Emploi

Une volonté unanime de ’rompre’

Étude du C.E.S.R. "Pour un dispositif répondant aux besoins à La Réunion"

4 avril 2003

Le Conseil régional a saisi le Conseil économique et social régional sur un document qu’il avait rédigé et s’intitulant "Pour un dispositif spécifique en faveur de l’emploi à La Réunion". Le CESR vient de publier l’analyse qu’il a faite de ce document, après avoir interrogé des personnes ressources, organismes, structures diverses.
La première partie de ce travail (voir notre édition d’hier) a présenté l’analyse faite sur ce document, tant en termes de bilan que de perspective à long terme. Après avoir souligné « l’insuffisance des dispositifs actuels », les personnes interrogées se sont prononcées sur l’idée d’un « dispositif spécifique à La Réunion ».
La deuxième partie du travail réalisé par le CESR, que nous présentons aujourd’hui, contient les propositions en faveur d’un nouveau dispositif pour les emplois aidés, telles qu’elles ont été formulées par les personnes interrogées.

• Création d’une structure de gestion des emplois aidés

Quel que soit le nom proposé (Agence de l’économie sociale ou Comité départemental - voire régional - pour l’emploi), l’idée reste la même : « regrouper la gestion de tous les emplois aidés dans une même structure ». Celle-ci aurait pour mission « d’examiner et de valider les projets présentés par les collectivités et structures publiques et privées, d’affecter les emplois aidés sur les postes, d’assurer le suivi des formations, de procéder aux contrôles nécessaires ». Quant au financement envisagé, il proviendrait de la « mutualisation des crédits issus des emplois aidés ».
Le CESR, synthétisant les auditions effectuées et contributions reçues, voit dans la création d’un tel dispositif d’un certain nombre d’avantages. Et en premier lieu, « un meilleur suivi du parcours des bénéficiaires des emplois aidés » puisque la structure pourrait proposer à chacun un parcours individualisé, une affectation sur un poste de travail et le suivi des formations.
Et le CESR de préciser qu’un tel dispositif permettrait de mettre « fin au clientélisme électoral sur les CES et CEC ». Quant au comité de pilotage de la structure, il pourrait regrouper l’État, la Région et le Département.

• Proposition d’un "contrat unique"

Dans un document intitulé "Pour un dispositif spécifique en faveur de l’emploi à La Réunion", le Conseil régional évoquait le « décloisonnement des publics visés par la politique de l’emploi ». Au lieu de consacrer une mesure à chaque catégorie de demandeurs d’emploi, le conventionnement prévu par le nouveau dispositif proposé par la collectivité bénéficierait à toutes les catégories, sans distinction d’âge. Ce décloisonnement serait, selon la Région, beaucoup plus conforme à la situation réunionnaise, où le problème des chômeurs de longue durée est autant - sinon plus - dramatique que celui des jeunes demandeurs d’emploi.
L’idée d’un "contrat unique" est donc le "pendant" de ce décloisonnement. Le CESR et les personnes auditionnées estiment qu’il faudrait « un contrat unique pour les emplois du secteur non marchand sur une durée de 5 ans avec une prise en charge financière à 80% par l’État ».
Autre proposition : « un contrat unique d’insertion qui globalise les emplois dits aidés, publics et privés, sous une seule forme, remplaçant les CES, CEC, CIA, CEJ, CAE... avec également un financement à 80% par l’État ». Ce serait « un CDD d’un an maximum, à deux-tiers temps (renouvelable sous condition) dans l’entreprise et une obligation minimale de 200 heures de formation par an ».
Ce contrat d’insertion pourrait trouver une application dans « les grands projets d’intérêt collectif », lesquels seraient confiés « à de grands organismes disposant des compétences techniques et des moyens humains pour assurer l’encadrement d’un grand nombre de contrats d’insertion ». Ces « grands projets d’intérêt collectif » pourrait être « un plan régional de reforestation, un programme régional de lutte contre l’illettrisme... ».
L’autre application serait dans l’entreprise pour « permettre aux entreprises de recruter en nombre limité les personnes en contrat d’insertion (fonction masse salariale et du secteur d’activité). Des mesures complémentaires accompagnent la solvabilisation des emplois (défiscalisation) ». Le cadre semble identique à celui en vigueur aujourd’hui pour les emplois dits aidés, mais a un « contenu différencié », pouvant s’inspirer du contrat d’apprentissage.

• Construction de projets globaux

S’il convient « d’impulser la construction de projets globaux », il est nécessaire au préalable « d’identifier les besoins du marché du travail à La Réunion, dans la zone océan Indien et en Europe, afin de permettre une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emplois ». Des emplois qui pourraient se situer dans le transport, le secteur médico-social, l’enseignement, les TIC...
Autre nécessité : « l’évaluation des besoins collectifs, solvables ou non ».

• Adaptation de l’outil de formation

L’étude du CESR souligne aussi la nécessité « d’adapter l’outil de formation aux besoins du marché du travail et d’encourager la micro entreprise ».
Autre idée intéressante : la possibilité de "CEJ privés" et plus précisément de "CEJ export" : « c’est un marché qui serait complètement nouveau et qui ne désorganiserait pas les règles de la concurrence sur le marché local. L’idée serait de proposer des emplois-jeunes, selon des modalités à déterminer et des garde-fous pour qu’il n’y ait pas d’effet de substitution, à des entreprises à l’export ».

• Guichet unique et réorganisation des organismes

Autre proposition : la création d’un « guichet unique » mené en parallèle à une « réorganisation sur le plan des organismes qui diffusent cette information. Il serait envisageable, en termes d’organisation, de regrouper différents organismes existants (mission locale, CLI, comité de bassin pour l’emploi...) afin de constituer ces guichets uniques ».

• Le FEDOM géré par le préfet

Il est également proposé « une déconcentration du FEDOM » qui se ferait « au niveau du préfet », ce qui permettrait « de mieux recenser et de ventiler l’enveloppe en fonction des projets d’activité ». Actuellement, le FEDOM est géré par le ministère de l’outre-mer.
Par ailleurs, « il est nécessaire de faire disparaître la désignation d’emplois à connotation péjorative et dévalorisante : CES, CIA, CEC, CEJ, CAE... On doit désigner les personnes par le poste qu’elles occupent ».

Emploi dit aidé et politique pour l’emploi
Le CESR note qu’« il est nécessaire de profiter du dynamisme actuel de tous (public concerné, acteurs de la formation et de l’insertion, services de l’État...) pour construire une véritable politique pour l’emploi qui permette d’accroître le rythme de création d’emplois marchands et de maintenir le rythme de création d’emplois du secteur non marchand. Il convient de rechercher des solutions globales, de mettre sur pied un projet de développement et un projet social construit pour les personnes et avec les personnes.
Cette politique suppose des réformes en profondeur de l’ensemble des lois et règlements régissant les emplois dits aidés pour que ceux-ci retrouvent une légitimité économique et une réelle cohérence de fonctionnement ; des politiques économiques (soutien aux productions locales, soutien à l’ouverture des marchés, défiscalisation...) ; l’organisation administrative : création d’un commissariat général au développement économique.
Cette structure constituerait également un guichet administratif unique qui a pour vocation de coordonner l’ensemble des dispositifs d’aides et de soutien aux entreprises créées par l’État, les collectivités locales ou l’union européenne »
.
Économie solidaire et contrats précaires : la nécessaire « rupture »
Autre sujet évoqué par le CESR : l’économie solidaire, qui ne doit plus être examinée « comme une sphère hermétique et repliée sur elle-même : il y aura une économie solidaire dynamique si on agit également sur le secteur concurrentiel et si on accompagne ce dernier par un certain nombre de dispositifs (export, lien avec la mobilité...) ».
Par ailleurs, le document proposé par la Région et qui a servi de "base de réflexion" au CESR, évoque « la rupture du lien entre l’économie alternative et les contrats précaires ».
Ce qui fait écrire au CESR : « le problème se pose aujourd’hui d’une manière plus générale. Il ne concerne pas seulement le secteur non marchand, il concerte tout le secteur privé, où la précarité a atteint des sommets, mais également le secteur public dans son ensemble, où les contrats précaires et plus particulièrement les contrats précaires de droit privé se sont multipliés. Il est à noter que d’une manière générale, pour l’ensemble des organismes et institutions, la rupture du lien entre l’économie alternative et les contrats précaires fait l’objet d’un consensus ».
Insuffisant
Le CESR écrit : « Au-delà des points de convergence avec le document du Conseil régional, l’ensemble de nos interlocuteurs expriment le sentiment que toutes les améliorations pouvant être apportées aux dispositifs en place ne peuvent suffire pour combattre efficacement et durablement le chômage et développer l’emploi : ils mettent en avant le nécessaire développement des activités comme moyen à privilégier en vue de répondre aux besoins de l’emploi ».

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