Billet philosophique

Kosa i lé la démokrasi ?

26 février 2016, par Roger Orlu

Une élue réunionnaise, la maire de La Possession, vient de mettre en avant dans certains médias un concept très peu connu concernant la gouvernance de nos sociétés. Il s’agit de l’holacratie, « un nouveau mode de gouvernance » que Vanessa Miranville veut « mettre en place à La Possession dès 2016 ». Qu’en est-il de ce système de gestion, qu’elle qualifie de « sans managers » ? Et quel lien a-t-il avec la démocratie ?

Bernard Stiegler, un philosophe pour « la démocratie participative ».

Des philosophes du monde entier et de tous les siècles ont prôné la démocratie comme moyen idéal de gérer nos collectivités, nos pays voire la planète afin de faire respecter au mieux les droits humains et améliorer sans cesse notre ‘’vivre ensemble’’. Le mot ‘’démocratie’’, on le sait, vient de deux mots grecs : ‘’demos’’, le peuple ; et ‘’kratos’’, le pouvoir ; il signifie donc : ‘’le pouvoir au peuple’’.

Et que signifie l’holacratie ? C’est un concept très compliqué à propos duquel nous avons appris sur le site https://www.colibris-lemouvement.org/agir/guide-tnt/ qu’« il provient des mots grecs ‘’holos’’ désignant ‘’une entité qui est à la fois un tout et une partie d’un tout’’ et de ‘’kratos’’ signifiant ‘’pouvoir’’. Il s’agit donc de donner le pouvoir de gouvernance à l’organisation elle-même plutôt qu’aux egos de ses membres. En effet, l’holacratie est un système de gouvernance qui s’appuie sur des principes innovants et opérationnels pour permettre de faire émerger l’essence, la capacité d’innovation et le potentiel collectif de l’organisation en la libérant des peurs et des ambitions individuelles ».

« Piloter les yeux grands ouverts »

Sur cette base, faut-il opposer la démocratie et l’holacratie ? Sur le même site, on apprend que « le fondateur de l’approche holacratique, Brian Robertson, compare la pratique de l’holacratie à celle du vélo. Les organisations sont souvent pilotées à la manière d’un cycliste qui dirigerait son vélo les yeux bandés. L’holacratie signifie piloter les yeux grands ouverts. Cela peut paraître étrange, voire effrayant aux premiers abords, mais en fait c’est bien plus sûr et bien plus souple pour être capable d’anticiper puis gérer les événements inattendus ».

Mé kosa i lé la démokrasi ? C’est donner à toute la population le pouvoir de prendre d’une façon ou d’une autre — en tout cas « les yeux grands ouverts » — toutes les décisions qui concernent sa vie quotidienne et son avenir. Mais ce droit humain fondamental est-il respecté à La Réunion pour le peuple réunionnais et quels sont les pouvoirs de décision de nos compatriotes pour construire eux-mêmes, librement et de façon responsable, le développement durable de leur pays ?

Une « démocratie participative »

On sait parfaitement que ce n’est pas le cas et que c’est la réforme institutionnelle fondamentale à mettre en œuvre pour changer notre société afin de la rendre équitable, harmonieuse, solidaire et fraternelle (voir à ce sujet les propositions du Parti Communiste Réunionnais dans son projet ‘’Pour une nouvelle politique à La Réunion“). Et cela passe par une « démocratie participative », comme le préconisent les philosophes français Marc Crépon et Bernard Stiegler dans un essai publié aux éditions Mille et une nuits en 2007, où ils posent la question : « Chacun ne sent-il pas que, faute d’une nouvelle participation des humains à la construction de leur avenir dans toutes ses dimensions — et comme une nouvelle civilisation —, le monde court à sa perte ? ».

C’est également ce qu’ont souhaité une trentaine de militants de la société civile réunionnaise ayant participé ce mardi à la conférence de l’Association Initiatives Dionysiennes (AID) avec le Dr Bruno Bourgeon sur les graves menaces du projet de traité transatlantique entre les États-Unis et l’Union Européenne. D’où « la nécessaire mobilisation citoyenne » pour la démocratie organisée ce jeudi par AID avec le mouvement ATTAC sous le mot d’ordre : « Allô le PS ? Pas d’ISDS » (voir l’article ‘’cafeco 214’’ sur le site www.aid97400.re). Qu’en pense l’élue possessionnaise qui est soi-disant pour « une gouvernance écologique avec l’holacratie » mais qui en même temps est favorable à des incinérateurs dans le pays au détriment des Réunionnais… ?

Roger Orlu


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