Billet philosophique

Kosa nou fé ansanm pou sanz la sosiété ?

9 septembre 2011, par Roger Orlu

Plusieurs événements religieux survenus ces derniers jours et diverses prises de positions ou réflexions exprimées à cette occasion nous font réfléchir au rôle que peuvent assumer les fidèles des multiples croyances religieuses dans la transformation de notre société.

Le "billet philo" de vendredi dernier a été consacré notamment aux cérémonies commémoratives organisées fin août en Alsace et en Lorraine en hommage aux quelque 130.000 personnes de ces deux régions françaises incorporées de force dans l’armée nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Suite à cet article, une amie enseignante alsacienne, militante syndicale de la CGT, nous a fait parvenir le texte de la prédication d’un pasteur protestant le 25 août à l’église Sainte Marie de Colmar (Haut-Rhin) lors d’un office œcuménique à la mémoire des "Malgré-Nous".
À cette cérémonie, le pasteur Bernard Rodenstein, fondateur et responsable de l’association humanitaire Espoir, a rappelé en particulier que Jésus fut crucifié avant tout car il était un « libérateur des petites gens d’Israël, le peuple des pauvres, persécuté par les puissants, les chefs pleins d’hypocrisie et impitoyables avec les autres ». Il a également fait un lien entre la non-violence prônée par l’évangéliste Mathieu et « celle de Gandhi, Martin Luther King et bien d’autres encore », en lançant un appel à « bâtir ensemble une autre vie possible, une autre société possible », car si « nous commémorons les cruautés d’hier, c’est pour mieux leur tourner le dos et pour mieux offrir nos mains, nos cœurs et nos esprits à la construction d’un monde en paix ».

Agir « pour le bien commun »

Les propos de ce religieux et militant chrétien nous ont fait penser au message de Monseigneur Gilbert Aubry publié par "Témoignages" le 30 août pour saluer nos sœurs et frères musulmans réunionnais à l’occasion de la célébration de l’Eid-ul-Fitr à la fin du dernier ramadan. L’évêque de l’Église catholique à La Réunion y rappelle notamment la nécessité d’un lien entre les belles paroles des croyants et leurs comportements réels, parce que « les uns et les autres, nous avons toujours à travailler à la cohérence entre ce que nous proclamons et ce que nous vivons ».
Mgr Aubry ajoute : « Il s’agit aussi de dissiper les préjugés, de ne pas répondre à la polémique par la polémique ». Et il conclut en citant le cardinal Tauran, pour qui « cultiver la dimension spirituelle rend plus responsable, plus solidaire, plus disponible pour le bien commun ».
Ces objectifs essentiels d’un développement durable et humain sont exaltés également dans le communiqué publié le lendemain dans notre journal par le Conseil régional du Culte musulman de La Réunion, présidé par Houssen Amode, qui rappelle en particulier « l’expression du partage et de la solidarité envers les plus démunis » ayant marqué ce mois du ramadan. Et cette association « tient à souligner à cette occasion le climat de tolérance et de sagesse qui prévaut à La Réunion, où coexistent de multiples religions et croyances ».

Bann-la lé pa la èk sa

Voilà le sens que donnent plusieurs représentants de communautés religieuses à leurs croyances : il ne sert à rien de prêcher et de prier pour la fin de la misère, pour la justice et la paix, si l’on n’agit pas constamment ensemble pour trouver et créer les conditions concrètes du bonheur commun. Et lorsque nous disons "ensemble", cela ne concerne pas seulement les fidèles de telle ou telle religion comme leur hiérarchie ; cela concerne tous les citoyens, quelles que soient leurs convictions religieuses, philosophiques ou autres…
La question principale que nous avons donc à nous poser chaque jour n’est-elle pas : je fais quoi, concrètement, pour servir les autres, mon peuple et l’humanité… ? Quand on connaît l’individualisme, l’égoïsme, le sectarisme, le corporatisme, le "partisanisme", l’occultisme et tous les aspects du dogmatisme cultivés par les dirigeants de la bourgeoisie au service du système capitaliste, on sait sur quels drames quotidiens cela débouche. Mé bann-la lé pa la èk sa… !

Une œuvre commune

Certes, il y a des contraintes personnelles et familiales à satisfaire ainsi que des parcours individuels ou collectifs à respecter au nom du respect de la liberté d’opinion. Mais le respect de ce principe peut-il exclure celui du droit à la liberté des autres, et donc le devoir de la solidarité ?
Dans cet esprit et dans celui des interventions citées plus haut, comment renforcer à La Réunion l’œuvre commune entre mouvements religieux, syndicaux, politiques et associatifs afin de se donner les moyens de construire un avenir meilleur pour notre peuple ? Autrement dit : kosa nou fé ansanm pou sanz la sosiété ?

Roger Orlu

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