Billet philosophique

De la colonialité à la responsabilité…

12 mai 2017, par Roger Orlu

Le combat des anti-colonialistes réunionnais pour célébrer l’abolition de l’esclavage dans notre pays le 20 décembre 1848, pour faire reconnaître par l’État français que l’esclavage est un crime contre l’humanité, pour célébrer le vote de la loi du 10 mai 2001 à ce sujet et pour faire respecter le maloya, reconnu comme patrimoine de l’humanité, a duré de nombreuses années. Mais il continue à porter ses fruits, comme l’a montré — malgré ses insuffisances, notamment au niveau éducatif et institutionnel — l’édition 2017 de la célébration du 10 Mai. Quelles leçons retenir de ces côtés positifs ?

Romuald Barret, Ghislaine Mithra-Bessière et Éric Murin, les responsables de Rasine Kaf et du CRAN Réunion à leur conférence du 5 mai.

Dans plusieurs communes réunionnaises a été célébré le 10 Mai cette année pour cultiver notre mémoire historique, pour tirer des enseignements de la reconnaissance officielle de l’esclavage comme crime contre l’humanité et pour construire ensemble notre avenir sur cette base. Ainsi, il y a eu des expositions intéressantes par exemple à Saint-Paul, à Saint-Denis et à Sainte-Suzanne sur le système esclavagiste, qui a marqué les deux-tiers de notre Histoire et dont il y a encore des traces aujourd’hui dans notre société.

Il y a eu aussi des cérémonies et d’autres actions commémoratives à ce sujet, comme l’inauguration d’une statue en hommage au grand historien réunionnais Sudel Fuma à Sainte-Suzanne et la rando vélo-covoiturage entre Le Port et Saint-Paul devant des lieux de mémoire comme la stèle réunionnaise de la route de l’esclave et de l’engagé dans l’océan Indien. Citons également la marche silencieuse « pou fé pèt la shinn zesklav-la » et le « kabar la mémwar » organisés par plusieurs associations à Saint-Denis ce mercredi.

Le rôle des marones

Lors de ces actions, outre des interventions publiques par des responsables politiques comme Maurice Gironcel le 10 mai pour appeler l’union des Réunionnais dans leur combat pour la liberté et la responsabilité, il faut parler des conférences tenues par des historiens dans le même esprit. On pense par exemple à celle de l’historien Prosper Ève et d’autres chercheurs à Saint-Paul le 6 mai sur divers sujets et à celle du 13 mai à La Possession avec l’association Yambane et l’anthropologue Charlotte Rabesahala sur « le rôle capital de la femme avec les marones dans la résistance contre l’esclavage ».

Nous allons citer enfin la ‘’rencontre-débat’’ du 5 mai à Saint-Denis avec le CRAN Réunion et l’association Rasine Kaf. Romuald Barret y a parlé de « la colonialité de l’être comme séquelle de l’esclavage » et Ghislaine Mithra-Bessière des « termes de la réparation ».

« Une libération intellectuelle et politique de notre peuple »

Nous retiendrons de ces échanges que pour le porte-parole du CRAN péi, « la kolonialité du pouvoir — à la base de l’esclavage — est toujours là, notamment sous forme de racisme, d’inégalités, d’infériorisation de nombreux Réunionnais, d’exploitation de nombreux compatriotes et de notre nature par les plus riches ». D’où l’importance, dit-il en citant de nombreux philosophes, « de lutter pour une libération intellectuelle et politique de notre peuple ».

Quant à la présidente de Rasine Kaf, elle a surtout mis l’accent avec raison sur le fait que « pour réparer les violences et barbaries de l’esclavage, il faut continuer à se battre ensemble pour empêcher que l’héritage de ce système passe sous le silence ». C’est pourquoi il est indispensable de s’unir le plus largement possible, sans exclusive, dans le combat pour passer de la colonialité à la responsabilité en faveur d’un développement humain, durable, démocratique et solidaire de notre pays…

Roger Orlu

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