Billet philosophique

L’importance et le sens de l’amour

22 janvier 2010, par Roger Orlu

C’est un sujet quasi tabou, ou du moins rarement évoqué dans des débats publics (surtout philosophiques), et en même temps c’est un thème très délicat à traiter. D’abord, parce qu’il concerne la vie intime et privée des personnes ; ensuite, parce qu’il est très complexe car lié à la fois aux relations entre des personnes, à des questions psychologiques, à des choix de vie, à des conditions d’existence et à des points de vue qui évoluent, etc. Nous voulons parler des relations entre deux personnes sur le plan conjugal ou para-conjugal.

D’emblée, on peut nous dire que l’analyse des relations dites amoureuses ou personnelles entre deux êtres humains — pas forcément de sexe différent — ayant décidé de vivre ensemble ou d’avoir des rapports étroits, voire intimes, n’a déjà rien à voir avec la philosophie. Cela concerne plutôt des spécialistes de sciences humaines comme la psychologie voire médicales comme la psychiatrie, la sexologie, ou des conseillers conjugaux.
On peut estimer également que c’est une question sans importance par rapport aux problèmes sociaux comme la misère, les inégalités, l’exploitation de l’Homme par l’Homme ; c’est en effet cela l’essentiel qu’il faut transformer, en abolissant ce système inhumain. Tout le reste dont nous parlons relève de la vie privée et il revient à chaque personne de gérer elle-même ce problème comme elle l’entend.

Philosophie et amour

On peut toutefois objecter que les problèmes conjugaux ont également une dimension sociale. On pense évidemment aux violences, parfois tragiques, dont sont victimes de nombreuses personnes — surtout des femmes — de la part de leur époux, conjoint, amant, etc.
Mais il y a aussi tous les troubles personnels, familiaux et sociaux que produisent les divorces, ruptures et autres séparations dans des couples. Sans parler des souffrances, frustrations et autres épreuves subies par des hommes et des femmes qui continuent simplement à cohabiter avec une autre personne mais sans avoir de relations d’amour avec ce partenaire.
Ne s’agit-il pas là d’un problème que l’on peut tenter d’analyser d’un point de vue philosophique ?

Apprendre à s’aimer

Tout le monde connaît l’énorme proportion de divorces et de séparations qui interviennent dans des couples. Encore une fois, il n’est pas question ici de porter un jugement moral ou autre sur ces faits, et les personnes concernées sont libres de leurs comportements. D’autant plus que certaines de ces ruptures sont parfois indispensables, voire bienvenues et bien vécues.
Mais elles sont aussi parfois douloureuses, avec des séquelles personnelles ou familiales pénibles. En tout cas, l’instabilité, la tension et la précarité font partie des caractéristiques de notre société dans tous les domaines et elles nous interpellent si nous nous intéressons à la qualité de notre vivre ensemble.
Pouvons-nous donc minimiser l’importance de l’amour dans nos sociétés ? Et quel effort est accompli au service de la culture de l’amour par l’Éducation nationale ? Apprendre à s’aimer ne pourrait-il pas être une des tâches de ce service public comme de tous les autres espaces publics d’éducation et d’échanges ?

Agir dans la même direction

En effet, une des questions qui se posent lorsqu’on décide de vivre ensemble à deux, voire de tisser des liens officiels comme le mariage ou le Pacte civil de solidarité (PACS), est de savoir pourquoi et surtout pour quoi, en vue de quoi, au service de qui et de quoi on prend cette décision. Est-ce pour la vie entière, quoi qu’il en coûte, en cherchant à s’aimer toujours plus et mieux, ou bien provisoirement, tant que cela marchera ? Est-ce pour des intérêts personnels et/ou communs ? Est-ce uniquement pour des raisons sentimentales, voire d’attirance sexuelle passagères, ou bien également — voire avant tout — sur des bases rationnelles, autour de principes essentiels et de valeurs humaines fondamentales, en vue de réaliser ensemble un ou des projets partagés ?
Comme disait l’écrivain Antoine de Saint-Exupéry, « aimer ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ». On pourrait ajouter : agir ensemble dans le même sens.
D’où l’importance aussi du sens que l’on donne à l’amour : quel contenu, quelles perspectives, quel objectif… ? Si c’est s’aimer toujours plus, c’est autre chose que l’envie de coucher ensemble.

La Réunion, une île d’amour !

Dans un de ses derniers livres, intitulé “L’éloge de l’amour”, le philosophe communiste Alain Badiou présente l’amour « comme une procédure de vérité, une expérience réelle profondément humaine de la différence, de l’altérité, non vécue dans le conflit d’intérêts, mais comme condition sine qua non de co-construction du sens, de l’existence ; une promesse de réinvention de la vie ».
Selon un de ses critiques, pour lui, « l’amour s’initie dans la rencontre pour devenir un "deux", puis la vie à deux se construit et l’amour se réalise dans la durée. Outre l’extase des commencements, l’amour est une construction durable qui triomphe malgré les obstacles ».
Conclusion : l’amour ce n’est pas la cohabitation, c’est avant tout la recherche constante du bien commun, de l’intérêt commun, du bonheur commun. D’où le lien entre l’amour et le communisme. C’est pourquoi, comme nous l’avons déjà dit dans cette chronique, allons nous battre pour faire de La Réunion une île d’amour !

Roger Orlu

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