Le Tampon

Un projet contesté

La Plaine des Cafres effacée par la Plaine des Volcans ?

3 avril 2003

Nous avons vu hier que la délibération votée lundi dernier par le Conseil municipal du Tampon pour un ’referendum d’initiative locale’ sur le changement du nom de la Plaine des Cafres en ’Plaine des Volcans’ fait débat. Dans la commune même, voire au sein de la majorité municipale, mais également ailleurs dans le pays. (voir dans ’Témoignages’ de mardi la réaction de l’association Rasine Kaf) Des voix s’élèvent pour protester tant devant le caractère expéditif et non démocratique du projet que contre ce qui lui sert ’d’argument’.
Certaines personnes affirment qu’il s’agit d’« un projet présenté dans la précipitation ». D’autres considèrent que si un ’referendum d’initiative locale’ doit avoir lieu sur le sujet, il doit permettre à tous les Réunionnais de s’exprimer sur la question.
En effet, ces personnes estiment qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème ’tamponnais’ ni même uniquement ’cafriplainois’, et encore moins d’un débat politicien entre ’majorité’ et ’opposition’ de telle ou telle étiquette. Il ne s’agit pas non plus d’un simple problème touristico-économique voire financier.
Il s’agit à la fois d’un problème réunionnais, qui concerne tout notre peuple, et d’un problème politique de fond, qui concerne l’Histoire et l’identité réunionnaises, avec leurs caractéristiques propres et leurs richesses assimilables à aucune autre. Et la politique touristique menée à La Réunion ne peut que s’inscrire dans une telle perspective.
On lira ci-après quelques réactions recueillies par ’Témoignages’ auprès de Tamponnais sur ce débat ouvert…

• Philippe Berne, conseiller régional

« C’est très démagogique ! »

Il est difficile de comprendre une argumentation construite sur le thème "Cafre, ce n’est pas touristique". Pour nous c’est une fierté ! C’est toute l’Histoire du marronnage… Qu’est-ce qu’on va leur dire aux touristes, si on ne leur raconte pas cette Histoire là ?
Ce n’est pas la première fois que le maire du Tampon change le nom d’un site. Il a changé le "27ème" en "Bourg-Murat" : dans ce cas, on peut trouver que cela personnalise davantage le nom du quartier, même si le choix de la personne a été discuté. Mais pour la Plaine des Cafres, le changement me paraît très démagogique

• Thierry Bertil, auteur-acteur de l’association "Percale"

Granguignolesque

Cette idée de changer le nom de la Plaine des Cafres me paraît granguignolesque. Je n’en vois pas la nécessité… Il y a des raisons - historiques ou autres - à ce nom qui a été donné autrefois. On touche là à un problème identitaire, portant sur quelque chose (un nom, un site) que les gens s’approprient.
Après vient le questionnement : pourquoi changer ? Pour laisser son nom dans l’Histoire ? Même en supposant que ce soit pour une bonne raison, changer un nom touche à l’Histoire et à l’affectif.
Et puis, le volcan est à tous : pourquoi en faire une affaire tamponnaise ? Si les touristes ne s’y retrouvent pas, c’est peut-être simplement une question de signalétique. Pas un problème de nom…
Changer ce nom touche à trop de choses. Je ne comprends pas et je n’y suis pas favorable.

• François Gonthier, artiste de la compagnie "Pat’Jaunes"

« La "Plaine des Cafres", j’y tiens ! »

On peut se dire que si c’est pour un enjeu économique, cela peut apporter quelque chose. Mais la Plaine des Cafres restera toujours la Plaine des Cafres. Je n’aimerais pas qu’on nous appelle Spok ! [boutade inspirée du personnage de vulcanien dans "Startrek"].
J’y tiens, à ce nom, la Plaine des Cafres. Ça sonne dans mon enfance et dans tous mes souvenirs. Je ne vois pas la nécessité de le changer et ça me fait même un peu de peine.

• Yves Picard, gîte du volcan (Sainte-Rose)

« Laisser choisir les habitants »

C’est sérieux ? Concernant le nom d’un quartier, c’est aux habitants de se prononcer : ceux du village et les autres aussi, même si je ne pense pas qu’ils aient autant envie que ceux du quartier de donner leur avis. Le mieux, c’est de laisser le libre choix à la population.
Changer un nom, comme cela… il y a peut-être un côté positif, mais pour les gens, cela pourrait être gênant.

• Éric-Antoine Boyer, association "Véli"

« Des arguments spécieux »

Comme si les Cafres n’avaient pas le droit d’exister ! Ils appartiennent au patrimoine de La Réunion. Est-ce qu’ils ne sont pas assez blancs ?
On s’est demandé un moment avec quelques amis si c’était un poisson d’avril… mais non hélas !
Ce qui me déplaît profondément, c’est cette façon d’effacer l’Histoire de La Réunion et une partie de notre héritage. Quand les gens vont visiter les volcans en Auvergne, ils ne demandent pas qu’on change les noms des Gaulois qui ont perdu les batailles.
Les arguments du maire me paraissent spécieux. Pourquoi ne pas aller jusqu’à débaptiser tous les noms de marrons laissés dans nos montagnes ?!


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus