Loi-programme

Une étape incontournable : expliquer les défis réunionnais

Avant l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale et au Sénat

17 mars 2003

« Désormais, tout est entre les mains des parlementaires », écrivait "Témoignages" dans son édition de vendredi, en expliquant que, tout comme l’avant-projet, le projet de loi-programme du gouvernement pour l’outre-mer reste insuffisant. Insuffisant pour surmonter les défis que va connaître notre île dans les 15 prochaines années.
On peut supposer que la totalité des parlementaires réunionnais sont convaincus de l’importance de ces défis. La question est de savoir comment ils vont les présenter à leurs collègues parlementaires, car ceux-ci ont fréquemment de l’outre-mer une approche caricaturale. Souvent à cause du regard jeté par certains média. Dans le meilleur des cas, cette approche des parlementaires est incomplète, justement par manque d’informations sérieuses.
Il n’est pas rare de voir la presse en France publier des articles sur les DOM. Mais lorsqu’elle le fait, elle emprunte toujours les mêmes voies : d’un côté, c’est la version "carte postale" : les plages, le sable, les jolies femmes, le soleil etc. De l’autre, ce sont les faits divers : les émeutes, les cyclones, les catastrophes en tous genres.
Et dans tous les cas, il y a une sorte de jugement de valeur, du style : "il y en a qui ont de la chance de vivre au soleil". Avec toujours cette même idée de comparer la situation outre-mer avec celle qui prévaut en France.
Vision d’une Guadeloupe « sans le sou, confrontée, comme la métropole, au mal-être d’une partie de sa jeunesse » pour reprendre une phrase d’un journaliste. Lequel poursuivait : « Par endroits, on se croirait à la Jamaïque ou en Haïti. C’est pourtant la Guadeloupe, département français ».
Parlant d’un bidonville antillais, un journaliste écrit : « Pas de planches, cette fois, mais du béton, tant de béton que le paysage évoque davantage la Seine-Saint-Denis que les Antilles »... Il poursuit : « Ici aussi, on "nique la police", c’est écrit sur les murs ».
D’autres expliquent : « Cette jeunesse n’est pas perdue : elle a les mêmes angoisses qu’en métropole. (...) Les problèmes sont ni plus ni moins ceux des banlieues de Paris ou de Lyon ». Une jeunesse qui souvent est perçue comme produisant des toxicomanes, des adolescentes enceintes, des gamins en rupture familiale, des délinquants en quête de réinsertion à leur sortie de prison. Le côté négatif est toujours soulevé : « Mais la drogue (crack, cocaïne, cannabis) n’est pas le seul fléau de l’époque. (...) L’alcoolisme touche un nombre croissant de mineurs ». Quant à cette phrase sur la jeunesse, elle ne peut que susciter une colère contenue : « Ceux qui n’en ont pas les moyens - ou la volonté - restent sur place. Ils vivent d’allocations (le RMI à partir de 25 ans) et deviennent ce qu’on appelle ici des "jobbers", des employés non déclarés qui vont de petits boulots en petits boulots ». Le mot "jobbers", utilisé dans le projet de loi-programme du gouvernement, est donc emprunté au vocabulaire antillais.
Pour bien des journalistes en France, le malaise outre-mer est palpable. Mais la présentation qu’ils en donnent n’est pas la plus percutante : il y a certes des faits, des chiffres, des réalités, mais qui s’expliquent par une Histoire, des histoires et qui, elles, ne sont jamais évoquées. De plus l’accent est rarement mis sur les séquelles - ou les survivances - de la période coloniale dans la situation d’aujourd’hui. Quant aux actions menées dans les pays d’outrer-mer par les peuples de ces pays et par leurs représentants pour résoudre leurs problèmes, il en est aussi rarement question dans les médias en France.
D’où une grande part d’erreurs et de méconnaissances, lesquelles s’insinuent dans les mentalités des lecteurs. Notamment des parlementaires. D’où l’intérêt d’expliquer une situation présente, en l’éclairant du passé ; ce qui ne sera pas superflu pour permettre de saisir l’avenir.


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