Billet philosophique

Kosa nou fé kont la malbouf ?

31 janvier 2014, par Roger Orlu

Le mercredi 22 janvier dernier, l’association Arcadie de La Réunion, présidée par Céline Chabut, a organisé au café culturel ’La Cerise’ de Saint-Paul un débat très intéressant sur un problème que l’on a tendance à sous-estimer dans le monde politique, administratif, médiatique et éducatif du pays : « quelles sont les évolutions et les conséquences des nouveaux modes d’alimentation ? ». Outre les nombreuses informations données au public sur les effets de la ’malbouffe’ à La Réunion et sur ses causes, cette rencontre a également ouvert des pistes de réflexion sur le problème fondamental qui est à la base de tout cela : quel est le pouvoir de décision du peuple réunionnais à ce sujet comme pour toutes les autres questions qui le concernent ?

Une partie du public au débat de l’association Arcadie de La Réunion sur le thème : « quelles sont les évolutions et les conséquences des nouveaux modes d’alimentation ? ».

Dans un premier temps, un médecin, la docteure Marie-Claude Galland, a expliqué à quel point « La Réunion a vu une modification importante de ses modes de vie et de sa nutrition depuis une trentaine d’années », où « elle est passée très rapidement d’une vie de frugalité à une potentielle surconsommation », avec « ses impacts sur la santé et ses conséquences sur des pathologies qui sont beaucoup plus importantes chez nous qu’en France, comme l’obésité et le diabète ». Elle a également évoqué diverses causes des maladies liées à la sur-alimentation : trop de graisse, de sel et de sucre, les multiples polluants toxiques dans l’agriculture, comme les pesticides, engrais chimiques, hormones, OGM…, mais aussi la publicité en faveur de l’hyper-alimentation et la gourmandise, le tout-automobile comme mode de déplacement au détriment de l’activité physique etc.

La docteure a donc donné plusieurs conseils afin de « manger plus léger et plus sain », en suivant des exemples comme ceux du régime dit « crétois » ou « méditerranéen » ou encore celui de la région japonaise d’Okinawa. Et elle a attiré l’attention sur le fait qu’« il y a un problème d’information sur ce que l’on mange ».

« Le poids des multinationales et de la finance »

Ensuite, les échanges avec le public ont porté sur des actions déjà entreprises depuis quelques années à La Réunion pour faire face à ce problème ainsi que sur des projets allant dans le même sens. On peut citer notamment les analyses de l’Observatoire Régional de la Santé sur le diabète et le PRAANS (PRogramme Alimentaire Activités Nutrition Santé) ; à ce sujet, Marie-Claude Galland vous conseille vivement de consulter deux sites : http://www.ors-reunion.org et http://www.ars.ocean-indien.sante.fr/fileadmin/OceanIndien/Internet/Politique_de_sante/PRS/PRS_PRAANS_def_modifie.pdf

Au cours du débat, des intervenants ont également fait allusion aux multiples actions menées dans le pays par des associations de militants bénévoles pour aider les personnes victimes du système alimentaire. D’autres ont également souligné « le poids des multinationales et de la finance » dans un système économique qui ne favorise pas l’autosuffisance alimentaire du pays en refusant d’accorder la priorité à la valorisation des atouts de notre agriculture traditionnelle et bio.

Un peuple immature ?

Ces interventions posent en fait des questions essentielles généralement sous-estimées par le pouvoir politique, économique et médiatique :

• quels sont les pouvoirs du peuple réunionnais d’interdire l’importation à La Réunion de tous les aliments, médicaments et autres produits pollués comme de tous les produits polluants de notre environnement et de notre agriculture ?

• quel est le pouvoir de décision du peuple réunionnais de mettre notre économie avant tout au service de la santé et du bien-vivre ensemble des femmes et des hommes de notre pays ?

• face à un système qui privilégie le profit maximum des néo-colonialistes et de la bourgeoisie au détriment des plus pauvres (plus de la moitié de la population, victime de l’apartheid social institutionnalisé par l’État français), la clé principale n’est-elle pas l’instauration d’un régime démocratique pour un développement durable, solidaire et responsable ?

• âgé de 350 ans, pourquoi le peuple réunionnais n’est-il toujours pas reconnu en tant que tel par les assimilationnistes, qui le considèrent comme immature, incompétent et sommé d’obéir sans cesse aux décideurs-profiteurs ?
« Assé lèss lé zot désid pou nou ! », comme le dit avec force Maximin Boyer dans sa magnifique chanson "La Rénion ni yinm".

Roger Orlu

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