Billet philosophique : l’actualité de la pensée de Karl Marx

Ho Hai Quang : l’accumulation du capital (1)

24 août 2018, par Ho Hai Quang

Voici la 16e partie des exposés présentés le 4 mai dernier à la médiathèque Aimé Césaire de Sainte-Suzanne sur l’actualité de la pensée de Karl Marx à l’occasion du 200e anniversaire de sa naissance. Après les deux parties de l’exposé d’Élie Hoarau, président du Parti Communiste Réunionnais, puis les cinq parties de celui présenté par la philosophe Brigitte Croisier, voici la 9e partie de celui de l’économiste Ho Hai Quang sur l’aspect économique de l’œuvre de Karl Marx.

L’innovation augmente la productivité et les profits.

Que devient à présent la plus-value ? Les capitalistes peuvent décider de la consommer en totalité en moyens de jouissance. Dans ce cas, leurs entreprises pourront certes continuer à fonctionner, mais en restant toujours à la même échelle. En réalité, du fait de sa structure, le mode de production capitaliste fonctionne selon une rationalité qui impose aux capitalistes une autre conduite. Parce que leur objectif est le profit et que leurs entreprises sont en concurrence, ils sont forcément conduits à les moderniser pour gagner en efficacité, et à les agrandir pour réaliser des économies d’échelle. La mise en œuvre de cette stratégie exige qu’une partie de la plus-value ne soit pas consommée mais réservée à l’accumulation. Une autre stratégie serait suicidaire.

L’accumulation sans changement des techniques

Accumuler, veut dire convertir une partie de la plus-value en capital additionnel en augmentant le nombre de salariés ainsi que les capacités de production (agrandissement des usines, acquisitions de machines supplémentaires,…). Reprenons notre exemple numérique. On avait :

Supposons que pour le cycle de production suivant, l’entreprise décide d’accumuler la moitié de la plus-value (20 €) sans modifier en rien ses techniques de production. Dans ce cas, sur ces 20 €, elle en utilisera 8 € pour acheter des matières premières supplémentaires, investira 4 € en instruments de travail additionnels, et payera 8 € en salaire supplémentaire.
À l’issue du nouveau cycle de production, les résultats seront les suivants :

Si l’accumulation se poursuit, il s’ensuit qu’au bout d’un certain nombre de cycles, tout le capital de l’entreprise provient d’une seule origine : la plus-value accumulée. Par conséquent, quand on décide de nationaliser une entreprise, faut-il “indemniser” ses propriétaires ?
Mais il est rare que les entreprises capitalistes se contentent de ce mode d’accumulation purement “extensif”. Presque toujours, elles cherchent en même temps à être plus compétitives.

Accumulation et développement des forces productives

Pour réaliser des gains de productivité, les entreprises investiront dans des instruments de travail plus efficaces : machines, machines-outils, robots capables de travailler davantage de matières premières.
Supposons qu’une entreprise invente une machine deux fois plus efficace que ses concurrentes, donc capable de produire deux marchandises M en employant un seul travailleur. Pour financer cette accumulation, elle devra emprunter du capital. La nouvelle technique de production repose sur la formule suivante.

La valeur des marchandises étant déterminée par la quantité de travail socialement nécessaire pour les produire, l’entreprise pourra vendre chacune de ses marchandises au même prix que ses concurrentes, soit 140 €.
Son chiffre d’affaires est alors de 140 x 2 = 280 €.
Mais le coût de production de ses deux marchandises n’est que de
80 + 30 + 40 = 150 €.
L’entreprise réalise donc une plus-value totale de 280 - 150 = 130 €.
Comme la plus-value normale, issue de sa propre usine, est de 40 €, elle réalise une plus-value dite “extra” de 130 - 40 = 90 €.
De la plus-value totale, elle en conservera une partie et consacrera l’autre à payer les intérêts du capital qu’elle a emprunté à une banque. C’est ainsi que la plus-value (invisible à l’œil nu) est répartie entre le profit industriel et les intérêts, deux formes directement visibles.
On a supposé que cette entreprise plus performante vend ses marchandises au même prix que ses concurrentes. En réalité, elle les vendra à un prix légèrement inférieur car, ce faisant, elle gagnera des parts de marché. Quelques-unes de ses concurrentes seront éliminées. Pour ne pas subir le même sort, les autres adopteront tôt ou tard les mêmes procédés de fabrication. La généralisation de la nouvelle méthode de production entraînera l’extinction de la plus-value extra et la baisse du prix de la marchandise. Mais en attendant ce moment, l’entreprise innovante pourra tirer profit de sa supériorité technique.
En définitive, c’est la logique de la plus-value et l’aiguillon de la concurrence qui poussent les entreprises capitalistes à toujours perfectionner davantage leurs techniques de production. Une fois au point, les innovations se diffusent dans tout le système productif. Ainsi s’explique la vitesse infiniment supérieure du développement des forces productives dans le mode de production capitaliste.
La question qui se pose maintenant est celle de savoir comment l’accumulation pourra se poursuivre cycle après cycle. Concrètement, où les entreprises pourront-elles se procurer des matières premières et des travailleurs supplémentaires ? À qui vendront-elles leurs quantités croissantes de marchandises ?

(à suivre)

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