Billet philosophique

Faire front ensemble en tant que Réunionnais

28 octobre 2016, par Roger Orlu

Cette semaine 2016 de la créolité réunionnaise est l’illustration — comme bien d’autres manifestations culturelles dans le pays tout au long de l’année — de l’authenticité, la force et les atouts de notre identité spécifique. Mais en même temps, chaque jour on peut mesurer le poids affligeant de l’idéologie assimilationniste dominante dans le monde politique, médiatique et éducatif en termes d’aliénation culturelle. Comment surmonter cette contradiction ?

Le samedi 22 octobre dernier à la médiathèque Alain Peters du Moufia, le chercheur Farouk Issop, éducateur en sciences islamiques et philosophiques, a tenu une belle conférence sur ‘’Être musulman réunionnais’’, où il a cité de nombreux philosophes du monde entier comme Edgar Morin, pour qui il est important de « respecter la différence culturelle ». Et après avoir rappelé que selon l’islam « vous ne changerez rien dans votre société si vous ne changez rien en vous », il a posé le problème : « comment être musulman à La Réunion et Réunionnais en créant une société réunionnaise nouvelle ? », en sachant qu’« un Réunionnais est une personne qui contribue à améliorer le cadre de vie de l’ensemble des Réunionnais ».

Farouk Issop se présente comme « un être humain et un Réunionnais avant d’être un musulman, en me posant la question : en quoi je contribue à ce que ce pays devienne meilleur ? » et il souligne que « la culture créole réunionnaise a permis à toutes nos communautés religieuses de devenir meilleures en évitant le communautarisme ». Il a conclu que « pour développer cette culture il faut appliquer
le premier contrat moral réunionnais : nou lé pa pliss, nou lé pa mwin, rèspèkt anou ».

« Un monde commun »

Deux jours après, lors de l’inauguration de la « Semène Kiltirèl Kréol » à la médiathèque Aimé Césaire de Sainte-Suzanne, organisée par l’écrivain, conteur et militant culturel Daniel Honoré, on a pu constater avec bonheur à quel point s’affirme avec force l’importance de l’identité du peuple réunionnais. Plusieurs intervenants, comme Maurice Gironcel, dirigeant du PCR, et Aline Murin-Hoarau, représentante de la Région Réunion, ont mis l’accent sur l’importance du combat pour promouvoir notre langue créole, notre histoire, notre patrimoine culturel et notre identité réunionnaise.

Encore deux jours plus tard, à la Cité des Arts de Saint-Denis et toujours en présence de Daniel Honoré, le professeur d’Université et écrivain Jean-Claude Carpanin Marimoutou a présenté les nombreuses richesses des littératures créoles, « un espace moderne d’écriture, marqué par des échanges, des rencontres et mises en commun ». Il a expliqué aussi à quel point « ces littératures sont riches des luttes des esclaves marrons pour leur liberté, leur souveraineté, le respect de la dignité humaine et un monde commun vivable ensemble ».

« Une intelligence collective »

Toutes ces valorisations de notre culture nous conduisent à signaler les contradictions entre les beaux discours de certains responsables politiques et leurs comportements, où ils sont complices du système néo-colonial en place depuis 70 ans, où ils cultivent la division des Réunionnais avec le pouvoir de l’État assimilationniste et colbertiste. D’où l’importance de l’appel du parti réunionnais de la liberté fondé en 1959 par Paul Vergès, qui nous invite à faire front à ces contradictions par la création d’un front réunionnais en vue d’un développement durable, humain, solidaire et responsable de La Réunion.

Cet appel est conforté par de nombreux philosophes et autres scientifiques dans le monde, comme par exemple le biologiste français Joël de Rosnay, qui vient de publier un nouvel ouvrage aux éditions Les Liens qui Libèrent sous le titre ‘’Je cherche à comprendre…’’, où il plaide notamment pour « une intelligence collective », « une corégulation citoyenne », « le partage et la solidarité ». Autre concept mis en avant et à méditer : « se dépasser collectivement pour construire l’avenir »…

Roger Orlu

légende

Daniel Honoré devant une photo du Rwa Kaf.


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