasion de réfléchir d’une part, au financement des services publics et d’autre part, à ce qu’ils apportent à ceux qui les financent. C’est-à-dire nous, les contribuables.

Défense, police, justice, santé, éducation, culture... Des "gros" postes budgétaires de l’État, dont les votes n’ont pas été si sereins que ça. D’autant plus que le déficit menace : « Nous devons faire des économies sur le fonctionnement de l’État, nous devons faire des économies pour que notre bureaucratie dans son ensemble soit allégée », expliquait Jean-Pierre Raffarin il y a quelques jours. Mais jeter en pâture les fonctionnaires ne résoudra rien. Peut-être serait-il temps de réfléchir sur les termes du "contrat" : si l’on verse de l’argent, c’est en contre-partie d’autre chose, d’une marchandise, d’un service etc. Le "rendu" est-il à la hauteur du "donné" ?
On paie - via les impôts - tout un tas de services. Certes ces impôts sont - en principe - calculés de la façon la plus juste. Sauf que, au fil des ans, telle ou telle corporation, tel ou tel secteur, bénéficie de "petits avantages", rendant moins juste, aujourd’hui, le système. Lequel système devient de plus en plus complexe, donc incompréhensible par le commun des mortels. Il ne serait peut-être pas non plus inconvenant de penser que celles et ceux chargés de calculer les dits impôts, sont parfois "perdus" sinon perplexes...

Égalité de quoi ?

En avril 2002, "Le Monde" s’entretenait avec Marc Fleurbaey, économiste et philosophe ; une rencontre qui avait pour thème : "Mesurer l’inégalité, définir l’équité". Il démontrait que la mesure des inégalités est une opération complexe. « Il faut non seulement déterminer et choisir des indices d’inégalité pertinents, mais également tenir compte des différentes formes d’inégalité : inégalité de revenu, de besoin, dans le travail et le temps libre, inégalité du patrimoine, inégalité face aux risques, etc. ».
Il évoquait le fait que « c’est sur le fait que les mesures d’inégalités nous conduisent à relativiser le PIB comme indicateur du "bien-être social". À quoi cela sert-il de s’inquiéter sur des demi-points de PIB quand le revenu national est si mal réparti qu’on peut considérer que l’équivalent d’un quart de PIB est perdu pour le bien-être social à cause des inégalités ? ».
Marc Fleurbaey expliquait, par la suite, qu’il ne fallait pas opposer équité et égalité, « ce qui est d’ailleurs une offense à l’étymologie puisque le mot équité a un rapport profond à l’égalité. Mais il est vrai qu’il ne faut pas "égaliser idiot". Même si l’on s’accorde à retenir comme objectif central pour la société idéale une forme d’égalité, il n’est pas simple de décrire plus concrètement en quoi consiste cette égalité. Il faut permettre la diversité, l’expression des différences et de la fantaisie humaine ».
Il faisait aussi référence aux débats philosophiques et autres théories s’interrogeant sur ces mots : "égalité de quoi ?". Il s’agirait de la place « qu’il faut accorder aux préférences variées en matière de style de vie ».
Quant à ces mesures d’inégalités, le philosophe expliquait que ce qui est important « est de les mettre en cohérence avec le type d’égalité que l’on souhaite réaliser dans la société. Il n’est pas très utile de mesurer en détail les inégalités de revenus, par exemple, si l’on pense que le revenu n’est pas ce qu’il faut égaliser. C’est pour cela que la mesure des inégalités doit se brancher sur ce débat de l’égalité souhaitable ».

Égalité économique ?

Mais si l’on veut parler en termes d’égalité, il ne serait pas non plus utopique d’évoquer tous les paramètres. Si les impôts sur le revenu se sont complexifiés au point de devenir relativement injustes, la question de la fiscalité des collectivités reste d’actualité. À en croire le gouvernement, puisque l’égalité sociale est en voie d’achèvement dans les DOM et plus particulièrement à La Réunion, il faut passer à « l’égalité économique ». Cela pourrait signifier que tout doit être mis en œuvre pour augmenter le potentiel fiscal des collectivités, à commencer par celui des communes.

Quelle représentation populaire ?
Au vu de la progression démographique que connaît La Réunion, n’y a-t-il pas lieu de revoir les cartes électorales pour aller vers davantage de démocratie ? Carte communale, en premier lieu.
Des tentatives en ce sens ont été faites à Saint-Leu et à Saint-Louis ; elles se sont trouvées confrontées à l’existence de problèmes techniques et financiers (personnel, patrimoine, fiscalité...), dont la résolution appelle des réponses de l’État.
Carte cantonale, en second lieu. Pour deux raisons : d’une part, elle repose sur un découpage communal ; d’autre part, le nombre d’élus par rapport à la population reste largement insuffisant. Si l’on se base sur une moyenne nationale indiquant qu’un conseiller général peut représenter 14.000 personnes, il faudrait aujourd’hui à La Réunion 50 conseillers généraux. Toujours sur la même moyenne, à l’horizon 2025, lorsque La Réunion comptera 1 million d’habitants, il faudrait... 72 conseillers généraux.
Carte législative, également, pour les mêmes raisons d’augmentation de la population. La Région Limousin, qui comptait 710.939 habitants en 1999, est représentée par 9 députés : 4 pour la Haute-Vienne, 2 pour la Creuse et 3 pour la Corrèze. Est-ce normal qu’une région de France comptant sensiblement le même nombre d’habitants que notre île aujourd’hui ait 4 députés de plus que La Réunion ?
Enfin, ne serait-il pas temps d’avoir d’un poste supplémentaire de sénateur ?
Et l’on pourrait également s’interroger sur les modalités de représentation pour les élections régionales, voire européennes.

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