Éducation

Vers une hausse des effectifs au C.P.

Après les menaces sur l’école maternelle

13 mai 2003

Il y avait déjà des menaces sur l’école maternelle, avec, à peine voilée, la menace de suppression des deux premières sections de maternelle, confortée par l’annonce du PAJE, cette allocation unique mise en place pour inciter les parents - et surtout la mère - à garder son enfant au lieu d’aller travailler. Voilà maintenant que c’est au tour du cours préparatoire de subir une nouvelle ’organisation’. L’idée du ministre, c’est d’augmenter l’effectif par classe, pour dégager du personnel, lequel pourrait s’occuper alors du renforcement des acquis des élèves les plus en difficulté. En France, avec plus de 25 enfants par classe, comment les élèves vont-ils pouvoir apprendre ? Comment les enseignants vont-ils pouvoir travailler ? Mais à La Réunion, l’effectif moyen est déjà de 26 enfants. Cela veut-il dire que l’on s’achemine vers des classes de 30 élèves ?

Lundi dernier, sur une radio en France, le ministre de l’Éducation nationale, Luc Ferry, expliquait qu’il veut ouvrir « 2.000 cours préparatoires (CP) à 10 élèves dès le mois de septembre prochain. C’est réalisable à 100% et je le ferai ; j’en prends l’engagement ». Il lui fallait donc recruter 1.000 enseignants supplémentaires pour remplir l’objectif qu’il avait lui-même fixé.
Or cela semble hautement improbable : d’une part, le budget 2003 de son ministère ne l’a pas prévu ; d’autre part, le budget 2004 sera le même que celui de 2003. Sans compter l’annonce de la suppression de postes de fonctionnaires....

Réplique de la F.C.P.E.

La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), dans un communiqué publié mercredi dernier et intitulé « Illettrisme : le gros mensonge de Luc Ferry » (voir encadré), dévoile une note envoyée en avril aux recteurs et aux inspecteurs d’académie par le directeur de cabinet du ministre. Dans cette note, il est fait mention d’un « Plan de prévention contre l’illettrisme : 2.000 CP renforcés ». C’est ce "renforcement" que le ministre a voulu faire passer pour un "dédoublement". Quant au renforcement, il sera fait soit par des enseignants, soit par des assistants d’éducation, ceux qui vont "remplacer" les aides-éducateurs. Ceux-ci, toutefois, à en croire la note du ministre, « ne sauraient se substituer aux maîtres mais pourraient superviser des temps d’entraînement, de pratique d’exercices ou d’activités (déjà réalisés sous la conduite du maître) pour les élèves faibles ou fragiles qui ont besoin de plus de "répétition" ».

Impossible à La Réunion

Question : si ce renforcement est mené par un enseignant, cela suppose que ce soit un autre enseignant qui vienne animer cette action pédagogique, l’enseignant ne pouvant à la fois faire du "renforcement" et continuer son "programme". Où le rectorat va-t-il trouver ces enseignants ? Puiser dans la liste des "remplaçants" ? Cela aurait pour conséquence d’une part de ne pas permettre aux enseignants d’aller en formation, et d’autre part de voir des enseignants malades ne pas être remplacés.
Mais la réponse est peut-être déjà contenue dans la note du ministère et diffusée par la FCPE en France : « Distribuer autrement les effectifs d’élèves de CP pour dégager un maître supplémentaire pour 4 ou 5 classes de CP ». Autrement dit, "pousser" le nombre d’enfants par classe jusqu’à 24 ou 25 environ, au lieu d’une "moyenne" estimée actuellement à environ 20 en France. Est-ce là un "progrès" ? Enseignants comme parents d’élèves pensent le contraire.

Perdant perdant

Mais à La Réunion, cette moyenne est, de source syndicale, de 26 enfants par classe. Et là, l’idée du ministre est simplement incroyable : cela voudrait dire que l’on s’achemine vers des classes de... 30 enfants, en moyenne. C’est absurde et impensable. Comment les enfants vont-ils apprendre ? Comment les enseignants vont-ils pouvoir travailler ?
Le nombre d’enseignants est insuffisant à La Réunion ; les syndicats d’enseignants, les parents d’élèves, les politiques... tous l’affirment. Le rattrapage n’aura pas lieu. Il manquera encore et encore des enseignants.
Avec la suppression programmée d’un certain nombre de postes de fonctionnaires, on peut craindre le pire. D’autant plus que, à La Réunion, rappelons-le, la population va augmenter ; il y aura donc encore plus d’enfants dans les années qui viennent. Des enfants que l’on dirige sur des classes qui seront encore plus surchargées.
Par ailleurs, quelles sont les garanties que ces cours de "renforcement" porteront leurs fruits ? Qu’ils permettront à ces enfants de suivre leur parcours scolaire plus facilement ? Ne va-t-on pas pénaliser tous les enfants en surchargeant les classes ? C’est du perdant perdant qui s’annonce avec ce projet. Une fois de plus, force est de constater que les réformes, engagées sans concertation, ne vont pas être bénéfiques à La Réunion. Que la marge de manœuvre est restreinte pour que ces dispositifs s’appliquent de manière à offrir un réel progrès social. Que, au vu de la situation spécifique - ou particulière, si le vocable froisse quelques susceptibilités -, La Réunion doit pouvoir bénéficier de mesures adaptées à sa situation. Que ces mesures ne peuvent être imposées mais discutées et approuvées par les Réunionnaises et les Réunionnais.

Le communiqué de la F.C.P.E.
« Illettrisme : le gros mensonge de Luc Ferry »
« Le Ministre a annoncé dès la rentrée prochaine un dédoublement massif des classes de cours préparatoire, soit 2.000 cours préparatoires comptant 10 élèves au lieu de 20. Pourtant, une note aux inspecteurs d’académie, sous couvert des recteurs, révèle une autre réalité. Pour favoriser l’apprentissage de la lecture au cours préparatoire, le ministre de l’Éducation nationale a créé cette année 100 classes expérimentales à effectifs réduits, dont les résultats doivent être évalués d’ici juin 2003.
Mardi 6 mai, le Ministre a annoncé : « dès la rentrée prochaine un dédoublement massif des classes de cours préparatoire », soit 2.000 cours préparatoires comptant 10 élèves au lieu de 20. Dans une note aux inspecteurs d’académie, sous couvert des recteurs, intitulée « Plan de prévention de l’illettrisme année 2003-2004 - 2.000 CP renforcés », la réalité est tout autre :
- les classes de CP seront épaulées par des assistants d’éducation comme animateurs de la bibliothèque ou comme médiateur en informatique. Ceci n’est rien d’autre que la mission dévolue jusqu’alors aux aides-éducateurs, dont la disparition est par ailleurs programmée par le ministre. Il ne s’agit en aucun cas de dédoublement de CP puisqu’un seul enseignant sera chargé de la classe. Le projet de circulaire sur les assistants d’éducation précise par ailleurs : « la mission des assistants d’éducation est distincte de la mission d’enseignement et ne peut s’y substituer » ;
- on pourra faire « évoluer l’organisation pédagogique d’une école (par exemple distribuer autrement les effectifs d’élèves de CP pour dégager un maître supplémentaire pour 4 ou 5 classes de CP) », ce qui revient en fait à augmenter l’effectif de certaines classes sans pour autant dédoubler réellement les classes de cours préparatoire.

Il s’agit, en fait, selon les termes mêmes du projet de texte de classes dites « renforcées » et non de classes à effectifs allégés. Après sa volte-face sur la décentralisation, le Ministre s’obstine à « travestir la vérité » auprès des parents, des enseignants et de l’opinion publique. Monsieur le Ministre, comment voulez-vous que l’on vous fasse encore confiance ? ».


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