La Réunion en 2030

Vers une nouvelle forme de débat politique

La Région invite l’INSEE à présenter ses études

2 mai 2003

L’initiative a été positivement accueillie par tous : les représentants de l’INSEE comme les élus, les socio-professionnels, les ’forces vives’ invitées pour l’occasion. Une initiative à reconduire, pour que tous puissent, imprégnés de ces chiffres, apporter une réelle contribution au développement, et aller vers une autre forme de débat, se positionnant sur des chiffres et des faits. Un tel débat, résultat d’une prise de conscience collective des enjeux, serait alors d’un très haut niveau politique.

La présence de l’INSEE dans l’hémicycle de l’assemblée régionale mercredi dernier était une première. Et elle a été accueillie plus que favorablement par tous. L’échange a été dense, fructueux et en appelle d’autres afin que les responsables politiques, économiques et autres de l’île puissent connaître avec la plus grande précision possible ce que pourrait être La Réunion demain.
Et qui, mieux que l’INSEE, peut apporter, chiffres à l’appui, des indicateurs, évoquer des tendances menant à des pistes ? Elle a cette « crédibilité » nécessaire pour que chacun puisse connaître dans quelle direction s’orienter. « Pour comprendre les enjeux de La Réunion dans les deux ou trois décennies qui viennent », comme le soulignait Paul Vergès.

La situation économique actuelle

Les chiffres cités par J.-M. Herbet sont significatifs. "Témoignages" les publie très rapidement aujourd’hui et y reviendra beaucoup plus précisément dans une prochaine édition.
Le PIB (produit intérieur brut) réunionnais est dynamique, il augmente fortement (+5,6% en moyenne, contre 3,5% en France). Le PIB par actif à La Réunion occupé se rapproche de celui de la France. La comparaison s’est faite sur les années 1993/1998, en l’absence de données plus précises, données qui devraient, petit à petit, pour les années suivantes, être connues. D’autres chiffres intéressants sur le poids de l’État dans l’économie réunionnaise : 55% des dépenses de l’État sont des frais de personnel, contre un taux de 45% (taux moyen) en France. La Réunion est une région où le tissu économique est largement dominé par les petites ou très petites entreprises (90% des entreprises réunionnaises ont moins de 5 salariés, 95% moins de 10 salariés), lesquelles, en 1998, produisaient près d’un tiers de la valeur ajoutée, contre un sixième en France.
Si l’export a connu un essor en 1994, depuis les années 2000/2002, on constate une tendance à la diminution. Le taux de couverture est toujours très bas mais reste stable à environ 7,5%.

Des secteurs d’activité à l’évolution différente

En ce qui concerne les secteurs d’activités, l’INSEE a constaté une forte expansion du tertiaire entre 1990 et 1999. Ce qui pourrait être la conséquence d’une externalisation de certains services (communication, etc.) des entreprises. Quant aux chiffres de créations d’emplois dans ce secteur, ils semblent compenser la perte enregistrée dans le domaine de l’agriculture et du BTP.
Autre constat : l’apparition d’activités liées au service public (un emploi sur deux en 1999). En revanche, l’industrie reste encore un secteur peu développé (15% à La Réunion contre 21% en France), comparé au commerce (27% à La Réunion contre 20% en France) ou à la construction (12% à La Réunion contre 9% en France) ; en revanche, le taux est identique pour ce qui est des services : 46%.

Chômage en baisse mais...

Le taux de chômage est en baisse, confirme l’INSEE et en 2003, il semble être inférieur à 30%, soit une baisse de 9 points entre 1998 et 2002. Mais paradoxalement, le taux de création d’emplois semble s’affaiblir. En revanche, il apparaît que le taux de création d’emplois dans le domaine des services, après avoir connu une forte embellie, donne des signes évidents d’essoufflement : il était de 11,5% en 2001 pour descendre à 2,1% début 2003.
Reste à savoir les raisons pour lesquelles un tel essoufflement se produit. L’INSEE, dans l’attente des résultats d’une enquête plus poussée, avance des pistes de réponse : une raison conjoncturelle, une raison structurelle (l’externalisation pourrait commencer à trouver son terme).
Deuxième constat alarmant : entre 1990 et 1999, l’INSEE a vu un accroissement important de la précarité et des « formes atypiques d’emploi ».

Une population multipliée par 3 en 53 ans

Nelly Actif a présenté le dossier de la démographie comme étant placé sous le double signe de la croissance et du vieillissement. Comme pour le dossier économique, les chiffres présentés aujourd’hui par "Témoignages" sont succincts. Nous y reviendrons dans une prochaine édition.
Entre 1990 et 1999, la croissance démographique a été exceptionnelle : 706.300 personnes en 1999, soit une augmentation de 108.000 personnes en 9 ans pour arriver en 2003, au 1er janvier, à une population estimée à 750.000 personnes. Un taux de croissance de 1,9% à La Réunion, contre 0,4% en France.
Les facteurs de la croissance démographique sont essentiellement liés au mouvement naturel, autrement dit l’augmentation du nombre des naissances. L’excédent naturel était près de 91.000 personnes (121.817 naissances pour 31.104 décès). Le solde migratoire était positif (+17.000 personnes). Nelly Actif a souligné que la transition démographique, phénomène universel et ne se produisant qu’une fois dans l’Histoire d’un peuple, ne s’est pas encore faite à La Réunion, deux phases s’étant néanmoins déroulées. La fécondité reste « sous surveillance » car, après des décennies de non augmentation, l’INSEE a constaté, depuis 2000, une augmentation de ce que l’on appelle l’I.C.F. (indicateur conjoncturel de fécondité). Un même constat a été fait pour la France, les raisons restent à déterminer.
Et la population réunionnaise commence à vieillir. On note une relative stabilité des moins de 20 ans, une multiplication par deux de la tranche d’âge 20/59 ans et une forte augmentation des plus de 60 ans.
Et l’évolution démographique aura des conséquences sur le marché du travail. Déjà l’INSEE a pu constater que les femmes étaient de plus en plus nombreuses, sur ce marché, fait lié à une modification de leur comportement vis à vis de l’emploi et du travail.

Étalement urbain et densification

Autre conséquence : la modification du nombre de ménages. Là, outre le fait de la progression démographique, on voit une tendance à la décohabitation. Et l’apparence d’un nouveau phénomène : celui des "personnes seules". Autre constat : les ménages sont plus petits.
Autre volet présenté par Nelly Actif : l’aménagement urbain. L’INSEE a mené une étude en partenariat avec l’université pour connaître s’il y avait tendance "à l’étalement" ou "à la densification". Les villes ont été passées "à la loupe". Constat : les villes sont peu densifiées (c’est vrai pour la quasi totalité d’entre elles), même si un effort important a été enregistré entre 1990 et 1999. Toujours est-il que le taux moyen est encore assez bas.

Et en 2030 ?

L’INSEE a pris en compte trois facteurs : la natalité, la mortalité et la migration. Pour chacun des trois facteurs, l’institut a formulé des hypothèses d’augmentation ou de diminution, avec des taux différents (hauts, moyens, bas), ou une stabilité. Bref, 21 scénarios auraient été possibles (7 hypothèses différentes pour chacun des 3 facteurs). Il a choisi d’en approfondir trois : un dit "haut", l’autre "central", le dernier "bas". Ce qui fait qu’en 2030, en fonction du scénario retenu, la population réunionnaise pourrait être de 800.000 personnes ou de 1 million 150.00 personnes. Vraisemblablement ce million 150.000 Réunionnais est possible à l’horizon 2050.
Quelques chiffres : la population active serait de 300.000 personnes (50% d’actifs supplémentaires). La population des plus de 75 ans se sera multipliée par trois à l’horizon 2030. Il pourrait y avoir 406.700 ménages (une multiplication par deux de l’actuel), 9,4% de la population pourrait avoir moins de 30 ans, 57% sera âgée de 30 à 59 ans, 33,7% de la population aura plus de 60 ans.
Il faudra donc construire et beaucoup construire. Il faudrait arriver à un parc de 250.000 logements. Des logements à construire, à rénover, à raison au minimum de 8.000 à 9.000 logements par an sur 30 ans...
Des enjeux d’une ampleur exceptionnelle...

L’INSEE à La Réunion
Jean Gaillard, le directeur de la structure, a présenté l’institut et ses missions. Celui de La Réunion a eu, dès sa création, un mode de fonctionnement fortement différent de ceux de France, puisque les antennes INSEE métropolitaines étaient plutôt chargées de « produire des données et des informations d’intérêt national » alors que celui de La Réunion a pour mission de produire ces mêmes données mais à vocation essentiellement locale. Une tendance qui d’ailleurs a tendance à se généraliser. Et cet axe de travail choisi par le comité de direction de l’INSEE Réunion est bien ciblé : « faire évoluer une structure grandissante pour satisfaire les besoins des acteurs locaux réunionnais en termes d’informations précises et fiables ».
Des questions...
Les élus ont posé bon nombre de questions : sur la mise en perspective de toutes les études réalisées en ce qui concerne l’aménagement du territoire, sur la possibilité d’affiner les études en fonction des micro-régions et des zones d’intercommunalité ; sur la destination des terres sur lesquelles on peut construire (du logement social ou du logement lié au dispositif de défiscalisation), sur le rapport entre vieillissement de la population et de type de logements à construire, sur le nombre de crèches et de structures d’accueil à construire, sur les mouvements de population...

Paul Vergès, en concluant cette séance, a souligné que la maîtrise de ces chiffres par l’ensemble des décideurs est indispensables, car elle permettra au débat politique de prendre une autre ampleur, de progresser. Des chiffres qui sont « une aide importante à la décision » si l’on ne veut pas se tromper. Des chiffres qu’il faudra continuer à travailler, non pas chacun dans son coin, mais ensemble : tous les services de l’État, les collectivités...


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