Billet philosophique

La philosophie chinoise

25 septembre 2009, par Roger Orlu

À l’occasion du 60ème anniversaire de la révolution chinoise et de la création de la République Populaire de Chine le 1er octobre prochain, un ami philosophe réunionnais, professeur en Guadeloupe, nous a fait parvenir un texte sur la philosophie chinoise. Ce texte reprend la substance du cours d’introduction à la philosophie chinoise qui a été donné à l’Université Catholique de l’Ouest à Angers en France en 2007 par Christophe Bardyn. En voici quelques extraits. (1)

L’intention de ce cours est d’établir des rapprochements entre la tradition de pensée issue de Confucius (Kong Fu Tseu) et la philosophie occidentale d’origine grecque, principalement la philosophie socratique. Bien entendu, la culture chinoise ne se réduit pas à l’enseignement de Confucius. Toutefois, cette école de pensée, qui fait partie des "trois écoles traditionnelles", avec le taoïsme et le bouddhisme, occupe une place privilégiée. (…)
Le problème, c’est que l’approche, que nous appelons philosophique, et qui est caractéristique de la pensée occidentale, est le plus souvent considérée comme inexistante dans la Chine classique. Bien entendu, le mot "philosophie" ne peut pas s’y trouver puisqu’il s’agit d’un mot d’origine grecque. Mais beaucoup d’érudits chinois ou japonais contemporains, pensent aussi que la chose elle-même n’a pas existé en Orient avant que les occidentaux ne l’introduisent, à l’époque moderne. (…)

L’amour de la sagesse

Toutefois, il est remarquable que, de la Renaissance au 18ème siècle, on ait considéré au contraire que les penseurs chinois étaient des philosophes. Confucius était unanimement regardé comme un philosophe, et on comparait volontiers sa philosophie à celle des occidentaux, afin de discuter des enjeux les plus contemporains. (…)
Si nous voulons partir d’une définition correcte de la philosophie, nous devons revenir au sens premier du mot, tel qu’il a été inventé par les Grecs dans l’antiquité. Cicéron nous apprend que le mot philosophie aurait été forgé par Pythagore, au 6ème siècle avant J.C. "philosophia", en grec, est composé de "philo" (aimer) et de "sophia" (la sagesse). La philosophie est donc l’amour de la sagesse. (…)

Le philosophe n’est pas un sage

La philosophie est une certaine manière d’être, un désir d’acquérir des connaissances, un désir d’apprendre. Le philosophe n’est pas un sage parce qu’il ne possède pas un savoir accompli ; en revanche, il est constamment à la recherche de la connaissance par amour de la vérité.
Maintenant que nous comprenons un peu mieux quel est le sens du mot "philosophie", nous pouvons nous demander si les anciens penseurs chinois ont connu quelque chose de semblable, et s’il existe un mot ou une expression qui traduirait correctement l’idée de philosophie en chinois classique. (…)
Confucius est un homme qui désire savoir, qui désire apprendre. Cela n’évoque-t-il pas la philosophie au sens de Pythagore ? Toutefois, on pourrait objecter que malgré cela, Confucius est plutôt un sage, car il prétend avoir un savoir, et se conduit comme quelqu’un qui a réponse à tout. Mais ce n’est pas du tout le cas. (…)

Une philosophie pratique

L’intérêt de Confucius pour les rites s’enracine dans le désir d’apprendre. Reconnaître son ignorance et interroger humblement font partie du sens profond du rite. On est très loin du ritualisme formel dont on accuse souvent et superficiellement Confucius. Celui-ci indique donc clairement qu’il n’est pas un sage, un savant, mais qu’il est toujours disposé à chercher. C’est un homme qui aime et désire la sagesse, il aime apprendre. (…)
Ceux qui admettent qu’il y a eu une philosophie chinoise considèrent souvent que cette philosophie se réduit à la philosophie pratique. Il est vrai que les questions morales et politiques dominent largement les débats entre penseurs chinois. Toutefois, il serait inexact de réduire toute la pensée chinoise à la morale et à la politique, même dans le cas de Confucius.
Il serait tout à fait possible de rechercher quelle fut la philosophie théorique de Confucius, mais il serait très difficile de commencer par là. L’insistance de Confucius sur la philosophie pratique n’est pas sans raison. Visiblement, le maître considérait que cet aspect de la philosophie doit être le commencement de l’étude. (…)

Faire descendre la philosophie du ciel

La liste des sujets abordés par Socrate coïncide de manière surprenante avec celle des sujets préférés de Confucius. C’est pourquoi, dès le 17ème siècle, un philosophe français comme La Mothe Le Vayer pouvait désigner Confucius comme « le Socrate de la Chine » : « De sorte qu’on peut dire que Confucius fit descendre aussi bien que Socrate la philosophie du ciel sur la terre, par l’autorité qu’ils donnèrent tous deux à la Morale ». Il est donc absurde de reprocher à Confucius d’être un simple moralisateur, car il faudrait faire le même reproche à Socrate.

* Envoyez vos critiques, remarques et contributions afin que nous philosophions ensemble… ! [email protected]
(1) voir le site théolarge.fr


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus