Décentralisation

Rien ne peut se faire dans l’urgence et sans une réelle concertation

Le C.E.S.R. a émis des éléments de réflexion

25 août 2003

Le Conseil économique et social régional (C.E.S.R.) a choisi de ne pas donner un avis mais de proposer des éléments de réflexion sur le projet de loi de décentralisation rédigé par le gouvernement. Raison : l’urgence ne permet ni discussion ni concertation, et le sujet traité, la décentralisation, est d’une grande importance pour La Réunion.

Il n’y a donc pas eu d’avis du C.E.S.R. sur le projet de loi gouvernemental en matière de décentralisation, mais des éléments de réflexion (voir notre édition de samedi/dimanche). Les prises de position des conseillers économiques et sociaux réunionnais ont été fermes. Bernard Box évoquait aussi les "réserves" émises dans plusieurs régions métropolitaines (Bretagne, Pas de Calais, Provence Alpes, Côte d’Azur...) quant au transfert du personnel TOS de l’Éducation nationale vers les collectivités.
Pour sa part, Georges-Marie Lépinay dénonçait les « conditions anormales » dans lesquelles s’est déroulée l’étude de ce dossier, dans l’urgence, laquelle ne se justifie pas car, comme le souligne le CESR, « si ce projet de loi est adopté, il ne prendra effet qu’au 1er janvier 2005 ». Sauf à penser que l’urgence a été mise afin « d’éviter toute véritable concertation ».
Pour Axel Zettor, « concernant l’outre-mer, la décentralisation ne s’inspire pas de la même philosophie selon qu’il s’agit d’un département d’outre-mer ou d’un territoire. Dans le premier cas, il s’agit de rester dans la ligne de la départementalisation de 1946 ; dans l’autre, de favoriser, de permettre une plus grande autonomie et peut-être même un jour l’indépendance comme pour la Nouvelle-Calédonie, qui est de ce point de vue la plus avancée statutairement (accords de Matignon et de Nouméa) ».

La forme et le fond

Pour Ivan Hoareau, le fait d’être à 10.000 kilomètres de la France est un élément qui fait que la décentralisation est plus nécessaire ici qu’ailleurs, car tout ne peut se décider depuis Paris. Et la situation, là, se complique : car si le dirigeant de la CGTR est pour la décentralisation - comme pratiquement la quasi totalité des Réunionnais -, c’est cette décentralisation-là qui pose problème. Tant dans la forme que dans le fond.
Sur la forme, c’est une consultation dans l’urgence, annulant toute possibilité de discussion et de concertation. Ce sont également des avis des Conseils consultatifs peu - voire jamais - pris en compte. Lesquels avis peuvent être des pièges : si l’on donne un avis favorable, le gouvernement peut toujours dire qu’il y avait accord total ; si l’avis est négatif, c’est la porte ouverte pour que le gouvernement dise "vous ne voulez pas de décentralisation".
Mais sur le fond, poursuivait Ivan Hoareau, cette décentralisation-là est mauvaise, « puisqu’elle met en concurrence les régions, les territoires », qu’elle va « permettre le dumping social » et qu’elle va impliquer « la mise en concurrence des salariés ». Ce sont tous ces éléments qui ont motivé son abstention et celui de son groupe.

La réflexion va se poursuivre

Pour Guy Dupont, cette décentralisation « est une étape qu’il faut saisir » car il convient de « s’inscrire dans ce mouvement historique ». Et de demander une clarification entre les compétences de chaque collectivité, une déconcentration réelle des services de l’État, « lacune dans ce projet de loi ».
Soulignant « le grand intérêt » de l’expérimentation, il souhaitait qu’elle se fasse, par exemple « sur la gestion des fonds européens ». Et de conclure : « La Réunion ne peut pas se permettre de ne pas prendre de risques. Sans prise de risque, La Réunion se retrouvera en mauvaise position sur le plan économique et social ».
Toujours est-il que, compte tenu des remarques formulées, des enjeux, les conseillers du CESR ont donc purement et simplement opté non pour la formulation d’un avis, mais la dénomination de leurs productions sous l’étiquette "éléments de réflexion". La réflexion va donc se poursuivre.

Vous avez dit décentralisation ?
Cette question de la décentralisation a de curieuses particularités : c’est un point sur lequel s’accordent un grand nombre de Réunionnais. La convergence est significative, et l’on a rarement vu un dossier sur lequel il y a un tel consensus. C’est plutôt positif. Mais le "hic", c’est que pour parler de décentralisation, le gouvernement... centralise tout. En schématisant un peu, on pourrait dire que la décentralisation est une prise de décision par les instances les plus proches de la population. C’est bien pour cela qu’elle fait l’unanimité. Mais lorsqu’il s’agit d’en discuter, le gouvernement décide seul, depuis Paris.

Ainsi, il décide de la date de consultation. Or, à La Réunion comme de partout dans l’hexagone, le mois d’août n’est pas un mois de forte activité politique. Et c’est bien sûr ce mois-là qu’on choisit pour discuter d’un problème fondamental.
De même, Paris décide de la durée de la consultation : la procédure d’urgence demande une réponse sous quinzaine. Même si le dossier a été à plusieurs reprises évoqué, l’étude - ligne à ligne - du projet de loi est indispensable, vitale. On n’en est plus aux grands aspects, on en est à la phase concrète, où chaque mot a son importance, car il conditionne l’avenir. Et là où il faudrait du temps, le gouvernement met la pression.

Enfin, comment peut-on parler de décentralisation, voire de démocratie de proximité, quand, dans le même temps, on ne tient pas compte des avis formulés ?
En effet, le CESR ne se faisait guère d’illusions, vendredi, quant aux éléments de réflexion qu’il a formulés : ils viendront alimenter une littérature destinée à être lue... par des non décideurs parisiens. Et ces mêmes décideurs parisiens, ce même gouvernement, va-t-il aujourd’hui, prendre en compte, les propositions décentralisées (celles des Conseils régional ou général), ou va-t-il, comme pour la loi de programme pour l’outre-mer, garder le cap qu’il s’est fixé, sans prendre en compte la moindre parcelle de début des réalités réunionnaises ?

Oui, ce dossier de la décentralisation peut être un piège. Reste à savoir comment La Réunion va s’en sortir. Non seulement les TOS mais encore tous les agents de la fonction publique territoriale. Non seulement les Conseils régional et général, mais encore les communes et les communautés de communes.

Énergie : le PRERURE au C.E.S.R.
Court circuit
Si le gros morceau de l’assemblée plénière du Conseil économique et social régional (CESR), vendredi dernier, était le projet de loi de décentralisation, une autre question figurait à l’ordre du jour : le PRERURE, autrement dit le Plan énergétique Régional pluriannuel de prospection et d’Exploitation des énergies Renouvelables et d’Utilisation Rationnelle de l’Energie.

Si le titre est à rallonge, le dossier soumis par la Région ne l’était pas moins. Et vraisemblablement, il était fort technique. C’est probablement cela qui a cassé l’énergie des conseillers pour son étude. Toujours est-il que cela a été l’occasion pour certains de prendre position sur le dossier des énergies, renouvelables ou non. Alain Iglicki, par exemple, qui parlait « d’illusion, d’utopie » quant à l’autonomie énergétique de La Réunion, même si cela « part, de la part du Conseil régional, d’une volonté louable ».
Max Banon de la CGTR-EDF, lui, expliquait « qu’on n’avait pas tout dit dans le dossier qui avait été transmis, ni l’État, ni l’EDF, ni la Région ». Et de poser une question très pertinente : « Quelle politique énergétique ? Quelles missions de service public ? ». Des questions qu’il faudra bien un jour poser, d’autant plus que la privatisation éventuelle d’EDF pourrait avoir de très lourdes conséquences financières pour La Réunion : une possible augmentation soudaine et très importante du prix du kilowatt heure si le fonds de compensation venait à disparaître.

En effet, le coût de production et de distribution de l’électricité est plus élevé à La Réunion (et dans les DOM) qu’en France : ce sont près de 2 millions de francs qui sont ainsi pris en charge annuellement par ce fonds, au titre de l’égalité devant le service public. Et ce n’est qu’une partie du problème. Un concours de circonstances (une demande de suspension de séance posée par Max Banon, un quorum non atteint) a fait en sorte que l’assemblée plénière a été suspendue. En clair, aucun avis n’a été prononcé. Et il est bien évident que ce dossier - le PRERURE mais aussi le dossier de l’énergie - reviendra à l’ordre du jour. Reste à savoir si les commissions auront toutes le temps de lire le dossier PRERURE, ou si elles formuleront un avis sur un avis formulé par une autre commission de ce même CESR.


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