Billet philosophique : l’actualité de la pensée de Karl Marx

Ho Hai Quang : Karl Marx, de la philosophie à l’économie

29 juin 2018, par Ho Hai Quang

Voici la 8e partie des exposés présentés le 4 mai dernier à la médiathèque Aimé Césaire de Sainte-Suzanne sur l’actualité de la pensée de Karl Marx. Après les deux parties de l’exposé d’Élie Hoarau, président du Parti Communiste Réunionnais, puis les cinq parties de celui présenté par la philosophe Brigitte Croisier, voici la première partie de celui de l’économiste Ho Hai Quang sur l’aspect économique de l’œuvre de Karl Marx.

Ho Hai Quang.

L’œuvre majeure de Karl Marx est « Le Capital », un livre d’économie. Or, la discipline qui dans un premier temps attira Marx, était surtout la philosophie : sa thèse de doctorat porte sur « La différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure » (1841). Une première question intéressante à élucider est celle de savoir quand et comment Marx a “viré” de la philosophie à l’économie. C’est au début des années 1840 que le tournant est pris. Marx explique :
« L’objet de mes études spécialisées étaient la jurisprudence à laquelle je ne m’adonnais que comme une discipline subalterne à côté de la philosophie et de l’histoire. En 1842-43, en ma qualité de rédacteur à la Rheinische Zeitung, je me trouvai, pour la première fois, dans l’obligation embarrassante de dire mon mot sur les soi-disant intérêts matériels. Les délibérations du Landtag rhénan sur les vols de bois et le morcellement de la propriété foncière, la polémique… sur les conditions d’existence des paysans de la Moselle, enfin les débats sur le libre échange et le protectionnisme, me fournirent les premières raisons de m’occuper des questions économiques » (Préface de « Contribution à la critique de l’économie politique" ; Éditions Sociales ; 1969 ; p. 3).

L’influence de Friedrich Engels

Travaillant sur ces différentes questions, Marx parvient à la conclusion générale que le fonctionnement de la société s’explique, en dernière analyse, par l’organisation de sa base économique. Pour approfondir ses connaissances, il va alors étudier les œuvres d’un grand nombre d’économistes dont les plus célèbres sont François Quesnay, Adam Smith, Jean-Baptiste Say, David Ricardo, Robert Malthus… Il rédigera ses réflexions sur leurs théories entre 1862 et 1863. Ses écrits seront mis en forme et publiés pour la première fois, à titre posthume, entre 1905 et 1910, sous le titre « Theorien über den mehrwert » (Les théories de la plus-value). On considère qu’ils forment le livre IV du Capital.
Parmi les auteurs qui ont joué un rôle déterminant dans la formation de la pensée économique de Karl Marx, on oublie presque toujours de citer Friedrich Engels. Empruntant une voie différente, Engels était parvenu à la même conclusion que Marx : la base économique joue un rôle déterminant dans le fonctionnement de la société. Son étude sur « La situation de la classe laborieuse en Angleterre en 1845 » et son « Esquisse d’une critique de l’économie politique » (1844) ont d’ailleurs été salués par Marx qui a même utilisé le qualificatif de “génial” pour parler du dernier texte (cf. préface de « Contribution à la critique de l’économie politique" ; Éditions Sociales ; 1957 ; p. 5).

Liberté du capital à écraser le travailleur

À partir de 1845, Marx et Engels vont travailler ensemble. Ils rédigeront le Manifeste du Parti Communiste en collaboration. De son côté, Marx va produire ses premiers écrits économiques : « Misère de la philosophie » (1847) dirigé contre Proudhon, « Travail salarié et Capital » (1847), puis « Discours sur le Libre-échange » (1848). Il vaut la peine de citer la conclusion de ce texte, tant elle est d’actualité.
« Pour nous résumer : dans l’état actuel de la société, qu’est-ce donc que le libre-échange ? C’est la liberté du capital. Quand vous aurez fait tomber les quelques entraves nationales qui enchaînent encore la marche du capital, vous n’aurez fait qu’en affranchir entièrement l’action. Tant que vous laissez subsister le rapport du travail salarié au capital, l’échange des marchandises entre elles aura beau se faire dans les conditions les plus favorables, il y aura toujours une classe qui exploitera, et une classe qui sera exploitée… ne vous en laissez pas imposer par le mot abstrait de liberté. Liberté de qui ? Ce n’est pas la liberté d’un simple individu, en présence d’un autre individu. C’est la liberté qu’a le capital d’écraser le travailleur ».

(à suivre)

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