Culture et société

Un ’kabar téat’ pour le quartier Girofles

Alliance de la compagnie Acte 3 et des habitants d’une R.H.I. à Saint-Benoît

3 septembre 2003

Samedi soir, la compagnie bénédictine Acte 3 de Lolita Monga clôturait plus de 6 mois de collaboration avec le quartier des Girofles, qui bénéficie d’une opération de R.H.I. (Résorption d’Habitat Insalubre).
Un "kabar téat" avec les habitants du quartier était présenté dans le jardin des girofliers avant d’annoncer un "bal la poussière" avec l’orchestre en cuivre des gramoun "Toussaint" de Sainte-Rose.
Durant toute la semaine, le théâtre de proximité a donné des preuves publiques de sa réussite au travers de diverses manifestations : mariage symbolique de la compagnie avec le quartier en mairie (voir "Témoignages" du 28 août), lecture de la pièce "Marco Valdo" au club bénédictin, animation par les enfants du Médiabus dans le quartier Girofles et enfin exposition photos de Laurent Zitte dans le local du quartier Girofles.

"Travèrse lamour pou giny ariv an o"

Après un défilé en comité restreint de l’orchestre Toussaint samedi soir dans ce même quartier, place au téâtre avec "Zistoir bonhomme Célestin dit 3 pièces", adaptation créole de la pièce d’Italo Calvino, "Marco Valdo".
Les protagonistes : des femmes toutes vêtues en rouge "malbar" pour donner plus un air de fête à la soirée. "Sipio, Célestin, dé soulyé ou encore 3 pièces", sont tous quatre le même personnage dans des histoires différentes.
"Sipio, in boug bandé / la mizik li koné, li travèrse la kour, son gitar dési son do / travèrse lamour pou giny ariv an o…", entonne mélodieusement Nathalie Natiembé en préambule de "Marco Valdo péi".

"Avan ou koz…"

Les femmes, fidèles à l’ambiance créole, se parlent en se chahutant - "domoun y yèm okipé" - pour raconter l’histoire de "Célestin trois pièces". C’est Any Grondin, la conteuse, qui ponctuera le spectacle auprès de ses copines.
Un jour, alors que Célestin se retrouvait en mer pour pêcher, après une belle prise, il retourne chez lui en découvrant - à la place de sa case - une maison à deux étages. Là, une fiancée - "in madam mikro-ond, masine a lavé ansanm" - l’attend sagement chez lui. "Lo koméraz lantouraz" se pose des questions sur le nouvel enrichissement de ce voisin. Vient alors une personne richissime qui l’invite à boire pour connaître son secret.
C’est la pêche miraculeuse "d’une reine poisson" qui l’aura couvert de trésors. Après avoir trouvé un costume 3 pièces dans son armoire (son rêve), Célestin revient chez lui, le bec dans l’eau, sa maison disparaît pour son "dé fèy latanié …". Moralité : "avan ou koz, fo tourn 7 fwa out lang dann out bous…".
Parmi les autres histoires de Célestin, il y a celle où il devient tisanier, "zèn zan kranèr sanm son kostim pou alé vwar son fiancé dési Sin-Déni en prénan lo kar kouran dèr" ou encore celui où il devient sauveur de "tang". Arrive ensuite sur scène quelqu’un qui a connu de près Silvio/Célestin et qui démentira le "la di la fé" : Célestin, buveur d’"rak".

La vraie identité de Célestin

Daniel Honoré, en grand conteur, nous dévoilera la vraie identité de Célestin. En fait, "dann tan lontan", tout le monde avait un "ptit nom gâté". Pour Célestin, c’était celui de "Dé soulyé". Pourquoi ? Parce-qu’il était le seul dans tout Saint-Benoît à porter des souliers confectionnés grâce à des roues de "loto" et des chambres à air pour les deux lanières. Depuis, 50 ans après, il a lancé cette mode auprès des femmes qui portent désormais des chaussures à lanières.
Mais, dans le quartier Girofles, un beau matin, le facteur débarque dans la boutique de "Positron", où se trouvait "Séga lo pus" (tous des surnoms), pour savoir qui était monsieur "Du Ruisseau de la Mare". C’est là, que Jean-Sylvestre du Ruisseau de la Mare se révèle être Célestin. Pour faire honneur à son "non la noblès" datant de plusieurs générations, Célestin voulut garder sa fierté et se démarquer en réalisant ces "2 soulyé". "La zénérasyon du Ruisseau de la Mare, lavé dégréné", raconte Daniel Honoré. Aussi, pour "gardé un pé la otèr", Célestin portait ses souliers et se refusait de boire du rhum.

"Kosa in soz ?"

Toute l’assemblée applaudit et comprend désormais les déboires de ce fameux Monsieur du Ruisseau de la Mare. Mais une pièce racontée par Daniel Honoré et ses compères ne pouvaient se terminer sans les "Kosa in soz ?"
"Tik tik dann kwin (balyé)
Vol o van, vol o van, sak lé nwar séra blan (la farine)
La zourné mi pendy, la swar mwin lé rèd dann trou (la klé)…"
, répondent en chœur le public. Des devinettes où Célestin deviendra le spécialiste et aura pour dernier surnom "Zé dé mo".
Un "kabar téat" réussi, des spectateurs ravis et bercés par les odeurs de grillades, des habitants du quartier transformés en comédiens en herbe et qui ont su effacer la présence des professionnels. Le tout couronné par un "bal la poussière" des plus festifs avec les gramouns "Toussaint".


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