Billet philosophique

« La fin de la pauvreté ? » … À condition que nous prenions notre avenir en mains

19 novembre 2010, par Roger Orlu

Lundi dernier au Théâtre Canter de l’Université de La Réunion, dans le cadre de la Journée mondiale de la philosophie sous l’égide de l’UNESCO, le Ciné Campus a organisé avec le Cercle philosophique réunionnais une projection-débat avec le film “Fin de la pauvreté ?”, du réalisateur français Philippe Diaz. Né à Paris, ce diplômé de philosophie à la Sorbonne, s’est lancé dans le cinéma au début des années 80 et il a déjà produit plusieurs œuvres dénonçant les horreurs et les causes de la pauvreté dans le monde. En donnant la parole à des victimes de la misère et à des experts du sous-développement dans son film de 2009, ce cinéaste et militant humaniste interpelle tous les citoyens de la planète sur les voies et moyens d’abolir ce système criminel qu’est le capitalisme. Et les Réunionnais sont invités à réfléchir sur la façon dont ils doivent assumer leur responsabilité personnelle et collective pour régler eux-mêmes les affaires de leur pays.

« Alors qu’il y a tant de richesse dans le monde, pourquoi y a-t-il encore tant de pauvreté ? » Voilà la question à laquelle répond le film réalisé l’an dernier par Philippe Diaz. La réponse est donnée par des économistes de renom et par des acteurs sociaux du monde entier, mais aussi par des habitants de bidonvilles, des ouvriers agricoles et d’autres personnes souffrant toujours davantage de la faim et de la misère.
Et cette réponse est simple : ce film démontre clairement comment, depuis le début des conquêtes coloniales par les puissances européennes il y a cinq siècles, le Sud finance le Nord. Ce système a continué ensuite à travers les entreprises économiques et financières multinationales ainsi que les organisations internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce, qui ont imposé leur modèle économique et leur idéologie dominante.

Un système barbare

Résultat : comme dit la journaliste Laetitia Ratane, « l’esclavage perdure en se nourrissant de la perte du savoir-vivre et du savoir-penser de millions de personnes, contraintes de travailler la terre de leurs ancêtres toujours aux mains de riches exploitants. (…) Le pillage des richesses sévit inlassablement via la destruction des industries locales, des savoir-faire et des techniques. Une privation qui condamne les peuples à importer des produits manufacturés et allonge dangereusement la dette déjà insurmontable que les ex-puissances coloniales ont illégalement abandonnée aux pays nouvellement libres, au moment de la décolonisation ».
Autres résultats de ce système barbare : « le déséquilibre des échanges, l’inégale répartition des impôts ou encore le monopole de 85% des ressources de la planète par 25% de la population mondiale », sans oublier les 16.000 enfants qui chaque jour meurent de faim et d’autres maladies liées à la pauvreté, tandis que l’an dernier le monde a consacré 1.531 milliards de dollars aux dépenses militaires, alors qu’une vingtaine de milliards suffirait pour réduire la pauvreté de moitié.

Résister à l’exploitation

Ce film présente également « des solutions permettant de rompre ce cercle infernal. Là encore, le cinéaste martèle : l’arrêt de la privatisation des ressources naturelles, la révision de l’économie de marché, l’effacement de la dette internationale et plus que tout la préservation des richesses de la planète ».
Tous ces graves problèmes et leurs solutions ont été évoqués ensuite lors d’un échange très intéressant animé par Christine Pic-Gillard, présidente du Ciné-Campus, qui a souligné avec raison « la clarté de la démonstration de ce film ». Elle a également mis l’accent sur « le déséquilibre entre les détenteurs du pouvoir et la population ».
Pour sa part, Bernard Pitou, responsable du Cercle philosophique réunionnais, a attiré l’attention sur « le poids et la responsabilité de la religion dominante dans le monde parmi les causes de la pauvreté ». Et Jacques Pénitot, responsable de la Ligue des droits de l’Homme à La Réunion, a appelé à « la résistance contre l’exploitation des travailleurs par les tenants du capital, constamment à la recherche du profit maximum ».

Dialogue entre Réunionnais

Finalement, ce film et ce débat "ciné-philo" ont démontré à quel point il est important de promouvoir la philosophie pour nous aider à réfléchir sur notre société et l’analyser pour la transformer. Ils nous ont prouvé également qu’il est utile de faire le lien entre l’Histoire du monde, celle de La Réunion et la situation actuelle sur la Terre comme dans notre pays.
Le dialogue entre Réunionnais sur toutes ces questions doit donc se développer, afin de nous entendre entre nous le plus largement possible sur un projet global et cohérent spécifique, décidé et à réaliser par les Réunionnais eux-mêmes pour libérer La Réunion de toutes ses oppressions et injustices. Sinon la politique, l’éducation, l’information, le mouvement social, la philosophie etc. ne servent à rien.

Rozé Orlu
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