’Un aller simple pour Maoré’ : Le brûlot !

2 juin 2008

Vous aurez compris que mon "Télédécryptages" est pour le moins exceptionnel et pour cause... Il est des moments où il faut faire des choix, il en de même pour les programmes télé (voir page 15).
Fin septembre 2005, François Baroin ministre de l’Outre-mer en visite à Mayotte, soulève un débat autour de l’application du droit du sol. Un tiers des 160.000 habitants de l’île française sont des clandestins et 85% des naissances leur incombent. Voilà le constat vu par un ministre de la République qui n’a pas conscience de l’histoire. Dans l’émission de Laurent Ruquier "On n’est pas couché" diffusé en différé ce samedi 31 mai 2008 sur Télé Réunion, François Baroin réitère ces propos avec l’appui du journaliste d’ultra droite Eric Zemmour, une nouvelle fois personne ne moufte et cela passe comme une lettre à la poste. François Baroin ré-insiste sur les dangers d’une immigration massive des comoriens sur un territoire français. Personne n’a relevé ni relève le caractère xénophobe de ce petit morceau d’émission. Alors, l’ensemble des invités est tout sourire et ce qui est plus grave tout le monde est ébahi par la force de caractère et le « courage » d’un homme de "conviction" ! On aurait presque envie de dire fermer le ban, si ce n’est qu’une nouvelle fois en métropole, dans un Talk-show on traite de politique par-dessus la jambe sans même se renseigner. Laurent Ruquier en amuseur public est très bon, mais lorsque le clown veut se faire intervieweur politique, là le bât blesse.
En effet, lorsqu’on veut intervenir sur un sujet, on se renseigne. Si Monsieur Ruquier avait le job de journaliste pour lequel il n’est pas fait, il se serait informé et il aurait pu se rendre compte que l’ancien ministre de l’Outre-Mer raconte n’importe quoi. Comment peut-on dire qu’une immigration massive comorienne vers Mayotte est un danger pour cette île Française ? On peut ergoter sur la situation de l’archipel de la lune et dire qu’il s’agit d’un imbroglio inextricable, mais dire que des Comoriens qui se rendent à Mayotte et qui y résident sont des clandestins, c’est pousser le bouchon un peu loin et c’est surtout remettre en cause ses propres paroles. Si on applique une nouvelle législation sur le droit du sol, immanquablement il ne demeurera que le droit du sang et alors là, il faudra m’expliquer comment rejeter à la mer des femmes et des hommes qui sont d’un même peuple, d’une même région et le plus souvent d’une même famille. L’intervention de François Baroin dans cette émission de divertissement est une nouvelle fois inappropriée et ce qui m’apparaît le plus triste, c’est de voir un journaliste qui me semblait un peu moins corne-cul qu’Eric Zemmour se fourvoyer dans ce tissu de propos mensongers proférés par l’ancien ministre et ce journaliste c’est Eric Naulleau. Il est dommage que ce dernier soit resté dans un sourire béat sans réagir. Alors je me dis qu’il faudrait peut-être envoyer à ces trois comparses une cassette du formidable documentaire que nous verrons ce soir sur Télé Réunion et qui s’il n’apporte pas de solutions, rétablit des faits dans ce drame qui se joue chaque jour aux Comores.
Véritable brûlot, "Un aller simple pour Maoré" (Mayotte), diffusé ce soir à 20 heures sur Télé Réunion, raconte comment la France a mis la main sur l’archipel des Comores. Une enquête exceptionnelle qui éclaire le destin de gens plongés dans la misère par des stratégies géopolitiques peu reluisantes. La réalisatrice, Agnès Fouilleux, raconte :
« Mayotte possède des plages de rêve. Leur seul défaut : des cadavres viennent régulièrement s’y échouer. Depuis 1994 et l’instauration par le gouvernement Balladur de visas pour les ressortissants comoriens - au mépris des résolutions de l’ONU, on estime entre 4.000 et 5.000 le nombre de migrants disparus en mer en tentant de rejoindre Maoré. Ceux qui y sont arrivés se sont installés dans cette possession française où ils représentent un tiers de la population. Exploités mais indispensables à l’économie de l’île, ils sont les victimes d’une histoire qui exhale les pires relents de la Françafrique ». Une chose est tout de même bizarre, c’est pourquoi RFO a attendu si longtemps pour nous faire découvrir ce documentaire ? "Un aller simple pour Maoré" est une auto-production réalisée en 2007. La réalisatrice n’avait pas trouvé de télévision pour le diffuser après maintes péripéties. Ce documentaire n’a pas non plus bénéficié des subventions du CNC ni de la région Rhône-Alpes présidée par Jean-Jacques Queyranne, ex-ministre de l’Outre-mer qui avait fait modifier en 2000 le statut de Mayotte vers un plus fort ancrage à la France (qui reste illégal pour l’ONU).
Finalement, France Ô a diffusé ce documentaire le lundi 14 avril 2008 et c’est seulement début juin qu’il est diffusé chez nous, même si c’est une bonne nouvelle que de le voir enfin sur nos petits écran, ce laps de temps qui sépare les deux programmations n’en demeure pas moins révoltant, "Un aller simple pour Maoré" est depuis longtemps en possession des programmateurs de la station du barachois et on est en droit de se poser la question de savoir si cette rétention est due à des manoeuvres politiques ou si plus simplement les programmateurs de RFO n’ ont aucun sens des priorités. Quoi qu’il en soit la programmation de ce film mérite qu’il ne passe pas inaperçu et il serait bon que des débats s’ouvrent après pour qu’enfin le drame comorien soit mis sur la table et que les acteurs majeurs de cette crise, notamment le gouvernement français, soient mis face de leurs responsabilités.

Philippe Tesseron
http://tesseron.blogspace.fr/

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  • COMORES / FRANCE : A QUI PROFITE LE CRIME ?

    « Le secrétaire d’état français à l’Outre-mer, Yves Jego, avait dit que le président comorien Sambi avait donné "son accord de principe" pour la reprise des rotations de deux bateaux en vue de reconduire les immigrés clandestins aux Comores. »

    Plusieurs familles comoriennes sans papiers français ont été arrêtées chez eux dans le quartier Kardjavindza à Ongojou (Mayotte), mardi 27 mai 2008 dans la matinée par la gendarmerie nationale, guidée par des gardes-champêtres qui connaissent toutes les familles de ce petit village. Ces personnes travaillaient depuis longtemps dans les champs ou vendaient des produits vivriers au petit marché de ce village. Elles étaient connues par tous les habitants, elles étaient bien intégrées, leurs enfants allaient à l’école et tout se passait très bien selon plusieurs habitants choqués par les méthodes musclées de la gendarmerie.
    Elles sont sûrement en ce moment dans le centre de rétention "indigne de la République" selon la CNDS, en attendant d’être expulsées vers Anjouan l’île la plus proche de Mayotte par le bateau Maria Galanta qui va reprendre ses rotations Mayotte – Anjouan vendredi prochain, après avoir été interdit de mouiller dans les ports comoriens suite à des nombreuses violations des eaux territoriales des Comores.
    Ces personnes ayant leurs attaches familiales et professionnelles à Mayotte, vont tenter de revenir en " kwasas-kwasas " (barques de fortunes – voir photo-) et parmi elles, beaucoup vont laisser leur vie dans le bras de mer qui sépare Mayotte des autres îles de l’archipel (appelé aussi " Plus grand cimetière de l’Océan Indien ") : Voilà une autre façon de réduire le nombre des « clandestins » à Mayotte.

    Dans la nuit de lundi 3 à mardi 4 décembre 2007, une collision entre une vedette de la police aux frontières et une embarcation ’kwassa kwassa’ avait fait plusieurs morts et disparus. Parmi ces victimes beaucoup tentaient de revenir à Mayotte après avoir été expulsés vers Anjouan par l’administration française. « L’enquête suit son cours comme d’habitude ». A qui profite le crime ?

    F. NAIL

    Source : http://wongo.skyrock.com/

    Voir en ligne : COMORES / FRANCE : A QUI PROFITE LE CRIME ?

  • Avant de commencer, Mr F.NAIL : Il me semble que tu t’es un peu écarté du sujet de départ. Moins de copier-coller, et plus d’opinions personnelles seraient un plus au débat. Si tu vois ce que je veux dire...

    Pour le film : Je suis un des rares mahorais (avec 5 camarades) à aller le voir en salle. C’était le 28/10/09 à Ciel !Les Noctambules, St-Etienne. Je comptait ensuite participer au débat avec la réalisatrice, mais elle n’était finalement pas venue. Je me suis retrouvé dans un débat assez violent avec l’association Survie (lutte contre Françafrique, Néocolonialisme) et d’autres curieux (une 30taine dont une journaliste du quotidien La Tribune). Des gens qui découvraient pour la première fois le fond du problème qui sévit au Comores. 70% d’entre eux n’ont été informé que via ce film. Un film à charge. Pourquoi ?

  • Je partage en grande majorité les principaux messages du film. Le droit à une égalité dans les traitements liés à la santé une fois à Mayotte, l’arrêt enfin de ce comportement "quasi coloniaste, ou mauvais colonisateur" de la France, l’arrêt donc de ces drames en mer, plus de fraternité de la part des mahorais vis à vis des autres comoriens sur leur île, arrêt du travail (au noir) pas ou mal payé (qui au passage nourrit leurs familles, et préjudiciable à la Collectivité)...

    Mais, le militantisme d’Agnès Fouilleux l’a poussé à réaliser un documentaire 100% à charge. C’est son droit après tout. Mais il y a des scènes qui sont carrément aberrantes car complètement éloignées de la réalité. J’ai passé mes 19 premières années à Mayotte, et cette réalisatrice m’apprend qu’à partir des années 2000 les mahorais sont passés de "xénophobes" à "racistes". C’est carrément n’importe quoi, ce n’est pas une action isolée et d’ailleurs condamnable d’un maire qu’on peut faire des amalgames. J’ai des amis anjouanais et on s’entend très bien. La réponse est que depuis près de 15 ans, la venue des autres comoriens a été massive et comme dans toutes les autres régions du monde qui n’ont pas assez de moyens d’accueil, certains mahorais ont perdu "patience". Devant les autorités qui ne réagissent pas, ils ont "borné l’hospitalité " d’antan. Agnès Fouilleux, arrête les caricatures. On est pas racistes ! C’est trop dire d’employer de tels termes avec au passage des témoignages émouvants pour en faire un documentaire objectif. Sur ce côté, je comprends que RFO a tardé la diffusion.

    Egalement, au Comores une chose reste à retenir, les faits historiques ne sont partagés et acceptés par tous. L’Histoire est écrite, racontée et arrangées selon le parti où on milite. Dans cette perspective, jusqu’à quel degré on peut prendre les témoignages orales unilatéraux (qui se contredisent) comme "source". Sur ce coté là, en voulant être émouvante tu as procédé à une démarche qu’un sociologue ou historien indépendant que saurait tolérer. Surtout si à cela le seul intervenant est Pierre Caminade (de l’association Survie qui débattait avec moi à la fin de la diffusion). J’ai acheté son livre exposé en fin de soirée, et je suis pas d’accord avec certains de ces détails.

  • Agnès Fouilleux a choisit de faire un documentaire-off. C’est une démarche que j’apprécie. Seuls les intervenants (au passage que elle - elle a choisi-) parlaient. Devant tant de problèmes on ne peut être que muet. L’image parle d’elle même. Mais en choisissant de donner la parole qu’ à certains, qu’à un seul camp, pour plus d’émotions, appuyée par les images d’archives, on se demande si cela pourra vraiment faire changer les choses si ce n’est, faire de la désinformation (70% des métropolitains qui regardaient le film, qui ne connaissaient pas les Comores, Mayotte, ont été informés là). Je comprends que tu n’avais pas un budget élevé, mais tout de même.

    Pour finir, un détail a complètement failli me faire vomir Melle Fouilleux. Tout au long du film elle diffuse des extraits de chansons de Latéral (chanteur mahorais militant à ces heures perdues, mais pas très tendre non plus vis à vis des anjounais qui vendent au noir ces albums au marché de Mamoudzou à des touristes pour un prix vachement pas concurrentiel). Il a fait une chanson sur les anjounais (immigration/Kwassa et travail au noir). Mais vers la fin du film on attend cette autre chanson : "Ile trini bazari valé, ila tsama wo..." (traduction : Qu’est-ce qu’on aperçoit au marché, de la saleté...". Dans cette chanson (tous ses interviews l’attestent) Latéral parle d’environnement : le marché est sale, pas entretenu (normes) malgré les fortes taxes, et malgré son emplacement frontal dans la ville. Mais Agnès fouilleux traduit "Qu’est-ce qu’on voit au marché, des saletés (=anjounais)...". Elle a subtilisé cet extrait pour incriminer les mahorais d’être "racistes". Tu as été complètement à coté de la plaque. En voulant à tout prix être émouvante ton documentaire comporte quelques ratés monumentaux. J’en ferai part à Latéral, en espérant que tu as payé les droits d’auteur.

  • Ce film a été réalisé avant 2007, fin du règne Chirac, donc avant l’affaire Mohamed Bacar qui a vu manifester les anjounais de Mayotte dans les ruelles de Mamoudzou. Des manifestations violentes qui n’avaient épargnés personnes. Même les métropolitains ont été traqué. Des métropolitains qui demandaient aux mahorais plus d’hospitalité si ce n’est plus de fraternité vis à vis des autres comoriens vivant à Mayotte. Beaucoup de ces métropolitains choqués, ce sont dits "Quand même, si des mahorais perdent patience, ils n’étaient pas pour autant "déviants". Peut-on alors affirmer que ces métropolitains sont devenus "racistes" car ils ont trouvé ces anjounais casse-pieds ? Non. Alors les mahorais de même. Agnès Fouilleux je t’invite à faire une suite (car des problèmes, drames persistent) mais en menant une démarche de terrain objectif et construite. Indépendante. Tu parcours le monde, pour capter les instantanés des régions sensibles. Je comprends c’est un choix d’être réalisateur-militant. Mais si on opte pour quelques mises en scène amateurs doublées d’un montage simpliste, le coté objectif de la bestiole ne fait pas assez écho.

    J’ai toujours été militant. J’ai beaucoup d’amis anjouanais dont l’entente est très cordial. Je partage certaines de tes critiques. Je trouve seulement que tu fais un excès d’amalgames. Alors que penseraient ceux qui sont à Mayotte et qui au quotidien militent à ce que les choses changent.

    Pour le débat à Ciel !Les Noctambules, il s’est bien fini. J’ai juste fait comprendre qu’il est très facile de critiquer, violement, mais devant un problème aussi grandiose, il faut aussi attribuer à chacun ses responsabilité (France, mahorais, Comores, comoriens), voila. Ils est dangereux de projeter un tel doc dans les salles de France et de dire ça c’est Mayotte, c’est ça les mahorais. Il y a encore beaucoup à dire, mais bon, je ne peux pas faire 10 pages sur le site.

    Amis comoriens, mettons fin à tous ça, la violence ne sert à rien. Débattons, nous trouverons les moyens pour régler tous ça. Ce n’est pas une réalisatrice amateur qui viendra foutre la haine entre nous, avec sa charge audiovisuelle unilatérale. Ce n’est un gouvernement français qui pourra arrêter un mouvement de paix et de fraternité. Peace.
    Et le Love découlera.

    Mouhamadi. Etudiant mahorais militant et Indépendant.


Témoignages - 80e année


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