Avant-première du film d’Al Gore, “Une vérité qui dérange”, au cinéma Casino

Rencontre entre des lycéens et Paul Vergès

2 novembre 2006

Des lycéens de l’établissement scolaire du Port et de La Possession, et Paul Vergès, venu en tant que Président de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, ensemble pour débattre du problème des changements climatiques. Deux générations étaient réunies mardi matin au cinéma Casino du Port, autour d’un film qui fait réagir, celui d’Al Gore. La projection en avant-première d’“Une vérité qui dérange”, documentaire qui veut convaincre les spectateurs de la nécessité d’agir au plus vite pour la préservation de notre planète, a été l’occasion d’un premier échange.

D’un côté, des lycéens, attentifs au documentaire d’Al Gore qui leur est proposé. Pas d’agitation au cours de la projection, juste des réactions d’étonnement face à certains passages marquants, des sourires quand Al Gore aborde avec une pointe d’humour la vision de ceux qui ne sont pas préoccupés par l’environnement, ou un silence vigilant. De l’autre côté, Paul Vergès, présent en tant que Président du Conseil régional, mais également Président de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, tout aussi attentif, et des hommes et femmes politiques, conseillers régionaux.
Ils étaient tous là pour découvrir un film très attendu, d’autant plus qu’il émane de l’ancien vice-Président américain Al Gore, et qu’il nous offre enfin une vision à contre-courant de celle du Président actuel des États-Unis, Georges Bush. Après le film, quelques lycéens et professeurs ont livré leurs réactions à chaud, profitant pour certains de la présence de Paul Vergès pour interpeller les politiques et échanger les points de vue sur un problème qui concerne bien évidemment ces hommes et ces femmes de demain.

Des lycéens choqués par l’avenir de la planète

Les lycéens ne se sont pas bousculés pour s’exprimer sur le documentaire, mais quelques-uns n’ont pas hésité à prendre la parole pour témoigner leur inquiétude. « Je suis choqué par ce que j’ai vu, a déclaré un élève. Tous les hommes politiques ont fait comme s’ils ne voyaient rien, alors que la science démontre que le monde se dégrade et que les conséquences pour l’Homme sont énormes. Ne sommes-nous pas à un point de non-retour ? Nous courrons à notre perte si nous ne bougeons pas ».
Ce message, ce lycéen n’a pas été le seul à le dire. D’autres l’ont fait passer, sous forme d’appel aux politiques, accusés de n’avoir pas fait face au problème, de l’avoir dissimulé. « Il faut qu’on arrête de nous cacher les choses, a lancé aux politiques un lycéen. Maintenant que nous sommes au cœur du problème, que nous n’avons plus de distance pour prévenir, il faut agir ». Un autre a ouvertement posé cette question à Paul Vergès : « Nous cache-t-on encore des choses en France concernant les changements climatiques ? ». Lequel a répondu qu’effectivement, ce que les Américains appellent les « lobbys » pour le pétrole et les voitures sont aussi actifs en France, et que « la reconnaissance du changement climatique remettrait en cause des intérêts considérables fondés sur un siècle de vie, et que tous les arguments sont bons pour empêcher des changements fondamentaux ». Paul Vergès a encouragé les jeunes à prendre conscience de la nécessité de changer les habitudes de vie et à faire pression sur les politiques et les décideurs pour qu’ils agissent.

L’heure est à l’action et non plus à la désignation des coupables

Face à cette incitation à prendre l’avenir de l’environnement en main, un lycéen a formulé un objectif. « Pourquoi est-ce à nous, enfants, de prendre la relève, pourquoi nous mettre la pression alors que les adultes n’ont pas agi ? », a-t-il demandé. Ces propos ont provoqué des réactions chez les adultes présents, Guy Ratane Dufour, Secrétaire du MGER (Mouvement de la Gauche Ecologiste Réunionnaise), n’hésitant pas « à présenter des excuses » pour les dégâts causés. « On va vous laisser une Terre en piteux état, nous sommes désolés », a-t-il déclaré, rappelant au passage cette phrase de Saint-Exupéry : « La Terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfants ».
Mais l’heure est-elle encore à chercher à qui la faute, à présenter des excuses ? Assurément non, comme l’a souligné à juste titre un lycéen rappelant que le changement climatique ne menace plus seulement les animaux et les végétaux, mais que la survie de l’Homme en dépend maintenant, et que par conséquent, « c’est à chacun de bouger ».

Le film d’Al Gore recourt-il au catastrophisme ?

Au cours du débat, un professeur est intervenu pour mettre en garde les élèves face au film d’Al Gore, face au pouvoir des images. « Vous devez relativiser ce film qui est à sens unique. Même s’il est évident que l’environnement se dégrade, le film veut absolument faire passer une idée en recourant au catastrophisme et à certains arguments scientifiques. Or, d’autres savants relativisent la situation, et ce ne sont pas des illuminés comme le dit Al Gore. Il existe des lobbys dans les deux sens. Il ne faut pas prendre tout au pied de la lettre dans un film, mais se renseigner sur le sujet ». Voulait-il par là remettre en question le réchauffement de la planète ou plutôt demander à ce que chacun fasse preuve d’esprit critique ? Les avis étaient partagés, mais cette intervention a permis de donner un coup de fouet au débat.
Ainsi, la réaction vive d’un lycéen, visiblement conquis par le film d’Al Gore, pour expliquer que « le documentaire est incontestable et qu’en un peu plus d’une heure, Al Gore ne pouvait dérouler les explications scientifiques de ce qu’il avançait ». En contre-partie, un professeur de philosophie a relevé que le film montre des bouleversements linéaires et que ce changement rapide, puisqu’il est visible au long d’une vie humaine, appelle des actions urgentes.
Loin de dramatiser la situation, il s’agissait pour ces jeunes de prendre conscience de l’enjeu à venir, à travers un film. « Nous allons vers une véritable crise de civilisation », a déclaré Paul Vergès, espérant que d’autres débats permettront à la jeune génération de s’informer et d’avoir le courage de prendre le problème en main, à commencer par la création de comités de lycéens dans les établissements scolaires, et l’organisation de conférence autour de spécialistes du climat... Pour tracer la voie au développement durable de notre île.

E.P.


Témoignage

Monica Govindin, Conseillère générale du Port

« Il faut que la protection de l’environnement devienne un combat pour tous »

J’ai trouvé le film très émouvant, poignant, prenant. Il nous fait prendre conscience du bouleversement climatique, mais n’entre pas dans le détail des gestes à faire pour changer la situation. Il faudrait que tous les établissements scolaires puissent bénéficier de la projection du documentaire, et s’ils n’ont pas les moyens de payer le cinéma, le documentaire devrait être diffusé dans les écoles. C’est important que les enfants le voient, quand on sait qu’ils ont souvent le pouvoir de convaincre leurs parents.
L’heure est à la réaction et non plus à se demander qui n’a pas agi. Comme on dit souvent, le regret vient après la mort. On ne peut pas dire que rien n’a été fait dans le passé. Des gens ont réagi, mais aujourd’hui, il faut que la protection de l’environnement devienne un combat pour tous, le combat de toutes les générations.
Les projets que la majorité du Conseil régional a mis en place ces dernières années et qu’elle continue à soutenir, c’est-à-dire les éoliennes, l’énergie solaire, le tram-train, rejoignent le message de conclusion d’Al Gore. Il faut agir, que ce soit au niveau politique ou individuel, parce que l’environnement est une question morale. La Réunion n’est pas épargnée par le changement climatique. La détérioration de la barrière coralienne, la pollution, la neige qui tombe, les cyclones violents... Nous sommes témoins de dérèglement climatique.
À ceux qui continuent de nier l’évidence, on peut leur dire que demain ce sera trop tard pour agir. Ce qui m’a marqué dans ce film, c’est cette représentation très forte : celle de la balance, avec d’un côté les lingots d’or, et de l’autre, la planète bleue. C’est de cette façon que le gouvernement se pose le problème de l’environnement. Comme un choix entre les richesses et la sauvegarde de la planète. Or, à quoi peuvent servir ces richesses si l’Homme est menacé dans sa survie ? Bien au contraire, les hommes ne doivent pas se laisser dominer par l’appât du gain. Les richesses, il faut non seulement les dominer, mais aussi les partager.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus