Billet philosophique

L’importance de la culture des liens intergénérationnels

27 avril 2018, par Roger Orlu

Tout le monde sait que parmi les conditions d’un développement durable à La Réunion il y a la nécessité de créer des liens économiques, sociaux et culturels équitables, solidaires et respectueux des droits de tous les citoyens, dont le droit à la responsabilité. Pour aller dans ce sens, on doit peut-être aussi cultiver des liens de solidarité entre les diverses générations de notre peuple pour être fidèles à tous nos ancêtres combattants de la justice et la liberté.

Zanmari Baré èk René Lacaille é zot bann dalon o Téat Plein Air Sinzil lo 21 avril. (photo K.B.)

La conférence tenue le 20 avril dernier au Centre culturel Lucet Langenier de Saint-Pierre par l’historien, guide, conférencier et écrivain Énis Rockel avec Les Amis de l’Université sur ‘’François Mussard, dit « Oreilles », chasseur de marons’’ a donné de quoi réfléchir à ce sujet. En effet, à cette occasion, il a été rappelé avec précision comment celui qui est qualifié de « Hitler de notre histoire réunionnaise de l’esclavage » a accompli de façon terrible, au service de l’État colonial français et des classes dominantes du pays, des chasses mortelles contre les esclaves en fuite et résistants.
En citant les découvertes de plusieurs historiens comme Sudel Fuma et Bruno Maillard sur ces chasses, Énis Rockel a aussi rappelé par exemple que les chasseurs de marons sont devenus très riches en livrant aux gouverneurs les oreilles des esclaves rebelles massacrés. Et François Mussard a reçu du roi Louis XIV un fusil que l’on peut voir dans l’importante exposition de Charlotte Rabesahala et Laurent Hoarau sur le maronage au Centre culturel Sudel Fuma (en face de la mairie de Saint-Paul).

« Li mazine lo tan lèsklavaz »

Un autre événement d’actualité qui a contribué de façon très pertinente à la culture réunionnaise des liens intergénérationnels est le concert tenu le 21 avril au Téat Plein Air de Saint-Gilles par Zanmari Baré et René Lacaille avec plusieurs autres artistes talentueux de divers âges. À cette occasion, Zanmari Baré a chanté par exemple ‘’Déor in paradi’’, où il dénonce le crime dont ont été victimes des milliers d’enfants réunionnais dans les années 1960-70 déracinés de leur pays car « Débré la di (…) déor la Mèr Patri ».
Un autre chant que l’on peut citer dans son album ‘’Voun’’ et qu’il a proclamé ce soir-là en raison « de la nécessité de nous rappeler l’histoire de notre pays, ô combien tragique, pour comprendre notre présent » est ‘’Pokor’’. Ce chant rappelle les douleurs des ancêtres esclaves et engagés : « Monmon i plèr dan la kaz, son larm la tonbé, li mazine lo tan lèsklavaz, son doulèr pokor alé ».

« La pa nou pou larg lo kor »

Enfin, nous citerons la prestation de René Lacaille, qui a notamment rendu hommage à des artistes ayant marqué notre histoire culturelle par leurs engagements pour le maloya longtemps interdit, comme par exemple Madoré et Hervé Imar. Aux côtés de jeunes artistes, comme deux de ses enfants et Arnaud Bazin, il a aussi montré à quel point il est important pour les gramoun de passer le relai à la jeunesse pour continuer une œuvre accomplie pendant des décennies.
Pour illustrer la richesse de ces liens intergénérationnels, qui ont beaucoup plu au public très nombreux, René Lacaille était également accompagné par Tikok Vellaye et bien sûr par Zanmari Baré. Et celui-ci avait lui-même rendu hommage dans l’un de ses chants à Dédé Lansor, ce célèbre militant culturel décédé en 2013, qualifié de « aou minm minm Zélindor » (un esclave maron), auquel il veut rester fidèle en lui disant : « Té dalon Dédé Lansor, non la pa nou pou larg lo kor ».

Roger Orlu

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Messages

  • C’est vrai que si on imagine l’île de la Réunion, comme d’autres aussi finalement, remplie de chômeurs, de détritus déposés dans les décharges, plus ou moins officielles comme les déchetteries et hélas les ravines, puis plein de bâtiments, de magasins plus ou moins grands, dés distributeurs de produits pas vraiment "péi", importés de pays lointains, là on sera bien triste car mis à part les bichiques qui auront rejoints les espèces disparues, puis celles végétales et animales qui auront été importées volontairement ou pas comme les plantes envahissantes, le parasite des abeilles depuis l’an dernier qui déssime les ruches donc réduit considérablement le miel "péi", dont aussi par voie de conséquence les fruits et légumes qui ont besoin de polinisation pour produire, bref, il y a de quoi s’inquièter. Surtout si à cela on rajoute les gaz d’échappement des moteurs diésel en particulier, chargé particulièrment en micro particules toxiques, cancérigènes pour nos poumons, ceux de nos enfants nés ou à naitre, ne l’oublions pas, puis la montée des eaux de mer, les zones inondables construites le bétonnage et enrobage goudronnage des sols anciennement agricoles.... Où allons-nous ? Bon WE à tous et toutes, Artur.


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