Billet philosophique

« La pensée universelle de Rabindranath Tagore »

24 mai 2013

« Comment éduque-t-on un enfant à l’universel ? Qu’est-ce que l’unicité de la vie ? Qu’est-ce que la responsabilité sociale ? Qu’est-ce qu’un programme de reconstruction économique et sociale ? Qu’est-ce que l’interdépendance des peuples et des nations ? Comment faire coexister peuples et civilisations ? Qu’est-ce que les obligations envers l’humanité ? Voici quelques questions importantes qui fondent la pensée universelle du poète indien Rabindranath Tagore (1861-1941), prix Nobel de littérature en 1913 ». Ces questions ont été évoquées samedi dernier à la bibliothèque Alain Peters du Moufia par le Docteur Gilles Sagodira, professeur d’éducation à l’Université de La Réunion. Nous publions ci-après des extraits de son exposé très intéressant et bien illustré en diaporama de photos, qui a ensuite donné lieu à des échanges très riches avec le public.

Le Docteur Gilles Sagodira.

• Comment éduque-t-on un enfant à l’universel ?

Tagore pensait que le stade de l’enfance était le plus propice chez l’être humain à recevoir une éducation universelle pour la vie. (…) Ces aptitudes, selon lui, sont inhérentes à la tradition de chaque culture ; pour les développer, il faut nécessairement accueillir et incorporer les expériences nouvelles.

• Qu’est-ce que l’unicité de la vie ?

Selon le principe de l’unicité de la vie, développé par les Upanishad, nous sommes interdépendants en tout acte. Dans "Les vicissitudes de l’éducation" (1892), Tagore défend l’idée selon laquelle un constant et intime contact avec la nature est nécessaire au développement normal de l’enfant. (…) L’équilibre et l’harmonie de l’être humain avec l’univers tout entier ne peuvent naître que de sa conscience esthétique et morale pour « développer un esprit joyeux dans un corps sain »  ; chaque enfant doit pouvoir découvrir la beauté du monde et vivre la moralité imprégnée de l’esprit de la beauté.

• Qu’est-ce qu’un programme de reconstruction économique et sociale ?

Tagore va plus loin encore dans "L’école d’un poète" (1926), en proposant un idéal d’éducation où l’école ne serait pas isolée de la vie sociale et économique et aurait même, à travers un moment quotidien d’échanges sur l’actualité, une fonction de régulateur des relations parents — enfants en élevant leurs responsabilités sociales respectives. À la longue se forgerait une conscience sociale individuelle et collective.

• Qu’est-ce que l’interdépendance des peuples et des nations ?

Dans "Suite de l’éducation" (1926), Tagore adopte une position résolument universelle dans son idéal éducatif en déclamant que les contacts entre peuples et civilisations nécessitent une connaissance et une compréhension accrues des divers moyens par lesquels les êtres humains résolvent leurs problèmes particuliers. L’université internationale Visva-Barathi, qu’il fonda à la fin de sa vie, a pour but de combiner des valeurs de l’Orient et de l’Occident pour aboutir à une perspective universelle et humaine basée sur la foi en l’homme : « la meilleure contribution individuelle possible au progrès humain et le perfectionnement de la personnalité ».

• Comment faire coexister peuples et civilisations ?

Dans "Changement des temps" (1933), Tagore précise son acception de l’idée occidentale de la démocratie parlementaire comme une nécessité menant à la compréhension mutuelle et universelle ; incomplète cependant sans le sens de l’initiative et de la responsabilité sociales. Tagore prônait la décentralisation du pouvoir comme une nécessité indispensable au développement harmonieux des villages et des villes, des peuples et des civilisations.

Dans "La société et l’État", il écrit même que notre faiblesse intérieure conduit à l’asservissement politique. Par conséquent, limiter les fonctions de l’État c’est progresser vers la maturité sociale, par le transfert de ses compétences à la communauté.

• Qu’est-ce que les obligations envers l’humanité ?

Dans "Crise de civilisation" (1941), Tagore appelle à plus d’humanité dans les relations entre les peuples (…) ; il dénonçait déjà au début du 20ème siècle le culte aveugle de l’État-nation comme contenant la semence de désastres pour l’humanité.

Certes, précise-t-il, chaque peuple doit avoir le droit de forger sa propre destinée mais sans entraver ses obligations envers l’humanité. Parmi ces obligations, il plaçait au premier rang l’esprit de tolérance mutuelle et l’acception des différences.

Le principe de l’unité dans la diversité, qui conduit au développement harmonieux de tous et avec tous, est au cœur de sa philosophie, celle des Upanishad et de l’hindouisme : (…) « si telle est notre croyance, nous devons reconnaître qu’il appartient à tous les peuples de poursuivre ce but. Et alors, tout le reste — luxe des richesses, puissance des nations — deviendra secondaire, l’esprit de l’homme triomphera et se libérera, sa tâche historique sera achevée ».

(*) Merci d’envoyer vos critiques, remarques et contributions afin que nous philosophions ensemble… ! [email protected]


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