Billet philosophique

La culture de l’amitié entre les peuples de l’océan Indien

30 mars 2018, par Roger Orlu

Les drames vécus actuellement par plusieurs peuples frères de l’Indianocéanie — comme par exemple celui des quatre îles comoriennes, avec les conflits entre les Mahorais et les autres Comoriens — doivent nous faire réfléchir sur les causes de ces drames et sur les voies pour les résoudre. Des événements survenus à La Réunion ces derniers jours nous ouvrent des pistes de réflexion à ce sujet.

La conférence de Charlotte Rabesahala aux côtés de responsables de la Fédération des Entités Œuvrant pour Madagascar à La Réunion.

Tout d’abord, nous voudrions citer le comportement admirable et exemplaire du Swami Advayananda, qui a hébergé dans son ashram du Port quatre de ces six migrants sri-lankais naufragés à La Réunion après avoir fui leur pays à cause des violences subies du fait de leurs croyances religieuses et de leurs engagements politiques. Ce religieux hindouiste réunionnais, qui fait partie des responsables du Groupe de Dialogue Inter-religieux de La Réunion, présidé par Idriss Issop-Banian, a montré la voie à suivre face à ce genre de problèmes humains : la solidarité avec les victimes d’injustices.

Cette solidarité doit s’exprimer globalement avec les victimes du système néo-colonial mis en place par l’État français dans notre région, comme l’explique Justin dans ‘’Témoignages’’ du 22 mars dernier à propos des drames aux Comores : « Kom la Frans i yèm mèt son né ousa i fo pa, lo 3 zyin 1975, lo Prézidan Ziskar Déstin èk son governman la désid kom in kidnaping : lo zanfan Komor i apèl Mayot’. Poukoué alé vol in zanfan larsipèl Komor ? In koud-fors kondané par bann Nasion Uni, èk l’OUA, mé la Frans kolonialis té pa la èk sa. Zordi, Komoryin èk Maoré i batay, i tié inn-a-l’ot rant’ kouzin minm san. Mayot’ lé paralizé, lé fouti. La Frans lé pri dann la kol li minm la fabriké. Mé ousa i lé zordi lo bann politisyin péi té ki pouss la rou ziska dann lo bann z’ané 74-75 ? ».

Mieux connaître nos ancêtres

Cette amitié à cultiver entre les peuples de l’océan Indien a été exprimée de façon intense, à la fois artistique et scientifique, le samedi 24 mars aux Berges de La Rivière des Roches (Bras-Panon) lors de la célébration du nouvel an malagasy par la Fédération des Entités Œuvrant pour Madagascar à La Réunion (FEO), présidée par Pana Reeve. Cet événement fut aussi l’occasion de célébrer le 355e anniversaire de la naissance du peuple réunionnais en novembre 1663, où deux « volontaires français » et dix « serviteurs malgaches, en fait des esclaves capturés, dont trois femmes », furent les premiers habitants pérennes du pays.

L’anthropologue Charlotte Rabesahala a tenu une conférence très intéressante à ce sujet, en soulignant notamment que « ces ancêtres méritent qu’on les connaisse mieux ». D’où l’importance du travail pédagogique à mener à ce sujet et de voir la magnifique exposition réalisée par cette historienne sur les esclaves marones et marons de La Réunion, à voir jusqu’à la fin de l’année au Centre culturel Sudel Fuma en face de la mairie de Saint-Paul.

« Arèt fé sanblan ! »

Comme d’habitude, ces valeurs humaines ont été cultivées avec pertinence par le philosophe réunionnais Farouk Issop lors de sa conférence du samedi 24 mars à la bibliothèque Alain Peters du Moufia sur le thème ‘’Mystique et poésie en Islam’’, où il a notamment cité les riches pensées de poètes soufistes comme Rûmî (13e siècle). Il a aussi souligné les liens entre la poésie soufie et les philosophies ou autres poésies les plus célèbres du monde entier, qui font toutes partie du « patrimoine de l’humanité ».

C’est pourquoi, comme l’a dit Farouk Issop, « pour aller vers la lumière, il faut une posture non dogmatique, car la question de l’éthique est essentielle aujourd’hui dans notre monde. Il faut une spiritualité proche des pauvres, des personnes en souffrance, en synchronisant le cœur et la raison ; é arèt fé sanblan ! ».

Roger Orlu

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