Depuis sa naissance il y a 355 ans, le peuple réunionnais n’a cessé de résister de diverses façons à tous les crimes du colonialisme contre l’humanité dans notre pays. Ce furent les luttes des esclaves marons et rebelles pour la liberté, des engagés pour le respect de leurs droits humains, des travailleurs avec leurs syndicats contre les exploiteurs, des militants politiques anti-colonialistes comme de l’ensemble des forces vives réunionnaises pour faire respecter notre dignité.
De gauche à droite, Mikaèl Kourto, Anne Cheynet, Christophe Barret (dit Kafyab lo maronèr) et Sophie Louÿs, lors du kozman à Saint-Pierre sur le film ‘’Dann fon mon kèr’’.
Parmi ces forces vives, on peut citer par exemple les militants culturels, éducateurs, écrivains, poètes, artistes etc… qui cultivent notre identité et notre mémoire historique, comme l’ont fait il y a quelques jours les personnes ayant tenu trois conférences-débats sur la gravité de l’ordonnance Debré du 15 octobre 1960 pour éliminer les communistes et leurs sympathisants de la fonction publique. À cette occasion, outre les écrivaines Monique Le Toullec-Payet et Nelly Barret qui ont présenté leurs ouvrages pertinents à ce sujet, le sociologue Laurent Médéa a montré dans son film ‘’Les muselés de la République’’ les combats menés par les forces démocratiques du pays pour faire abolir cette ordonnance coloniale en 1972.
À propos des poètes qui valorisent la pensée créole réunionnaise, nous citerons Céline Huet, qui vient de publier avec Emmanuelle Catan et Peggy Loup Garbal un très bel ouvrage intitulé ‘’366 Pensées – Démaliz lo kèr’’. Un livre en créole réunionnais et en français qui nous donne de quoi réfléchir sur une idée chaque jour et de donner « peut-être naissance à d’autres pensées » comme dit l’auteure.
Le sens de cette création et de notre vie
Continuons à réfléchir sur les atouts de la poésie réunionnaise en parlant du très beau film réalisé par Sophie Louÿs sous le titre ‘’Dann fon mon kèr’’, projeté dimanche et lundi dernier à Saint-Denis et à Saint-Pierre, suivi d’échanges intéressants avec le public. Le synopsis du film nous dit que c’est « un cercle, un ron ! Des poètes s’y succèdent. La langue créole claque, leurs pieds vibrent sur la terre basaltique. Oté fonnkézèr “détak la lang, démay lo kèr ! ” (Oh poète ! déverrouille ta langue, démêle ton cœur !). Si la poésie avait cet étrange pouvoir d’aider à panser les plaies et les injures de l’histoire, si cette poésie était une manière d’être au monde, alors, sur l’île de La Réunion on la nommerait fonnkèr ».
Voici la liste des fonnkézèr participant à ce documentaire avec Annie Darencourt et Claire Karm : Patrice Treuthardt, Anne Cheynet, Axel Gauvin, Carpanin Marimoutou, André Robèr, Judith Profil dit Kaloune, Christian Jalma dit Pink Floyd/Floyd Dog, Willy Técher dit Babou B’jalah, Mikaèl Kourto, Francky Lauret, Stéphane Gilles, Sylvain Gérard dit Gouslaye, Christophe Barret dit Kafyab lo maronèr, Sully Andoche et la belle musique de Jako Maron.
Lors du kozman au ciné Rex de Saint-Pierre lundi dernier, il a été souligné notamment que la poésie réunionnaise nous fait souvent réfléchir sur le sens de cette création et de notre vie : kosa nana dann fon mon kèr ? Quels sont mes sentiments, quelles sont mes préoccupations ? Comment je les exprime aux autres ? Et pour faire quoi ensemble, dans quel but, au service de qui ?