Billet philosophique

La filo èk lo vélo i marsh ansanm !

16 avril 2010, par Roger Orlu

Il est plus facile de casser un atome que certains préjugés, disait le célèbre physicien et penseur Albert Einstein. Parmi les préjugés difficiles à surmonter auxquels sont confrontés les militants du développement durable, il y a ceux qui entourent l’usage du vélo comme moyen de déplacement pour nos besoins quotidiens sur de courtes distances.
Ces préjugés concernent notamment la soi-disant dangerosité du vélo. Or, toute personne est capable de se déplacer à vélo en assurant elle-même sa sécurité en toute responsabilité par une prudence et une vigilance permanentes, en respectant les règles de la circulation.
Cette sécurité est encore plus assurée si l’on se rend visible avec un linge de couleur vive ou fluo et si l’on équipe son vélo d’un rétroviseur. Celui-ci vous permet d’avoir constamment un regard facile et attentif sur les véhicules qui vont vous doubler.
Donc le vélo n’est pas plus dangereux qu’un autre moyen de déplacement. À condition d’être constamment prudent et attentif aux autres usagers de la route.

Les avantages du vélo

Le mardi 6 avril dernier au Port, le général Yvon Lucas, vice-président du Comité Réunionnais de Promotion du Vélo (CRPV), a présenté un exposé avec un magnifique diaporama sur les raisons et les moyens de développer l’usage du vélo pour se déplacer. Il a notamment expliqué les nombreux avantages du "bouzé a vélo".
Ceux-ci concernent aussi bien les collectivités et les individus d’un point de vue économique, environnemental et social. En effet, les déplacements à vélo sont moins coûteux que les déplacements motorisés en termes d’aménagements, d’équipements et d’espaces de stationnement. Ils sont plus avantageux pour la préservation de l’environnement et ils sont très favorables pour développer les liens sociaux.
Yvon Lucas a également souligné les avantages des déplacements à vélo pour la santé. Il a signalé que « faire du vélo relève presque de l’urgence médicale, selon l’Organisation Mondiale de la Santé », qui note : « Une activité physique accrue, notamment la marche ou la bicyclette, réduira le nombre de décès et d’incapacités par maladies chroniques et améliorera la qualité de vie. Ces moyens de déplacements fondamentaux permettent de réduire de moitié les risques de cardiopathie coronarienne et diminuent aussi le risque de diabète, d’hypertension, d’ostéoporose, d’obésité et de cancer du côlon ». Yvon Lucas a ajouté : « Pas besoin d’être un sportif accompli pour remplir cet objectif, une demi-heure de vélo par jour suffit ». (1)

Activité physique et méditation

Est-ce que la philosophie peut s’intéresser à l’amélioration et à la préservation de notre santé ? Si la réponse est positive, signalons que lors d’un récent congrès du Club des Villes et Territoires Cyclables en France, le docteur Le Guen avait plaidé dans le même sens qu’Yvon Lucas au cours d’un atelier spécialement consacré aux avantages du vélo pour la santé des citoyens. Il avait même proposé que l’acquisition d’une bicyclette soit prescrite, voire remboursée en partie par la Sécurité Sociale, tellement cela fait du bien à la population.
Le docteur David Servan-Schreiber publie ces jours-ci la seconde édition de son livre best-seller "Anticancer" paru en 2007, traduit en 34 langues et vendu dans le monde à plus d’un million d’exemplaires. Il y parle de sa propre expérience et il évoque l’importance des défenses naturelles du corps contre le cancer. Il décrit les changements de style de vie qui contribuent à prévenir la maladie ou à suppléer aux traitements conventionnels pour ralentir son évolution et contribuer à la guérison.
Il explique que l’activité physique quotidienne, comme par exemple l’utilisation du vélo pour se déplacer, « réduit la quantité de tissus adipeux, principal site de stockage des toxines cancérigènes » ; elle « modifie en profondeur l’équilibre hormonal, réduisant les excès d’œstrogène et de testostérone qui stimulent la croissance des cancers, notamment du sein, prostate et ovaire, utérus et testicule ». Elle « réduit aussi le taux de sucre dans le sang et donc la sécrétion d’insuline qui contribue si dramatiquement à l’inflammation des tissus et à travers elle à la dissémination des tumeurs ».
Pour le docteur Servan-Schreiber, l’activité physique comme la méditation joue donc directement sur le système immunitaire et protège aussi contre le stress des mauvaises nouvelles...

« La bicyclette ouvre au vagabondage de l’esprit »

Ainsi donc, des pieds à la tête en passant par le côlon, le vélo ne fait que du bien car il concerne aussi bien la santé mentale que physique. Et il favorise même la réflexion, le questionnement, la culture de l’esprit critique, c’est-à-dire la philosophie.
C’est ce que nous explique Thierry Paquot dans le dernier numéro de "Philosophie Magazine" (avril 2010), dans un article intitulé “En roue libre”. (2) Ce professeur de philosophie à l’Université de Créteil dans la région parisienne écrit que « pédaler n’est pas une activité qui absorbe toute votre disponibilité et vous empêcherait de penser, de rêvasser ou encore d’observer les paysages que vous traversez. Non, la pratique de la bicyclette ouvre au vagabondage de l’esprit ».
Il explique comment « l’usage du vélo combine judicieusement les jambes et la tête » et il raconte comment il philosophe en se rendant à son travail à l’université, à vélo : « Je révise mon cours et trouve les enchaînements que je cherchais vainement la veille au soir dans mon bureau ». Il ajoute : « Le moindre périple que j’effectue alimente mes réflexions ».
Pou sa mèm, nou pé di : la filo èk lo vélo i marsh ansanm !

Roger Orlu

* Merci d’envoyer vos critiques, remarques et contributions afin que nous philosophions ensemble… ! [email protected]

(1) Voir "Témoignages" du lundi 12 avril 2010.
(2) Thierry Paquot est l’auteur du livre "Les Faiseurs de villes" qui vient de paraître chez Infolio.


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