Billet philosophique

La culture réunionnaise de la résistance et de la responsabilité

10 décembre 2016, par Roger Orlu

Dans le ‘’Manifeste pour une pensée créole réunionnaise’’ publié en novembre 2011 par le Cercle Philosophique Réunionnais sous la direction de sa présidente Aude-Emmanuelle Hoareau, l’un des rédacteurs, José Macarty, nous explique que l’un des « ressorts principaux de la philosophie réunionnaise est le marronnage ». C’est-à-dire la lutte de nos ancêtres esclaves pour la liberté ; une lutte qui a continué ensuite contre l’engagisme, contre la colonisation du pays et toutes les autres formes d’oppressions, d’injustices, de pollutions, d’absurdités, etc. qui nous sont toujours imposées par ce système aujourd’hui.

La ‘’une’’ du livre sur le combat d’Abady Egata-Patché.

De nombreuses actions ont été organisées la semaine dernière à La Réunion pour tirer des enseignements de ces combats et voir ensemble comment leur être fidèle en les continuant. Nous citerons d’abord la très belle conférence organisée le 1er décembre à Saint-Denis par les Amis de l’Université avec l’historienne réunionnaise Marie-Ange Payet sur ‘’Les femmes dans le marronnage à La Réunion de 1662 à 1848’’, où de nombreuses informations ont été données sur « les épreuves pénibles » affrontées par ces résistantes à l’esclavage, sur « les fusions étroites entre les marronnes malgaches et africaines » ainsi que sur le fait qu’« il y a encore beaucoup de travail à faire sur le marronnage ».

Le lendemain à Saint-Denis, l’association Mémoire de Crève-Cœur (Saint-Paul), présidée par l’entrepreneur Abady Egata-Patché, a tenu une conférence de presse pour présenter le livre qu’elle vient de publier avec l’aide de Jean-Régis Ramsamy, docteur en histoire et journaliste, sous le titre : ‘’Abady Egata-Patché accuse : l’engagisme a été un crime contre l’humanité’’. Or ce combat très important pour la reconnaissance de ce crime par l’État français a reçu dès la présentation de ce livre le soutien de plusieurs personnalités réunionnaises, dont l’universitaire Michel Latchoumanin, mais aussi de représentants de l’Inde et de Maurice.

Une « semaine révolutionnaire »

Cet engagement pour faire réparer de graves violations des droits fondamentaux de notre peuple a pris une dimension internationale lors de la 7e édition du festival du film documentaire de Saint-Denis intitulé ‘’Les révolutions dans l’histoire’’ et organisé par l’historien réunionnais Bruno Maillard avec son association Protéa du 3 au 10 décembre. Durant toute une semaine, la projection de 16 films suivie de débats ainsi que l’organisation de 6 conférences-débats et de 8 séances-scolaires avec des projections suivies d’un échange avec des élèves sur des révolutions dans 8 pays du monde entier ont permis à des historiens de montrer comment « les révolutionnaires s’appliquent à modifier en profondeur les structures économiques, sociales et culturelles d’une société ».

Ce festival a aussi démontré à quel point, « fortes de leaders charismatiques, les révolutions nous renvoient en outre aux puissantes dynamiques collectives qu’elles engendrent, métamorphosant les peuple opprimés en une multitude d’acteurs citoyens ». Pas étonnant, sur cette base que « cette semaine révolutionnaire » ait été dédicacée à Paul Vergès, en hommage à ce grand militant réunionnais ayant lutté durant toute sa vie contre toutes les formes d’inégalités et de soumissions à La Réunion et dans le monde.

« Une éducation à la responsabilité »

Un autre événement qui illustre ce que nous venons de dire s’est déroulé le dimanche 4 décembre à Saint-Leu à l’initiative de REAGIES, une association pour la Réflexion, l’Échange, l’Animation Globale, l’Insertion par l’Economie et la Solidarité afin de commémorer la révolte du peuple malgache contre les colonialistes français en 1947 et la répression criminelle massive (environ 100.000 morts) dont il a été victime. Des perspectives ont été aussi tracées lors de ce rassemblement massif de militants associatifs, syndicaux, politiques et artistiques en faveur de la culture de la solidarité entre les peuples de l’Indianocéanie, dans la continuité de la solidarité qui s’est exprimée entre Réunionnais et Malgaches anti-colonialistes face à cette répression de 1947.

L’importance de cette culture a été exprimée aussi lors d’une conférence tenue le 3 décembre à Sainte-Suzanne par le psychologue réunionnais Luc-Laurent Salvador, président de l’association Educapsy, sur la violence et la réconciliation. Face à une « violence contagieuse qui se trouve au fondement des sociétés humaines », ce militant pour « une réconciliation non violente » a plaidé avec force pour « une éducation à la paix qui commence par une éducation à la responsabilité ». Voilà une perspective claire pour développer la culture réunionnaise de la résistance et de la responsabilité…

Roger Orlu

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