Billet philosophique

Des Réunionnais libres et responsables de leur destin ?

26 août 2016, par Roger Orlu

Beaucoup de personnes connaissent cette citation du célèbre philosophe et combattant français de la liberté Antoine de Saint-Exupéry (1900 – 1944) dans son livre ‘’Terre des hommes’’ : « Être homme, c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C’est être fier d’une victoire que les camarades ont remportée. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde ».


Ce concept de la responsabilité, mis en avant par de nombreux philosophes du monde entier, a été évoqué d’une certaine façon ce 23 août à l’occasion de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. Comme le rappelle l’UNESCO, « cette Journée internationale vise à inscrire la tragédie de la traite dans la mémoire de tous les peuples ; elle doit offrir l’occasion d’une réflexion commune sur les causes historiques, les modalités et les conséquences de cette tragédie, ainsi que d’une analyse des interactions qu’elle a générées entre l’Afrique, l’Europe, les Amériques et les Caraïbes ».

C’est pourquoi la Directrice générale de l’UNESCO « invite les Ministres de la culture de tous les États membres à organiser des actions en associant l’ensemble des populations de leurs pays et en particulier les jeunes, les éducateurs, les artistes et les intellectuels. L’ignorance ou l’occultation d’événements historiques majeurs constitue un obstacle à la compréhension mutuelle, à la réconciliation et à la coopération entre les peuples ». Mais qu’ont fait l’État français et les collectivités réunionnaises pour faire avancer ces projets mondiaux en permettant au peuple réunionnais d’être libre de construire un partenariat équitable avec les peuples de la République française, de l’Union européenne et de l’Indianocéanie ?

Non à l’intégration

La célébration de cette Journée internationale du 23 août nous montre à quel point le combat de nos ancêtres esclaves pour la liberté continue aujourd’hui, notamment face à l’assimilation, négationniste de notre identité réunionnaise spécifique et de nos culturelles ancestrales, non seulement à respecter mais encore à valoriser. C’est ce que nous explique par exemple l’association Africultures, née en 1997 afin « d’inscrire comme contemporaines les expressions culturelles africaines, au sens où elles éclairent notre époque et notre avenir ».

Dans son manifeste, elle souligne notamment que « l’enjeu est de contribuer à un monde où chacun doit être à égalité réelle de droits et de dignité, dans une appartenance commune à l’humanité ». Elle ajoute qu’« au-delà du culturel, c’est ainsi toute la question de l’interculturel qui se pose dans un monde de diversité ». D’où cette citation d’Édouard Glissant : « Il est grande barbarie à exiger d’une communauté d’immigrés qu’elle « s’intègre » à la communauté qui la reçoit. La créolisation n’est pas une fusion, elle requiert que chaque composante persiste, même alors qu’elle change déjà. L’intégration est un rêve centraliste et autocratique. (…) Un pays qui se créolise n’est pas un pays qui s’uniformise. (…) La beauté d’un pays grandit de sa multiplicité ».

Une ‘’Réunion insoumise’’

L’intérêt de ces réflexions est confirmé par celles d’un ‘’ami de la philo’’ à La Réunion, Luc-Laurent Salvador, qui a publié le 8 août dernier dans ‘’le JIR’’ un courrier des lecteurs intitulé : « Être responsable, voilà ce qui apporte la paix », où il déclare notamment : « Ne serait-il pas temps d’être responsables et de reconnaître que la France fait des victimes en terre d’Islam ? ». Et il conclut : « Bref, dénoncer la barbarie, oui, mais d’abord la sienne, plutôt que de n’avoir d’yeux que pour celle des autres. En représailles à l’attentat de Nice, Hollande a intensifié l’action militaire en Syrie : le 19 juillet, le village de Toukhan al-Kubra a été bombardé. On compte 120 victimes civiles innocentes, principalement des femmes et des enfants ».

Cet appel à la responsabilité lancé par ce Réunionnais à l’intention de l’État français pour cultiver la justice et la paix dans le monde est très important. Et il nous amène à nous poser la question : comment faire en sorte que les Réunionnaises et Réunionnais se sentent libres et responsables de leur destin dans une ‘’Réunion insoumise’’ ?

Roger Orlu


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