Décentralisation

Une réforme doublement hypothéquée

Avant même son vote et sa mise en application

27 août 2003

Les Conseils régional et général de La Réunion sont appelés aujourd’hui à donner leur avis sur le projet loi de réforme de la décentralisation. Et la procédure est demandée en urgence, puisque le gouvernement compte soumettre son texte au parlement... au mois de septembre. Ce projet de loi vise à organiser les transferts de nouvelles compétences vers les Régions, les Départements et les communes.
Mais avant même qu’elle ne soit votée, donc avant même qu’elle ne soit mise en application, cette réforme est doublement hypothéquée à La Réunion. En effet, les principes fondamentaux de la réforme ne seront pas respectés : ni la mise à égalité entre collectivités de la République ni la mise à niveau entre fonction publique d’État et fonction publique territoriale.
Les raisons sont simples : 75% du personnel des collectivités locales de l’île est constitué de contrats précaires (CES, journaliers communaux), ce qui interdit à La Réunion de bénéficier pleinement de ces principes. Pour le PCR (voir notre édition d’hier), la mise en œuvre de la réforme passe par un préalable : le règlement de la question du personnel des collectivités locales, principalement des communes.

Multiplication des impasses

Lors de la conférence de presse qu’ils ont donnée lundi dernier, les responsables du Parti communiste réunionnais notaient que les deux problèmes sociaux liés à l’actualité - la question des CES et celle des journaliers communaux - « illustrent parfaitement une caractéristique de la situation réunionnaise, celle qui voit se multiplier les impasses ».
Des impasses clairement dessinées par Élie Hoarau et parmi lesquelles on peut souligner celle qui fait que toute réforme, toute politique imaginée à partir de Paris ne peut s’appliquer ici.
Cela s’est avéré juste pour bien des réformes précédentes et cela le sera encore pour le projet de loi portant sur la réforme de la décentralisation. Ce texte est soumis aujourd’hui à l’avis des Conseils régional et général, après avoir été étudié par les Conseils consultatifs (CESR et CCEE) (voir "Témoignages" de samedi et lundi derniers).

Le personnel de l’Équipement

Pour l’instant, à La Réunion, la question de la décentralisation a été posée en termes de transferts de personnels. La question du transfert des ATOS - puis des seuls TOS - a pesé ici sur les débats. Or, d’autres dispositions incluses dans le projet de loi gouvernemental sur la décentralisation vont soulever des réactions similaires, puisqu’il est question, dans le texte soumis aux collectivités, du transfert du personnel de la DDE.
Celui-ci s’inquiète des conséquences du transfert des routes nationales aux Départements pour l’Hexagone et à La Réunion, vraisemblablement, au Conseil régional.
Toujours à la DDE, le personnel qui travaille dans l’enceinte portuaire ne semble pas, lui non plus, favorable au transfert de la gestion du port au Conseil régional. Des mécontentements peuvent donc resurgir ou apparaître ici et là. Et peser, à nouveau, ainsi sur les débats.

Question d’égalité

Ce projet est, rappelons-le, au cœur de toute la politique voulue par le Premier ministre. Jean-Pierre Raffarin en avait fait sa priorité. Or, dans les textes soumis ce matin aux deux assemblées réunionnaises, le gouvernement précise ses orientations.
Pour lui, la décentralisation doit s’accompagner d’un processus d’égalité territoriale, où chaque collectivité doit se retrouver "au même niveau" que ses homologues : ce principe est valable pour les régions, les départements, les communautés de communes (ou d’agglomération) et les communes.
En clair, le gouvernement mise la réussite de sa décentralisation sur la valorisation des collectivités territoriales et de leurs personnels. Cela passe, selon lui, par le fait de faire des efforts pour rendre ces personnels plus qualifiés, plus performants. Le tout en restant dans le cadre fixé qui est, rappelons-le, la mise à égalité entre la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale.
La démarche gouvernementale fait craindre à certains, une sorte de privatisation rampante de plusieurs secteurs de service public. C’est un débat. Mais il y en a un autre qui se pose de façon tout aussi cruciale : quelles conséquences de la mise en application de la réforme à La Réunion ?

Et à La Réunion ?

On ne peut que se poser des questions : comment compte-t-on faire la décentralisation ? c’est-à-dire comment compte-on mettre en œuvre une égalité entre collectivités quand les communes emploient, pour 75% de l’effectif global, des emplois précaires ? Va-t-on faire, à La Réunion, une égalité par le bas ? Va-t-on aligner les régimes du personnel communal, par exemple, sur celui des CES ? Va-t-on ramener tous les traitements au niveau du SMIC ? Les 13.000 journaliers communaux, les 12.000 CES accomplissent tous des tâches de service public. Est-ce à eux qu’on demandera d’appliquer la réforme ?

Une situation très spécifique

La réforme qu’envisage le gouvernement, repose, on l’a dit plus haut, sur une mise à égalité entre fonction publique d’État et fonction publique territoriale.
Or La Réunion connaît une situation très spécifique en la matière.
Premièrement, elle est le département français qui comporte le plus d’agents non titulaires. 75% d’agents - hors CES - non titulaires (soient 14.185 sur 20.429 en 1998) alors qu’en France métropolitaine, ce taux ne dépasse pas les 30%.
Deuxièmement : 16% du personnel des collectivités locales a le niveau bac contre 46% pour la fonction publique d’État.
D’autres points spécifiques seraient à soulever.

Un préalable

Le PCR l’a clairement laissé entendre lundi : la réforme de la décentralisation est ici, à La Réunion, dès le départ, avant même son vote, quelque peu "hypothéquée". Car son postulat de base - à savoir l’égalité des collectivités entre elles, d’une part, entre les fonctions publiques, d’État ou territoriale, d’autre part - ne sera pas respecté.
Comme le soulignait lundi Élie Hoarau, le préalable à la réforme de la décentralisation - avant même que l’on ne débatte de son contenu - passe par le règlement d’un certain nombre de questions :
- Celle du personnel communal.
- Celle des CES.
- Et comme il l’avait dit lors de l’assemblée générale du PCR, le dimanche 20 juillet à la Halle des manifestations du Port, le règlement du dossier des emplois-jeunes, y compris des aides éducateurs.


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